Deux mois plus tard, à Jambles en Bourgogne, Olivier Perceval fait sa déclaration d'investiture.
Vous pouvez l'écouter sur ce lecteur (peut-être pas sous Opera) ; elle ne dure que 10 minutes :
On en retiendra qu'il faut tourner la page des fidélités exogènes qui ont plombé le combat royaliste et se méfier du nationalisme jacobin actuel qui n'est qu'une resucée du nationalisme révolutionnaire destructeur de l'ordre social au profit du seul économique, lui-même à la merci du capitalisme anonyme et vagabond mû par sa seule avidité. Quelques points de doctrine maurassienne utilement rappelés, l'orateur constate que les royalistes n'ont pas de projet et ne font plus de politique depuis que les chapelles dépensent toute leur énergie à légitimer leur angle d'approche militante. Il annonce donc l'analyse critique de nos faiblesses qui ne découlent pas de la "conspiration universelle" contre nos valeurs.
Bravo, mais je suis déçu.
L'analyse critique a été poussée à fond par deux fois, quand se créèrent successivement la Nouvelle Action française (aujourd'hui NAr) et le CRAF dissident de la Restauration Nationale. S'il fut jadis question d'ego irréconciliables la parthénogenèse fut à chaque fois provoquée par des divergences politiques. La cause de la non-réduction de ces fractures est tout simplement qu'aucun prince n'a voulu trancher le noeud gordien (appelé en Gaule sac de noeuds) en adoubant une chapelle et son axe de propagande, soit qu'aucun axe ne leur convienne jamais - c'est ma crainte - , soit qu'ils ne veuillent rehausser plus encore l'ego de l'élu. Le seul à s'exprimer librement est Jean d'Orléans, mais son discours est fragmentaire et reste à distance du projet de restauration. Les ralliements à contretemps et les déclarations oecuméniques d'Henri d'Orléans ajoutent plutôt au désordre en confortant la diversité dans une convergence qui n'existe pas du tout.
Je crois que "le mot" du discours de Perceval est "projet".
Aucun parti politique ne vit sans projet sauf un syndicat de sortants. Effectivement, il n'y a pas de projet intelligible par un esprit moyen que l'on pourrait promouvoir largement dans l'opinion, sauf celui de l'Alliance Royale déroulé sur une plateforme politique complète (touffue) et carrée. N'y manque que le nom du roi.
Dans l'émission de Lesquen sur Radio-Courtoisie hier, la journaliste Dominique Paoli relevait (ce ne sont pas ses mots exacts) que la restauration n'interviendra jamais sans assentiment populaire et donc que l'on devait infuser dans l'Opinion l'idée royaliste. Je partage cette approche et la défends ici depuis le début de ce blogue. Si cette condition est vérifiée par les docteurs de la loi, elle oblige à un canevas institutionnel clair et vulgarisable. Or celui de l'Alliance est "cénaculaire" et, même avec des diagrammes comme ceux que Royal-Artillerie avait dessinés lors de la présidentielle de 2007 (auto-clap), compliqué. Je propose cette esquisse de projet en surfant sur les évidences d'actualités qui condamnent l'éléphantiasis de l'Etat mais réclament en même temps du muscle et une juste compassion ; on peut développer chaque thème à l'envi.
(1) Pérennisation de la fonction de chef d'Etat pour retrouver un vrai symbole d'union nationale par la recherche d'un affect populaire, une dignité au-dessus des partis politiques et de leurs syndicats, le bénéfice d'avis et remontrances au gouvernement des gens par l'expérience acquise, pédagogie du Bien commun et proximité de l'Opinion, garant de la Justice.
(2) Restauration des pouvoirs constitutionnels du premier ministre qui redevient le vrai chef du gouvernement et s'attelle à résoudre les handicaps de la nation qui s'accumulent, dans l'optique d'un recalibrage offensif du pays.
(3) Réduction drastique des parlements national et régionaux et locaux dans le cadre de la réduction du train de vie de l'Etat préalable à la résorption de la Dette (une assemblée nationale de 300 députés est largement suffisante, un sénat entre 0 et 60 sénateurs aussi, fusion verticale des conseils régional et général).
(4) Réduction drastique de l'Administration nationale en rénovant et renforçant les services utiles à l'espace public. Sauvons la Poste !
(5) Privatisation des syndicats, agences, partis, conseils, offices, officines, ligues et autres hauts-commissariats qui ne dépendront plus du budget national, mais de leurs adhérents ou usagers.
Comme on peut le voir, nous balayons ici devant notre porte, et ne nous soucions pas de l'Europe, de l'Otan, de l'OMC, de la stratégie de Big Oil et de tous ces loups-garous derrière qui se cachent les souverainistes, par ailleurs alléchés par la prébende strasbourgeoise (je pouffe). Il sera temps de revenir à la gestion des dépendances et contraintes quand la maison France sera propre et en ordre de bataille. Pour le moment, et par sa faute, elle est en train de disparaître dans le paysage mondial comme un hologramme !
Cet axe politique, s'il ne contredit pas celui découlant du catéchisme AF que défendent les Manants en récusant le terme dans leur compte-rendu du CMRDS 2008, recentre les efforts sur l'os du problème et remet aux calendes la décoration dialectique convenue :
Pourquoi partir dans une propagande de sécession européenne, par exemple, qui pis est à l'époque de notre plus grande impécuniosité ? Que d'énergie dissipée en pure perte ! Laisser critiquer l'euro dans les organes royalistes est une ânerie, la piastre appelée franc français n'aurait pas résisté plus longtemps que le baht thaïlandais de 1997 aux bouleversements financiers actuels. Rechercher une autonomie militaire avec une armée squelettique, sans argent, dépourvue de moyens de projection, chiche en appui-feu mais asphyxiée par sa mexicanisation, est irresponsable dans ce monde dangereux ; c'est bien au contraire le moment de mutualiser les moyens existants tout en virant les surnuméraires de la piste aux étoiles.
On étudiera aussi avec profit le dernier discours de cadrage du président Pascaud de la RN qui bat le rappel des militants royalistes sous son aile pour former un soutien structuré au duc de Vendôme, ce qui est prendre la question par le bon bout : un chef, c'est lui, des moyens, c'est moi !
Mais ne nous trompons pas de combat.
Ne chassons pas le lièvre des causes sues perdues d'avance. Essayons plutôt de rechercher en tous domaines accessibles par la politique l'intérêt de la France, avant de promouvoir un corpus doctrinal un peu daté qui jusqu'à ce jour n'a jamais été testé en conditions malgré son impeccable cohérence !
L'Etat français doit maigrir pour soulager la Nation de son poids et libérer l'énergie des enfants de ce pays magnifique encore. Est-ce si compliqué qu'il faille au contraire se ruer à la roulotte des diseuses de bonne aventure et prendre la remorque des partis démagogiques de l'île enchantée de Pinocchio ?
Brisons avec la rouspétance et la nostalgie stériles, et travaillons avec qui le voudra, de chez nous ou hors-bord, au format d'un Etat rénové qui, pour tenir debout et être respectable, nécessite ordre des choses le composant et clef de voûte.
Ce blogue va décanter quelques heures ...
Pause !
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Pas mieux.
RépondreSupprimerBIS REPETITA PLACET: il fallait le dire
RépondreSupprimerOui, l'état des lieux avant de signer le bail est indispensable, mais les royalistes attendent l'AXE politique. Or, je ne l'entends pas dans la déclaration de Monsieur Perceval.
RépondreSupprimerA refaire !
Je ne considère pas ce que propose l'Alliance Royale comme un projet solide.
RépondreSupprimerSi effectivement, manque encore aujourd'hui et pour quelque temps encore, le nom du Prince, le contenu à proposer doit trouver une consistance en tant que système royal, et non pas seulement en tant que résolution de dégraisser l'actuel appareil d'état ou de recadrer ce qui ne va pas.
Or, c'est là que ça manque : les royalistes français ne comprennent pas que ce n'est pas du côté du passé qu'il faut rechercher un modèle. Certes, la mise en définition que vous avez faite du principe royal à la française sert de repère pour en comprendre le principe. Mais le resservir, même sous une présentation contemporaine, ne peut mener à rien, car ce projet non seulement est insuffisant, et que même en "infusant l'idée royale", on n'effacera pas le contentieux insurmontable entre le Passé et la population française. L'erreur des royalistes français est d'attribuer ce contentieux seulement au tableau écrit au XIX° par les historiens officiels. C'est oublier que la Révolution a eu lieu, et elle ne les avait pas attendus.
Le projet de l'AR est cohérent même s'il est susceptible d'amendement aux marges, comme l'affaire des collèges électoraux que je ne comprends pas. Il a le mérite d'exister.
RépondreSupprimerCroyez bien qu'un projet bien construit serait bienvenu pour analyse dans le mouvement royaliste. Mais je crois avoir compris que vous n'en étiez pas.
Le mouvement n'est pas réellement homogène, et d'un autre côté, ceux qui tentent un effort de présentation restent accrochés à des thèmes ou à des références qui ne sont pas les miens. Il était plus clair, dès lors, et plus exact, d'afficher que je ne m'associe pas à eux.
RépondreSupprimerSi je dois effectivement proposer une solution, elle est fort différente de ce dans quoi, pour l'instant du moins, ils veulent se reconnaître.
J'attends que certaines choses soient mises en place, afin de proposer une solution qui ne soit pas détournée ou reprise à compte par ceux qui tiennent aux antipodes. Dans la série ouverte ces jours-ci, je dois donner quelques pistes, suffisantes je l'espère pour dessiner un paysage.