vendredi 2 janvier 2009

Des rois, un roi !

blason de la communauté de madrid
J'ai déjeuné au premier de l'an entre le chancelier (= adjudant-major) d'une petite ambassade d'Amérique latine, et à ma droite, une communiste basque fédéraliste (= elle déteste l'Eta et ses abrutis de dynamiteros, todos prematuro ejaculatores assez c... pour poser une bombe il y a deux jours et appeler la police avant qu'elle ne saute !). Dans la clandestinité antifranquiste des années cinquante, elle avait partagé son couvert avec Jorge Semprún et Dolores Ibárruri à Paris. Le fil de la conversation intéressante est parti d'une évocation de la serre d'Atocha, la gare madrilène en verrières de fonte transformée avec beaucoup de goût en jardin tropical ; pour ouvrir sur le chapitre "terrorisme" depuis l'ETA, au GSPC et à al-Qaïda jusqu'à ... Bombay ...

J'appris alors qu'à la tête d'une importante délégation, la présidente de la Communauté urbaine de Madrid se trouvait à l'hôtel Oberoi lors de la dernière attaque des Kashmiri en Inde. Grâce au désordre des premières minutes, Esperanza Aguirre, comtesse de Murillo, parvint à s'enfuir et gagner l'aéroport pour rentrer en Espagne, ... laissant derrière elle toute la délégation (clac).
La presse espagnole le lui reprocha vertement, à quoi elle répondit qu'elle avait dû courir pieds nus dans le hall baigné de sang et que c'était vraiment écœurant de patauger là-dedans, réalisant ce disant ... un exploit ! La polémique enfla à un point tel que le Premier ministre Zapatero entra dans les remontrances jusqu'à ce que les partis réciproques, Partido Popular et PSOE, s'y mettent. Le vacarme politique étant à son maximum, le roi sortit de sa réserve pour mettre le hola ! Et chacun se tut.

Juan CarlosJe dis alors à ma voisine basque que l'histoire était sans doute exagérée puisque le roi ne disposait pas des textes nécessaires à son intervention. A quoi elle me répondit, surprise, que « le roi d'Espagne n'avait besoin d'aucun texte pour dire le droit et son fait à quiconque, même à ce bouffon de Chavez ! Un roi, ça n'est pas pareil qu'un politicien tout-venant », renchérit-elle !
Je buvais du petit lait, d'autant qu'elle ignorait à cet instant mes opinions politiques.
Ayant eu le privilège d'assister au discours¹ du roi devant Las Cortes le 22 juillet 1977 par TVE interposée, je lui relatais cette image historique de la Pasionaria (Dolores Ibárruri) nouvellement élue, participant à la standing ovation générale à la fin du discours d'ouverture des travaux parlementaires ; elle manifestait ce jour-là la même joie que si elle avait tout gagné ; avec raison puisqu'elle pouvait verser enfin sa prime d'assurance en la démocratie !

L'épisode "Tejero" qui suivit (23.02.81) dut convaincre ma voisine de la pertinence de la royauté, bien loin de toutes les histoires de loup-garous colportées sur les rois et leurs turpitudes, pour qu'elle le trouve aujourd'hui in.dis.pen.sa.ble.
TejeroDe cette conversation, on peut retenir que si la fonction crée l'organe, le caractère du titulaire est au moins aussi important que le logiciel qui fait tout marcher, du moins pour les deux premiers règnes. Juan-Carlos ne fut jamais un fort en thème ni un crâne d'oeuf, mais son caractère fut forgé très tôt pour assumer la fonction à laquelle le prédestinait le Caudillo. Le résultat est assez convaincant.
D'ailleurs, intervint le chancelier à ma gauche : « c'est un homme disposant d'une autorité naturelle qui fait baisser le ton de son interlocuteur sans ouvrir la bouche », et de me narrer l'inénarrable : voyageant en Espagne dans la même voiture avec son ambassadeur, le roi et un conseil du roi, il se souvint que la discussion sur les préparatifs d'un prochain voyage en Amérique latine fut brusquement interrompue, le roi faisant arrêter la voiture sur le bas-côté, sortant l'aveugle face à la steppe et vidant sa vessie d'un jet puissant en continuant son propos diplomatique pour remonter aussitôt en rengainant : "Où en étiez-vous ?".

L'année 2009 a commencé pour moi sur l'évidence qu'un communiste pouvait se convertir à tolérer la royauté ; ce qui n'entraîne pas son adhésion à la monarchie certes, mais nous indique que l'autorité naturelle et l'affect sont des moteurs efficaces d'acclimatation de l'idée royale si le puzzle monarchique est bien construit.
Souvenons-nous en !

Note (1) : Quelques considérations sur ce discours du 22 juillet en cliquant ici.


armes de Juan Carlos I
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2 commentaires:

  1. Cet article que je viens de parcourir en un éclair - avant d'y revenir - me réjouit ! Mais vous ignoriez donc qu'il existait des communistes royalistes ? Peu nmbreux, certes, mais il en est.

    Pour ce qui est de la démonstration, ne négligeons pas là-dedans le caractère espagnol... Ceux-là appartiennent à une civilisation (trempée). Ce n'est pas vraiment le cas en Gaule...

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  2. Bon anniversaire à sa majesté Juan-Carlos Ier. Dieu la garde !

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