A moi, reste de cette affaire le souvenir de l'enthousiasme général d'une grande capitale qui croyait venue l'heure de la pérestroïka², une ambiance très décalée par rapport à l'indifférence générale des provinces qui suivaient avec inquiétude ce gigantesque charivari qui durait depuis un mois, et dont on ne voyait pas la fin, le pouvoir étant complètement muet. Dans les quartiers des corporations d'Etat, les employés avaient déserté leurs bureaux pour s'encanailler à la démocratie de voirie, mais les vieux chefs de services qui savaient déjà l'issue probable, avaient un mal de chien à les convaincre de revenir. Bien leur en prit d'entendre raison.
L'échauffement général faisait reculer dans les esprits toute possibilité de réaction brutale des autorités, malgré la loi martiale décrétée le 20 mai, dès lors que le Premier secrétaire Zhao était venu converser dans le camp de toiles avec les contestataires, et que le 38° corps d'armée de Pékin - constituée surtout de sursitaires - avait refusé d'entrer en ville, obligé pour ce faire qu'il était de prendre des barricades civiles à chaque porte. C'était sans compter avec la peur, celles des vétérans de la Longue Marche, celle de toute la nomenklatura retranchée dans ses privilèges exorbitants, derrière le vieux sage cracheur Deng Xaoping, communiste cynique que l'on persiste à louer chez nous comme le génie de la lampe !
Lui ne laisserait pas mettre en péril son ouverture économique, garante de la pérennité du Parti, par la chienlit démocratique. Ainsi les 27° et 28° corps d'armée, appelés de province pour se substituer aux troupes pékinoises, perceront-ils sans difficultés la ceinture éphémère jusqu'à parvenir à la place Tiananmen qu'ils nettoieront sans ménagement aucun dès la nuit tombée. Les pertes restent difficiles à estimer tant fut grand le désordre, mais elles varient selon les sources de 700 morts (agence Xinhua officieuse) à 2600 morts (Croix rouge chinoise).
La relation française de la révolte de Tiananmen sur la Wikipedia est très honnête ; nous vous y adressons, mais la vidéo ci-dessous est exemplaire :
Tank man, l'homme de Tian'anmen - 5 Juin 1989 -
par Rudy-D
Ne croyez pas que Tankman soit resté anonyme ou impuni. Il a ... "disparu".
Dans des extraits diffusés par avance de son testament, Zhao Ziyang proclame l'insurpassabilité de la démocratie occidentale pour consolider la réforme économique chinoise, au simple motif que, tous comptes faits, les pays de l'OCDE ont capitalisé une avance très grande sur le monde communiste : « En réalité, c'est le système occidental de la démocratie parlementaire qui a fait la preuve de la plus grande vitalité, avance-t-il. Si nous ne prenons pas cette direction, il nous sera impossible de gérer les conséquences du passage à l'économie de marché en Chine. »
La suite lui donne tort, à l'évidence, surtout si l'on compare l'évolution des deux grands pays communistes, Chine et URSS. Celle-ci peine à s'arracher à son africanisation et commence à être colonisée par sa voisine en Extrême-Orient. La Chine dictatoriale quant à elle, est devenue le partenaire de référence dans la crise mondiale qui se déroule aujourd'hui. Elle dicte ses conditions au Monde à l'exception notable des Etats-Unis (et encore, on verra pour la Corée du Nord) et du Japon, qui restent les seuls contempteurs de même taille qu'elle. Le reste, y compris l'Allemagne, attend son bon vouloir, et se dispute avec elle sur des questions non stratégiques comme les droits de l'homme, le Thibet, la propriété industrielle, le dumping, la falsification des comptes nationaux, la tricherie légale, etc... rien de sérieux.
Est-ce à dire que la démocratie parlementaire occidentale soit incapable de gérer l'émergence d'un empire de 1300 millions d'hommes ? On ne peut l'affirmer puisque le schéma n'a été nulle part mis en pratique. La Chine bénéficiant du peuple Han, à la fois ingénieux et travailleur, donc susceptible d'adaptation rapide non contrainte, il eut été intéressant de faire cette expérience après 89.
Par contre, à voir l'état désastreux de l'Europe occidentale à mi-chemin du socialisme et du libéralisme, on peut douter de la pertinence de ce système hybride, qui par essence exacerbe tous les défauts des peuples assujettis et les perversités des régimes. Nous serons les derniers du Monde à quitter la Crise !
Ayons demain une pensée pour l'insurrection pékinoise et pour les victimes du dernier massacre communiste, encore de nos jours, assumé ! J'ai même trouvé hier des "explicateurs" de la voie unique : la répression à outrance.
Note (1): Quartier névralgique du gouvernement central chinois à Pékin
Note (2): le Mur allait tomber le 9 novembre 89, soit six mois après
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La propagande du régiome a parfaitement fonctionné puisque le recueil de réactions auprès des étudiants chinois d'aujourd'hui nous indique que :
RépondreSupprimer- la répression fut provoquée par les outrances des manifestants et le désordre engendré par l'immixion de criminels avérés au sein de la contestation
- l'histoire c'est du passé trop ancien pour que ce soit intéressant
- le seul but des étudiants d'aujourd'hui est de gagner le plus possible d'argent, ce qui ne s'atteint pas en perdant son temps en politique
Edifiant !
En Chine continentale, on a commémoré avant-hier le 35 mai !
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