En fait, nos sociétés découragent le "génie" auto-porté et encourage l'entropie grise du format, si facile à gérer. Les royalistes n'échappent pas à cette tentation de réguler les moeurs et pensées, et se planquent les uns, derrière le catéchisme catholique, les autres, derrière le catéchisme maurrassien, d'autres de plus en plus nombreux, derrière le manifeste légitimiste. Mais quelle que soit la porte d'accès, il en résulte le même catalogue de "valeurs" incontournables sous peine d'excommunication. Finalement ils remplacent un Etat invasif et hostile par un Etat sympathique tout aussi invasif, alors qu'il s'agit d'abord de brider l'Etat.
L'anarchie est-elle la seule réponse ? Je serais plus enclin à la promouvoir si elle n'était pas si difficile, à concevoir d'abord, à appliquer ensuite. Il n'en demeure pas moins qu'une société anarchique n'est distinguée d'une autre que par les limites qu'elle publie à leur intention, limites qui marquent l'éloignement maximum du pôle de référence qui la représente chez les autres et dans les enceintes internationales de décision. Bien sûr, l'instrument d'une identité "anarchique" est refusé comme tout autre par les adeptes, mais c'est un premier réflexe qui s'estompe par le raisonnement.
L'institution royale peut servir de pôle d'aimantation à une société anarchique, sous réserve bien sûr que le magnétisme ne dérive pas en fourrier d'une autorité morale universelle. Le réglage fin de la dialectique entre un roi et l'anarchie n'a jamais été fait, à ma connaissance. Mais il n'est pas interdit d'y réfléchir (on me dit dans l'oreillette que l'interdiction ne va pas tarder).
Redéfinissons déjà l'anarchie pour les retardataires : ses gourous proclament que « l’anarchisme n’est pas une de ces doctrines qui emmurent la pensée et excommunient brutalement quiconque ne s’y soumet pas en tout et pour tout. L’anarchisme est, par tempérament et par définition, réfractaire à tout embrigadement qui trace à l’esprit des limites et encercle la vie. Il n’y a, il ne peut y avoir ni credo, ni catéchisme libertaires ».
Au delà du "ni dieu, ni maître" des tatouages, cette philosophie politique récuse les cadres de l'autorité de tous ordres, laissant ses citoyens-atomes se moléculariser au gré des intérêts individuels dans la gestion des contraintes économiques, physiologiques et morales de la vie en commun. Ainsi deviennent facultatifs les cadres naturels et artificiels créés par l'espèce en évolution : il y en a quatre : la famille, le "cadastre" ou la propriété, la religion et l'Etat. L'explosion des cadres présuppose que "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil".
Sauf à ne sélectionner que des bisounours en couveuse, il est bien évident que l'arrogance propre à l'espèce et le machisme biologique se conjugueront vite pour former des clans, des bandes, des sectes avec leurs codes, leurs haines ou leurs phobies, au détriment de la société du bonheur et du concept proclamé. Il conviendra donc d'assurer le minimum vital d'ordre à la société anarchique pour que foisonnent les libertés, que soient débondées les énergies individuelles et que s'expriment sans entraves les talents et particularités d'une diversité décrétée enrichissante.
Ce minimum vital est un champ aimanté appliqué "sous" la société et que l'on peut définir concrètement par les quatre fonctions essentielles que d'expérience il est plus facile de confier à un Etat distinct des tribus (Etat qu'on peut désigner autrement, bien sûr) qu'à la génération spontanée locale. Cet Etat doit être limité à l'exercice de ces quatre pouvoirs, strictement limités mais denses et efficaces, sous l'autorité absolue du roi. C'est la marotte du bouffon de Royal-Artillerie. Nous les rappelons :
I.- pouvoir de justice
En se défiant de la république des juges, procureurs et greffiers, il faut assurer une confrontation des contestations dans des enceintes dédiées, qui seront jugées à l'aune du bon sens par un magistrat indépendant des parties. Un codex de procédures est-il nécessaire ? Devons nous nous inspirer de l'adaptabilité des juges anglais ? Tout est à construire, dès lors que notre justice actuelle est devenu la plus mauvaise possible, si l'on en croit les analyses d'experts convoqués à la réforme de l'Instruction. (clic Libé)
II.- pouvoir de police
Les règles visibles de la vie en commun doivent être protégées par un corps de "gardiens de la paix" investi localement ou de plus loin, qui préviendront les conflits directs ou répareront leurs effets. Mais la police criminelle ne peut être sous la coupe d'intérêts locaux (comme aux Etats-unis). Elle garantit son impartialité par la distance qu'elle maintient entre elle et son champ d'enquête. Une police du roi qui n'a pas besoin d'être asservie à des règles bureaucratiques si elle est recrutée dans un champ d'excellence, est tout à fait capable d'inculper à bon escient. Les limites de son action peuvent même être dressées localement.
III.- pouvoir diplomatique
La société anarchique ne peut être représentée vis à vis des sociétés tierces es qualité. Il convient de confier ses intérêts extérieurs prépondérants à une structure professionnelle du meilleur niveau qui les défendra en guettant et prévenant les atteintes étrangères. Ce pouvoir débouche fatalement sur le suivant dès lors que les intentions des tiers au pays sont explicitement hostiles.
IV.- pouvoir de guerre
S'il est un domaine où l'anarchie est inopérante, c'est bien la guerre. Lorsque une société y est contrainte, il est sage d'avoir forgé d'abord l'outil de réplique implacable qui la dégagera des menaces de conquête ou destruction auxquelles le destin convoquera sa réponse. Un roi et son armée sont plus sûrs que les milices patriotiques et la levée en masse, qui d'ailleurs aujourd'hui n'en lèvera pas des masses !
Ceci étant posé, asseyons-nous sous la treille et observons depuis le palais royal les lemmings en anarchie. C'est peut-être une posture littéraire plus qu'un précipité de physique sociale. Un prochain billet dans lequel nous donnerons aussi quelques recettes de recrutement des fonctionnaires de cet Etat minimaliste, nous fera vivre en anarchie.
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Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerVous êtes plus libertarien et plus précisément minarchiste que véritable anarchiste. Ou alors c'est de l'anarcho-capitalisme.
RépondreSupprimerPourquoi dites vous que la police criminelle ne peut etre inféodé au pouvoir local, comme aux US ??????
RépondreSupprimerLe probleme est l'existence de petits satrapes, mais pas de la repartition de compétences sur differends echelons!
Des polices décentralisées ne veut pas dire "police municipale à la française"
J'ai toujours aimé Tocqueville.....Et puis un Prefet n'est rien d'autres qu'un notable qui a fait des etudes.....