jeudi 24 septembre 2009

Lait de Crise

filtrationCrise du lait. C'est une question technique de régulation macro-économique de la production de lait en fonction des prévisions de consommation et négoce international de la zone Europe. A l'origine, c'est la tradition française d'administration pointilleuse de sa production agricole et son système endémique de prix contrôlés qui s'est imposée à Bruxelles, en compensation des avantages que le marché commun ouvrait à l'industrie allemande.
Ce n'est pas la première fois que le système autoritaire du modèle français se plante, souvenez-vous des montagnes de beurre des années 80. Pour éviter ce gaspillage, fut créé un système de quota assez complexe à manoeuvrer, pour ajuster l'offre actualisée à la demande prévisible dans le Marché Commun. On est passé d'excédents en pénuries et vice-versa jusqu'à ce qu'il soit évident que les quotas étaient soit des incitations perverses soit des freins qui agissaient à contre-temps. La Crise mondiale a coupé la demande de lait et produits dérivés des pays tiers à l'Union quand les quotas ont été augmentés pour résoudre l'envolée des prix internes, provoquant l'effondrement des cours du "gras". Parallèlement, un pays comme la France, qui noie ses labours sous le lait des citernes, importe des millions de litres de lait bio car sa production nationale est notoirement insuffisante rapportée à la demande des nouveaux consommateurs...

Situation stupide de l'importation : les pesticides qui ne sont plus dans ce lait sont remplacés par le CO² émis par leur transport ! Même si l'on devine que les ajustements normaux du marché sont au bout du compte bloqués par la sur-règlementation, les technocrates phosphorent sur de nouvelles règles qui répareraient les anciennes, défectueuses. Technocratie quand tu nous tiens ! Sur un marché libre, les agriculteurs se seraient convertis au bio progressivement à mesure de la montée en rayons de ce produit nouveau.

logo lait françaisOù va-t-on, nul ne le sait vraiment en démocratie, puisque c'est le lobby le plus fort, le plus craint ou le mieux confédéré qui impose sa loi. Que veut-on ? La question est plus facile si on organise sa réponse autour du pivot du Bien commun. L'agriculture intensive résulte de l'exigence de produire le maximum de denrées au prix le plus bas pour nourrir le plus de monde. Découlent de cela, le remembrement des parcelles en grandes exploitatons, la mécanisation poussée des opérations et la généralisation de la chimie des cultures et des élevages. Le système produit avec peu de monde des denrées calibrées et attrayantes d'aspect au meilleur prix. Ce qu'elles contenaient étaient jusqu'à récemment inutile à savoir ou accessoire de la décision d'achat, jusqu'à ce que nous tombent dessus les vaches folles de canibalisme.
Parallèlement, l'exode rural provoqué par le mode intensif a créé de vastes agglomérations urbaines dont on perçoit aussi les limites en termes d'épanouissement individuel et de sûreté de vie ; limites que les décideurs croient pouvoir dépasser en injectant des idées et de l'argent dans leurs erreurs. Si l'on met en cause le modèle agricole intensif les experts objectent que mécaniquement les prix remonteront et que les couches défavorisées crèveront la dalle. Nous commençons à en être moins sûrs depuis que les écologistes nous ont montré qu'il fallait inclure tous les coûts indirects dans le bilan d'une filière. Le mode intensif est-il plus rentable ? Le bilan comptable ne peut défalquer les subventions européennes pour être équilibré, et les déficits à la marge sont épongés par l'accroissement des exploitations saines qui rachètent les mauvaises (en terme de marché commun).

vacheAucun montant n'est jamais provisionné pour la dégradation des sols, la pollution des nappes phréatiques et des rivières, l'ensauvagement des parcelles non rentables, la destruction de la diversité génétique des terroirs et... la mort des abeilles pollinisatrices. Aucun montant nulle part n'est pas non plus provisionné pour la gestion de l'exode rural vers les villes, et en aparté, dans le tiers-monde ces coûts sont énormes. Ne dit-on pas au Brésil que les favellas sont une conséquence directe de la "révolution verte" ? Pour finir, s'il est difficile de donner le prix de la dégradation de la santé publique par tous les traitements agricoles et les adjuvants agro-alimentaires, on sait qu'il y en a un, certainement élevé.
Le Bien commun intègre l'universalité des coûts directs et induits, en sus de la condition économique et morale de tous. Quand la complexité de l'épure devient trop grande - quoique nos crânes d'oeuf osent tout -, le meilleur réflexe est de revenir à la Nature qui a une longue expérience. Il n'est pas interdit bien sûr de profiter de la modernisation des procédés.

Alors faut-il cesser la PAC ?
La politique agricole intensive certainement, tout en laissant prospérer une agriculture commerciale orientée vers la grande exportation. Ne soyons pas bêtes.

toile campagneLe changement du mode d'exploitation renverserait toutes nos idées puisqu'on reviendrait progressivement à une agriculture de terroirs destinées à fournir ses marchés de proximité. Les "marchés de pays" qui fleurissent l'été dans nos provinces explorent avec de bons résultats le lien consommateur-producteur. Bien sûr, les atouts d'une région bénéficieraient à d'autres par des échanges classiques et les Flandres n'auraient pas à planter des vignes. De même importerions-nous les productions typiques des zones non-tempérées et l'Alsace ne ferait pas du riz sous serre ! Finies les pommes congelées du Chili, finies les perches du Nil exportées d'un continent qui a faim par endroit.
« L'agriculture n'est pas là pour pour produire le maximum de denrées au prix le plus bas en utilisant le minimum de main d'oeuvre. L'objectif doit être de produire une diversité de denrées, de qualité saine, dans les quantités nécessaires à la nation, et dans des conditions qui assurent à la fois le respect de l'environnement et l'emploi optimum capable de maintenir la stabilité sociale » (Jimmy Goldsmith 1993, en campagne pour Philippe de Villiers).

Dans deux ou trois générations, la France pourrait bien avoir retrouvé sa magnifique polyculture et des paysans repeupleraient ses campagnes. Certes, il faudra trouver des courageux pour s'y remettre, à défaut de quoi les courageux viendront de loin comme les Italiens qui rachetèrent le Gers après-guerre.
Mais si les résidents rechignent à l'Angelus, il ne faudra pas se plaindre, car nous aurons fait la preuve que nous ne méritons plus ce magnifique pays.
Sus à la PAC ! Démembrons les exploitations, à taille humaine.


angelus
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2 commentaires:

  1. Le retour à une polyculture à taille humaine oblige aussi à cessez de bâtir des logements et des centres commerciaux sur les terres arables, ce qui est un crime contre l'humanité.

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  2. Oui, nous avons les meilleures terres arables du monde et la bêtise crasse de nos édiles entame gravement ce don de Dieu en capital.

    Il n'est d'aristocratie que foncière ! Le reste est parvenus.

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