L'averne est "légitimiste", posé, endurant et accepte l'émigration vers Paris comme variable d'ajustement du produit intérieur brut cantalou. Mais par atavisme il sait compter. Recevoir depuis des mois 210€ à la tonne de lait quant elle lui en coûte beaucoup plus, remettre son bas de laine dans le compte-courant du Crédit Agricole pour ne pas être "interdit bancaire", se lever à l'aube par tous les temps et bouffer des rutabagas en regardant passer la limousine du gros distributeur régional, l'exaspère, même s'il n'est pas envieux de nature.
Ceci est vrai pour tout le Massif Central, ses paysans n'aiment pas être pris pour des cons par les monsignores des gangs Leclerc, Carrefour, Auchan et Cie. Ils sont comme du dentifrice : s'ils sortent de leurs exploitations, impossible de les y faire rentrer.
Même en l'absence de surveillance efficace de l'Observatoire des Prix et Marges, on se doute bien que la grande distribution se goinfre, au motif que ce qui est pris aujourd'hui risque bien de ne pouvoir l'être demain. Aucun consommateur n'a vu les prix baisser même symboliquement en conséquence de l'effondrement des prix payés au paysan, et dans aucun compartiment, fruits, viande, légumes, laitages.
Mais c'est bien plus qu'une remise à plat des filières qu'il faut engager ; il faut repenser les modèles économiques agricoles de ce pays et se poser la question des quasi-monopoles de distribution de masse dont le gourou médiatique Michel Edouard Leclerc ose passer dans les lucarnes pour vendre sans vergogne sa défense du pouvoir d'achat populaire. Le sermon est génétique dans cette famille !
Glissons, il se trouvera peut-être un détraqué du porte-monnaie pour le faire taire. En attendant, Royal-Artillerie ne va pas se ridiculiser à dérouler un plan de refonte de l'agriculture française, mais offre gracieusement à son distingué lectorat quelques notations.
Tous les éleveurs (porc, vaches, lait) que j'ai entendus craignent d'abord leur banquier, à deux titres : gel des découverts de campagne, défaut sur remboursement de prêts. J'ai noté aussi que dans les calculs de déficits quasi-structurels maintenant, le coût des crédits d'investissement est celui qui fait basculer l'économie de l'exploitation. Les éleveurs sont pris à la gorge à cause de leur sous-capitalisation.
L'agriculture démocratique n'est viable que de subsistance et surplus au marché du bourg. Au-delà, le segment économique oblige à disposer d'un certain capital. Et l'on répond depuis 50 ans à cette carence notoire par le Crédit Agricole qui fonde son risque qui est grand sur le foncier de l'emprunteur. S'est-on posé la question élémentaire, Dr Watson ?
Si le Capital ne vient pas dans les fermes - sauf en Champagne ou en Bordelais - c'est que les dividendes sont maigres ou inexistants. Les capacités rémunératrices des exploitations étant faibles, on ne peut s'étonner qu'elles peinent ou défaillent à suivre la banque. L'agriculture démocratique est un vestige du passé, une erreur économique dès qu'on la veut "économique".
L'agriculture n'est pas une entreprise comme une autre. Ses bilans ne se comparent pas au reste des activités humaines. Avant d'en vivre plus ou moins bien, ou pas, elle est patrimoniale, familiale, toute d'enracinement, et la rémunération qui manque au bout de la sueur donnée est simplement la fierté d'en être. Il n'y a que des desouches dans l'élevage, et quelques miséreux d'ailleurs pleins de courage qui reprennent des terres enrésinées pour y creuser leur tombe (quand les autorités cantonales les laisse faire) ! Je n'ai jamais croisé d'éleveur juif sur le Levézou.
Troisième et dernière notation. Les bonnes âmes désignent la qualité comme canot de sauvetage de la profession. Il y a certainement beaucoup à repenser sur les modes de culture et faudrait-il ainsi braver les semenciers et les chimistes qui tiennent la production en amont. Mais la qualité va se fracasser sur le consommateur lambda, le plus nombreux, qui ne recherche que des prix, quitte à plus tard ruiner la Sécurité Sociale pour avoir ingurgité de la merde pendant des lustres ! L'éducation diététique est à faire, peut-être en commençant par les cantines d'écoles et la restauration d'entreprise. Sans une pédagogie soutenue de la qualité, voire du plaisir, la promotion d'une agriculture saine (et de la proximité) est perdue d'avance.
Il est à souhaiter que les affameurs prennent vraiment peur et libèrent ce secteur indispensable à la France.
Note (1): gosse des villes, il avoua un jour à Philippe de Villiers que les clochers, les campagnes de France, tout ça ne lui disait rien.
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