samedi 13 décembre 2008

Europe punching ball

MM. Sarkosy et BarrosoLa France rentre à Paris et monsieur Jouyet à l'AMF¹. Le roi de tous les Européens a tiré hier un bilan élogieux du dernier Conseil et de sa présidence semestrielle : toutes les priorités annoncées ont été lancées, haut, et si aucune n'est encore revenue au sol, c'est la faute à pas de chance et aux Irlandais qui coincent encore mais pour peu de temps la présidence du demi-lustre². Le compromis sur un commissaire irlandais va huiler le re-référendum d’octobre 2009, faute de quoi on surtaxera la Guinness, le Jameson et leur fameux café des tourbières. Est venue l'heure de faire un retour - j'allais dire sur images tant la presse télévisée a été mise à contribution pendant 6 mois - sur cette présidence d'artificier.
On doit accorder à M. Sarkozy une aisance que n'avait nullement son prédécesseur prompté. Quelques titres de chapitre jetés sur un bout de papier et l'avocat plaide sans notes sur tous les sujets en restant cohérent. La facilité est une arme de conviction. Sachant cajoler la presse, distribuant les bons points et oubliant les mauvais avec l'humour suffisant pour que son auditoire "mutin" les remarque, le président français a souvent emporté le morceau par la seule contagion de son enthousiasme. Sur le plan de la communication, c'est un sans-faute. Pour le reste c'est moins sûr …

centrale à lignitePaquet énergie-climat : L'empreinte borloo-sarkozienne sur ce chapitre avait peu marqué la réunion de Gdansk à cause du pinaillage habituel des requérants de subsides pour réduire leur dioxyde de carbone à nos frais ! Un compromis a été trouvé à Bruxelles pour accompagner sur douze ans la réduction de la pollution des centrales à charbon/lignite polonaises et hongroises (le Brandebourg en a aussi). Les objectifs verts - 20% en moins ou en plus selon les domaines - ont été sauvés, malgré les réticences de l'Allemagne et de l'Italie qui restent les deux dernières grosses industries européennes. Oui, il fallait le faire car un accord global intereuropéen n'était donné par aucun astrologue sérieux !
Mais ce ne sont que des objectifs ! Les promesses convergentes des 27 suffiront-elles à convaincre la Chine, l’Inde et le Brésil ? C’est au Brésil que se termine effectivement le semestre français.

Rolls Royce PhantomRelance économique : le résultat se borne à reconnaître à l'unanimité que l'Europe fait face à une crise économique d'ampleur inégalée, et accessoirement que la troisième pleine lune de 2009 tombera le mercredi 11 mars. Il n'y aura pas de plan commun exécuté et surtout arbitré au niveau de la Commission. Les synthèses du président Barroso qui brandit 200 milliards d'euros de relance, choux et carottes mélangés, ne trompent personne. La Commission ne peut avancer que 15 milliards sur ses caisses.
On sait les réticences allemandes à charger la Dette, sans doute parce que son pronostic démographique est négatif. Et malgré le rallye des économistes sur un new deal keynésien, des voix commencent à parler des effets pervers à venir de transferts massifs de la nation vers les secteurs économiques les moins performants. Le capitalisme se purge par sa loi de "sélection naturelle". A défaut de l'avoir vacciné, on lui refuse le laxatif qui le guérira. Longue vie aux fabricants d'objets inadaptés aux marchés futurs !
Et philosophiquement le tout-consommation, c’est mal !

Les domaines restants n'ont pas vu d'avancée spectaculaire, dans le cadre institutionnel européen du moins. Toutes leurs questions ont été traitées à hauteur d'homme par le président Sarkozy personnellement.

eurofighterPESD (Politique européenne de sécurité et de défense) : la pierre de touche fut la crise géorgienne. La divergence d'intérêts entre l'Europe occidentale et l'Europe orientale s'est confirmée au premier jour de l'attaque géorgienne sur le tunnel de Roki. L'Europe-institution était dès lors hors-jeu. M. Sarkozy a pris l'affaire à sa façon, à bras le corps, pour renvoyer dans ses 22 l'histrion géorgien dont la provocation émergeait heure par heure dans les "agences d'intelligence". Nous avons sauvé la face de tout le monde sauf du protégé américain, mais la PESD en a pris un coup, laissant aux Orientaux la certitude que seule l'OTAN les garantissait, pour autant qu'ils ne provoquent pas inutilement l’ire de l’Ours.

nageurs clandestinsRégulation des flux migratoires : l'Allemagne s'y était essayée au 1er semestre 2007 en créant des équipes d'interventions rapides aux frontières et une "boîte à outils" auprès de l'Agence Frontex de surveillance avancée. Du concret ! La France a fait adopter un pacte inter-européen destiné à réguler les flux en fonction d’une immigration "choisie" et à durcir les conditions d’entrée, de séjour et d’asile, des autres. On recherche un partenariat Europe-Afrique pour diminuer ou détourner l'immigration clandestine, mais c'est vider la mer avec un seau à sable. A la limite, stupide, puisque les Africains n'y ont pas un intérêt primordial, leurs élites fuient par d'autres canaux. Le problème à facettes multiples n'a pas été saisi par le semestre français, c'est une question de temps long. Le cycle semestriel européen est inadapté.

UPM (L'Union pour la méditerranée) : Un moment choyée par les Français, cette construction en perpétuel devenir dans laquelle s’agresse toute la rive Sud, ressemble plus au bâton merdeux qu'on passe à nos successeurs tchèques après les en avoir prévenu.

Au-delà des résultats, la novation de cette présidence semestrielle est le "punch" ! Aucun dispositif institutionnel n'a prévalu, pas plus que le "noyau dur" franco-allemand. Privée des clarifications du Traité de Lisbonne, la France a fait preuve de réactivité et d'initiatives, réunissant les partenaires clés au moment et déclassant les autres pour ne pas ralentir le train européen tiré par la locomotive Sarkozy.
Même la triste BCE fut impressionnée par le combat du petit reître et M. Trichet a joué la même partition de crise en prenant des mesures choc.

L'emblème fédéral que constitue la Commission sort amoindri de ce semestre tourbillonnant. Il se refera une santé sous la présidence tchèque si le président Klaus ne lui pourrit pas la vie. La forte et brève personnalisation de l’Union européenne laissera des traces dans le fonctionnement institutionnel.

Note (1): Autorité des marchés financiers de la place de Paris
Note (2): 2½ ans



gants de boxe raccrochés
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