La réunion de l'Eurogroup ce dimanche à l'Elysée a accouché de cinq mesures (texte de la déclaration commune en cliquant ici) :
A court terme, (1) forcer les banques à se prêter de nouveau entre elles en leur offrant une garantie d'Etat sur les nouveaux prêts. Cette garantie sera délivrée à titre onéreux. Ce dispositif n'est pas obligatoire par tout l'Euroland mais les Français jouent sur la masse critique de garanties données par les quatre gros PIB européens : Allemagne, Royaume-Uni, France et Italie. Les autres suivront ou pas, qu'importe.
(2) Recapitaliser les banques fragilisées "dans le respect des intérêts des contribuables", en contrepartie de plans de restructuration et sans égard pour les dirigeants et les actionnaires. Les Etats doivent déclarer leur enveloppe et leurs modalités nationales au 15 octobre.
(3) La BCE de Francfort fournira des liquidités aux banques contre des créances industrielles, les créances bancaires brûlant les doigts de tout le monde.
(4) Les normes comptables bancaires seront modifiées immédiatement(?) pour que, comme aux Etats-Unis, les actifs détenus par les banques ne soient pas dévalués systématiquement selon les cours de la Bourse.
(5) Une cellule de crise européenne doit être mise en place pour mercredi afin de "renforcer les procédures d'échange d'informations entre les gouvernements, le président en exercice du conseil européen, le président de la Commission, le président de la BCE et le président de l'Eurogroupe". On acte que la coordination n'existe pas pour l'instant et on se méfie de la présidence tchèque qui arrive. Résultat ?...
... ça a marché !
Les pays ont coordonné l'effet d'annonces et les opérateurs des bourses européennes ont compté 1700 milliards d'euros de garanties interbancaires et de recapitalisations : 11% de hausse en moyenne sur les places de Londres, Paris et Francfort, toutes les autres ayant rejoint.
Wall Street a "suivi" dans la soirée pour aligner sa meilleure humeur à plus 11% également. Le dollar remonte !
Sur quoi se fonde cet optimisme ? Sur la convergence des assauts américain et européen. Mais d'abord sur la vigueur de la réaction américaine dès la mi-septembre, même si la décision du président Bush d'offrir Lehman Bros en victime expiatoire à Mamon fut une connerie. Paulson, Bernanke et Nancy Pelosi ont pris l'ours par les oreilles (le taureau par les cornes c'est quand la bourse monte) et après quelques vapeurs parlementaires, ont décrété les mesures de choc.
Le second poumon économique de la planète ayant, après moult tergiversations, décidé la même thérapie sous l'impulsion de Gordon Brown et de Nicolas Sarkozy, les marchés mondiaux ont fini par être impressionnés et les 5000 gnomes qui nous pourrissent la vie ont couru au rallye pour ne pas être exclus de l'embellie.
Tokyo en pleine dépression nerveuse clôture ce matin en hausse de 15%, du jamais vu !
D'un côté, l'administration américaine a montré à ses créanciers du monde entier qu'elle était sur le pont, pavillon de beaupré déployé, offensive et souveraine ; de l'autre, la convergence forcée, au même instant, des trois gouvernements principaux du continent européen a obtenu les mêmes résultats. Un pays moyen a fait cavalier seul qui a vu sa bourse continuer à se liquéfier : la Russie. Une autre bourse s'est dévoilée pour ce qu'elle était intrinsèquement, un "géant-casino" : Shanghaï.
Ce ne fut pas chose aisée de ce côté de l'Atlantique. Le 4 octobre, Merkel torpillait le plan de 330 milliards de Lagarde parce qu'elle ne voulait pas que du bon argent allemand aille sauver des tocards bataves, belges ou français. L'Irlande, la Grèce puis la Grande Bretagne agirent alors seules en fonction de leurs intérêts propres même si Gordon Brown supplia ses partenaires européens de l'imiter. Mais il n'attendit pas ; comme Merkel pour l'aigle noir de Prusse, il fonça pour l'Union Jack. Le 7 octobre, la réunion des ministres des finances européens aboutit à une déclaration "morale" à l'eau de rose, et le 15 les bourses européennes s'effondraient devant le vide politique. C'est une vieille histoire : pas de volonté commune, pas de queue de trajectoire, pas de pouvoir réactif. La vieille dame discute, négocie, jalouse, diffère. Rien d'équivalent à la vitalité des Etats-Unis qui ont un seul chef d'Etat, un Secrétaire du Trésor aux trois-huit et un président de la Réserve fédérale, prêteur en dernier ressort et de son propre chef. Et pourtant l'Europe des Nations que l'on croyait remisée sur l'étagère des vieux machins, a précipité pour la première fois dans un nouveau composé de puissance "souveraine". Vient peut-être de naître le second pilier du Monde, accouché en dehors des institutions bureaucratiques de Bruxelles. On n'a plus vu la Commission dans ces épisodes.
Bémol : Les mesures prises dimanche restent dans le style "convergent", du moins sur le papier, car des aggravations inédites dans certains pays peuvent les remettre en cause ; et c'est sans préjuger du dumping rampant entre Européens et de l'honnêteté des banques. Il ne faudrait pas qu'une partie des 1700 milliards soit détournée du financement de l'économie par les directeurs aux abois pour solder des positions de marché périlleuses. Mais c'est une autre affaire.
Cette Europe des Nations peut creuser des tunnels, lancer des navires, construire des centrales nucléaires, des avions ou des films, mais elle n'avait pas d'état-major de temps de guerre. La Commission enflait comme la grenouille de la fable diluant son efficacité autant qu'elle soignait son prestige, jusqu'à oser féliciter par la voix de Barroso le président français de l'Union pour sa bonne gestion du dossier russo-géorgien ! Confusion des genres, le maître d'hôtel décore le lord du manoir !
Or ce retournement de crise n'a été possible que par la constitution d'un triumvirat soudé, au moins le temps de l'action. C'est une démonstration en vraie grandeur. Le bouillonnement du monde créera d'autres crises dans les domaines économiques ou militaires et l'on sait maintenant que la fusion momentanée des Allemands, Français et Anglais portera au front la puissance nécessaire, avec le renfort souhaité des autres pays (surtout Bénélux et Italie).
C'est la Commission qui a perdu gros. Elle peut être cantonnée demain dans un rôle d'intendance, et probablement que la fonction supranationale de "haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune" a pris un sacré coup dans l'aile. Merkel et Brown ne rattraperont pas la bureaucratie qu'ils haïssent, et Sarkozy a montré plusieurs fois son irritation à son endroit. Le président tchèque qui prend le relais au premier janvier 2009 est eurosceptique. Barroso peut très bien être renouvelé dans sa fonction avec le titre de "Regiment Sergeant-Major", c'est son seuil de "Peter".
Symétriquement nous savons que seuls nous ne nous en sortions pas. Pire nous risquions de dévisser et sortir de l'Eurogroup ! Nous aurions pu alors glisser sur la pente latine traditionnelle, dévaluer de 50% le nouveau franc et quelques mois plus tard, devenir - sous les applaudissements souverainistes - la première économie africaine ! Enfin premiers quelque part !
Peut-être est-il arrivé le jour de sortir de la tranchée et de proclamer la Nouvelle Triplice, ou quelque Conseil des Nations qui comptent (encore), gouvernant un "sénat" des 27, 30 ou 40 ; qu'importe !
Il s'est passé quelque chose hier !
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Au contraire on voit l'échec de l'Europe.
RépondreSupprimerTout d'abord, toutes les mesures préconisaient par Bruxelles partent en en éclat.
C'est l'Angleterre hors de l'euro qui a donné le las, suivi par les autres pays.
Enfin, les accords se sont faits hors dehors de la commission, et les 27 pays n'ont pas pris aux solution, comme les pays de l'Est.
L'UE a montré son inefficacité.
C'est bien ce que je croyais avoir voulu dire ...
RépondreSupprimerPour le coup, l'UE est out !