mardi 4 novembre 2008

Le jour des césars

US SealDemain matin nous saurons le nom du 44° Cæsar. Le poids lourd de la planète Terre - 30% de l'économie mondiale avec moins de 5% de la population - est-il devenu le poids mort ? A Davos l'an dernier, les non-américains se plaisaient à annoncer le "découplage" imminent au profit des BRIC. Les géants émergents (Brésil - Russie - Inde - Chine) ne feraient qu'une bouchée de l'Empire avant l'an cinquante. Le lest de la dette intérieure et extérieure américaine s'ajoutait à l'effondrement géopolitique provoqué par les guerres islamiques, sans compter le plus grave handicap pour la suite, un défaut d'inventivité.
On ne sait qui de McCain ou d'Obama sera le plus convaincant pour faire semblant de relever le défi, mais on se doute déjà que le "découplage" du Monde et de l'Amérique n'aura duré que quelques heures ! C'est à Washington et nulle part ailleurs qu'on va ouvrir la dispute sur le libéralisme le 15 novembre en convoquant le G-20.

USA Everlast sur le ring du Monde ? A l'évidence, tous ces pays y compris les BRICs sont dans le même bain d'eau sale que les Etats-Unis. Le Brésil est une économie de beau temps qui peut être ruinée à brève échéance, la Russie existe par ses rentes minières à condition que des opérateurs technologiques étrangers viennent les valoriser ; seules l'Inde et la Chine populeuses sont de vrais poids lourds économiques, avec avantage à la seconde qui est déliée des désordres démocratiques dangereux en cas d'orage planétaire ; mais pénalisée aussi puisque son trésor de guerre est monétisé par son premier contempteur, les Etats-Unis.

ObaMacCain
Au pupitre des machines de la Maison Blanche les manettes jouent désormais sans résistance sur leur axe, elles ne commandent plus grand chose, sauf les micros. Quelles que soient les mains qui s'y poseront le 20 janvier prochain, le cuirassé géant USA continuera sur son erre ; il ne faudra compter que sur le courant de fonds qui reste celui du capitalisme libéral. Le principe libéral est-il en soi coupable ? Des économistes avisés insistent pour faire porter le chapeau du désordre actuel au gouvernement des interventionnistes médiocres ; sans aller comme nous jusqu'à dire que la démocratie étant par essence le gouvernement des médiocres les plus rusés, les plus "sportifs" ou les plus avides de clinquant, il n'est pas étonnant que le principe en souffre. Une vidéo de l'association Un Monde Libre fait une analyse des causes de la crise financière en 7 minutes :



Au dehors de son grand marché intérieur, la future administration n'aura aucune coudée franche, embourbée qu'elle est en Afghanistan jusqu'au point de négocier bientôt avec les affreux et desserrant à grand peine le piège à loup irakien tout en gardant la main sur les nappes d'huiles. Prendra-t-elle le risque de tomber dans les mâchoires d'un conflit israélo-persique qui déclencherait un cataclysme énergétique sans précédent ? Les Juifs y poussent. Au dedans comme au dehors elle ne disposera d'aucune aisance budgétaire puisque la crise du crédit et la récession interdisent de surtaxer Joe le plombier qui traditionnellement n'épargne pas. Il lui faudra en permanence arbitrer entre priorités et urgences.

La Réserve fédérale arrive au bout de ses munitions dès lors qu'elle ne parvient pas à chasser vers le marché les dépôts bancaires qu'on lui confie, même en gérant l'interbancaire à 0,30%. Faudra-t-il passer à un taux de pension négatif comme la Suisse des années 70 ? A quoi serviront les 700 milliards de dollars de fonds publics que le Congrès a débloqué pour sauver les banques s'ils sont "placés" ? Pire, il faudra les emprunter en sus des 600 milliards de dollars que l'Etat a levé depuis un mois et demi pour soutenir la Fed, et concurremment servir une dette accrue qui dépasse désormais les dix trillions, en asséchant toute liberté budgétaire (pareil en France en plus petit). Or l'Amérique ne saura recouvrer avant longtemps la confiance des étrangers qui viendraient concourir au sauvetage, le charme étant définitivement rompu (dixit le poète Kouchner): les prêteurs institutionnels étrangers peuvent couper l'oxygène du poumon d'acier américain par défaut, si les nouvelles du G20 prochain ne les rassurent pas.
Je pense aussi que certains états ayant fort à faire chez eux et sans visibilité à moyen terme, seront peu désireux de se "ruiner" pour les faubourgs de Youngstown, laissant l'avenir au Hasard : les astrologues sont aux 3x8 et amassent des fortunes ces jours-ci.

Quoiqu'il en soit, la charge de président américain n'a jamais été aussi éloignée du "cadeau", à se demander si le Great Old Party n'a pas filé l'amarre pour se revoir dans quatre ans avec un candidat sérieux à faire plébisciter dans la quête du rêve américain revenu. Comme le fit Ronald Reagan après Jimmy Carter, auquel Obama ressemble beaucoup.

ceinture d'or de la WBC
D'un côté, l'impétuosité, l'imprévisibilité, voire la puérilité du candidat républicain me feraient craindre le pire, mais moins encore que l'accès à la passerelle de la Diane alaskaienne, si par malheur il nous fait l'infarctus de la victoire à la Félix Faure. S'il survit à sa joie, il devrait s'orienter vers la politique étrangère qui le met mieux en valeur que la politique intérieure, à nos risques et périls. Quoique il soit parfois des conversions surprenantes au principe que la fonction crée l'organe.
De l'autre bord, l'intelligence du démocrate lui sera d'un piètre secours dès lors que le Congrès, lui-aussi démocrate, résistera difficilement à la tentation de guider le jeune président inexpérimenté dans les voies qui ... avantageront leurs circonscriptions d'origine ravagées par une crise profonde. Premier noir à la Maison Blanche, il soignera sa politique intérieure pour les mêmes raisons mais inversées que son concurrent. Reste à savoir si un bon candidat fait un bon président : nous avons payé cher en France pour savoir que non ! C'est le risque premier du suffrage universel : Chirac !

Au final, l'arbitre ne sera pas le "peuple" mais "Big Business & Big Oil", les deux producteurs de fric, et le complexe militaro-industriel qui sait le dépenser. Rien de neuf sous le soleil, du moins tant que le tissu économique nord-américain résistera à la déflation annoncée par les experts, à défaut de quoi toutes hypothèses seraient ouvertes et les plus sombres. Dieu nous en garde !

Bon numéro Economiques de la Documentation Française (N°2954 - 48p. - 4,70€) sur les Etats-Unis. Des promos sont en cours à la DF sur cette série.


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