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L'étoffe du chef

lionLa monarchie royalisante ou consulaire (celle que nous avons depuis 2007) est fondée sur l'incarnation du pouvoir, à la différence de la théocratie qui n'est guidée après Dieu que par un lieutenant général des puissances célestes sur terre, leur contremaître. Il existe aussi des monarchies contemplatives, au sens où les peuples sujets admirent le monarque qui s'en contente, et le pays avec ; c'est la dérive affective des monarchies du Nord.
A regarder tous ces princes qui traversent nos revues pipoles, je me suis souvent posé la question de savoir en lequel se cachait le nouveau Frédéric II. La question prise autrement : que puis-je attendre d'un prince en position de gouverner ? Les principales qualités sont largement connues, les indispensables "conseils" de la formule aussi, mais par ces temps d'orages économiques et sociaux, j'ai trouvé cinq trames secondaires à l'étoffe, qui peuvent faire toute la différence.

le Sphynx(1)- Etre psychologue pour savoir s'entourer, et distinguer chez autrui ambition et talent. Le clé qui tourne facilement est celle des antécédents. Elle s'usine d'abord dans les services de police. Qui dit antécédents dit bien évidemment histoire, donc quelque chose de mort. La nature humaine s'use à l'abrasion de la vie. Tel premier économiste de France peut muter en comptable besogneux s'abimant dans les chiffres qui sont comme chacun sait, les chaînes de l'esprit français.
Tel grand entraîneur de rugby fort en gueule sera tétanisé par la mélodie d'un raisonnement implacable délivré d'une voix douce qui le clouera au mur de sa vulgarité.
Il est des exemples de grands psychologues, celui qui me vient en premier à l'esprit est Talleyrand.

ballons(2)- Faire mieux que dire. Les programmes proclamés sont très républicains. On peut même soutenir que la République n'est que programme et proclamation. On désigne même les discours par la localité où ils ont été prononcés : le discours de Dakar (CDG), le discours de Verdun-sur-le-Doubs (VGE), le discours de Versailles (NS).
S'il n'est pas interdit au prince d'expliquer sa politique, mieux vaudrait qu'il s'en tienne aux procédés ou projets en cours de réalisation qu'aux effets d'annonce dont tout le peuple a soupé. Mais la devise comprend le verbe "faire" qu'il ne faut pas traduire par "gérer". On attend d'un chef de l'efficacité et de la production. Si Childéric III avait lu RA, nous aurions tous les cheveux longs.

mental(3)- Surveiller l'essentiel. Les nations sont comme des corps vivants puisqu'elles sont faites de corps vivants. Leur physiologie agrègent de nombreuses fonctions vitales réglées par d'autres fonctions ancillaires, mais il est seulement deux organes maîtres du jeu qu'est la vie : le cerveau et le coeur.
Pour une nation, le "cerveau" est son niveau mental et sa résilience aux crises et aux guerres. Les pouvoirs ne doivent pas jouer avec le bonheur intérieur brut du peuple en le débitant en mensonges jusqu'à lui faire croire que tout est déjà dû à la naissance. Ce n'est pas la question des droits de l'homme, que cet avachissement général au prétexte de solidarité. Etre une merde sociale par son propre laisser-aller n'est plus dirimant de nos jours. Les bonnes âmes ramassent les merdes comme les nippons de Paris le font sur les crottoirs de la capitale. Comparativement à d'autres pays de notre sphère occidentale, on peut évaluer l'avachissement mental des forces de production à l'explosion des revendications en temps de crise, contre quoi, je ne saurai trouver quoi. La chaleur, cette semaine ?

L'autre organe, le "coeur", est l'économie générale du pays qu'irriguent les flux financiers. Un prince doit être capable de "lire l'économie" et très attentif aux dérives par rapport aux principes, même s'il ne peut démonter les plus ultimes subtilités. Exemple, les 30 glorieuses de la république : c'est un gag ! Marc de Scitivaux m'explique dans le poste que le développement fut obtenu en brûlant la richesse accumulée¹ et que la marche forcée a provoqué l'inflation d'une redistribution échevelée qui, une fois atteint les taux insupportables de prélèvements, s'est nourrie à crédit sur les générations à naître. Cet état de choses participe de l'essentiel et le Fonds monétaire international ne s'est pas privé de nous le dire hier.

calamar(4)- Evaluer le risque majeur. Le pire risque est toujours celui qu'on se cache parce qu'il n'est pas un danger immédiat. Les acteurs économiques et sociaux n'ont pas vocation à mesurer les risques majeurs, embringués qu'ils sont tous dans la vie quotidienne. C'est au prince qui dans sa fonction bénéficie du temps long (avantage premier de la monarchie), à garder l'oeil sur la remontée en surface des remous du Kraken². Le gros problème est le développement créé par la mondialisation. Les échanges planétaires de gens et biens en sont une conséquence moindre que la redistribution rapide des forces planétaires entre d'une part des autocraties impériales détenant des matières premières indispensables, et de l'autre des démocraties transformatrices éparpillées dont le chef de file est au plus mal.
Le prince, le chef, ne peut pas se tromper ou jouer à la roulette russe avec la nation. Nous ne contiendrons les empires qu'en leur faisant peur. La force prime le droit. Déduisez de cela la bonne politique de contention.

escalier(5)- Nourrir sa réflexion de ses sujets. Quand il est nécessaire d'améliorer la compétitivité d'une entreprise, les Japonais ont la bonne idée de commencer par ceux, nombreux, qui savent où ça coince. Des milliers de petites réparations sont ainsi possibles avant déjà de "repenser" les procédures. Pareil pour les Etats.
L'administration d'une nation superpose des structures locales, régionales, globales dont la réflexion est nourrie par des collèges d'experts, des agences d'évaluation en tout, des comités théodule et autres groupes de travail. Il est indispensable qu'un pouvoir libre prête l'oreille aux doléances et suggestions individuelles sans tout laisser remonter par le crible étatique. Cela exige un solide bon sens, ce dont nos princes ne manquent pas, qui serait très sûrement renforcé si le kaizen³ était appris à tous sur les bancs de l'école.


Note (1): l'épargne a été dévorée par l'inflation qui fut toujours supérieure au taux obligataire moyen dans un pays fermé par le contrôle des changes, par une dévaluation de 75% contre la seule monnaie continentale de référence, le DM, et ensuite par le débridage des déficits publics quand la ressource se contracta. On ne peut pas gérer plus mal
Note (2): calamar gigantesque des sagas scandinaves
Note (3): perfectionnement permanent de soi-même, méthode japonaise d'amélioration des procédures



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Commentaires

  1. Je n'y reconnais pas les "nôtres". L'un est passionné de polo, l'autre de vieilles pierres et le troisième qui est le premier, d'aquarelles !
    Où est le stratège ? :) :)

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  2. Jusqu'ici le "stratège" de la grande famille est à Lignières.
    Tous au CMRDS !

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