mardi 12 janvier 2010

L'export, un art plus qu'une science

logo made in chinaLa Chine est devenue le premier exportateur de la planète. On attend qu'elle en devienne à court terme (comme le refroidissement du fût, on ne sait pas combien ça fait) son premier producteur. A partir de là, si aucun accident systémique ne détruit l'Empire du Milieu revenu, bonjour les diplomates aux cols empesés, nous ferons où Zhongnanhaï nous dira de faire !
Cette annonce tombe au milieu d'une série noire de revers industriels français à l'exportation qui laisse croire que les glandeurs de Polytechnique, échappés peut-être de la SNCF, ont repris en main les grandes causes. M. le président de la République peut bien faire des pieds et des mains pour placer nos productions - et nous devrions l'en féliciter plus souvent - si les "états-majors" payés au mois restent dans leur gros sabots du Plan, rien n'aboutira. La liste la plus récente commence à faire peur, surtout que les domaines impliqués sont ceux de notre excellence :

- Quatre réacteurs atomiques perdus par EDF-AREVA-TOTAL-SUEZ-VINCI aux Emirats, au profit de Westinghouse emmené par le chaebol sudcoréen Hyundaï. Vingt milliards de dollars, plouf !
- Programme de transport militaire aérien A400M dont l'Allemagne ne paiera ni les rallonges ni les retards, autant dire qu'il est enterré, la France n'ayant pas les moyens de se substituer au cousin germain. M. Forgeard avait des obsessions boursières à l'époque qui le distrayaient de son commandement. L'Amérique fournira !
- Quatorze satellites Galileo perdus par EADS Toulouse au profit d'une PME anglo-allemande qui les fait à moitié prix. Six cent millions d'euros, plouf ! Sans doute économisent-ils sur les frais d'état-major.
miss Univers 2009- Trente six Rafales brésiliens mis en péril par les chasseurs suédois, moins performants sans doute mais tellement moins chers, et vendus par des commerçants adroits et modestes. Vu le niveau de la menace (Colombie, Argentine) l'armée de l'air brésilienne n'a peut-être pas besoin du top gun, même si deux moteurs sont utiles pour franchir la forêt amazonienne. L'affaire sera-t-elle quand même enlevée sur des motifs politiques, ou corrompra-t-on au bon endroit ? Comme la vente de 390 chars Leclerc aux Emirats, contrat perdant qui a coulé le GIAT de Roanne ? Ou comme les frégates de Taïwan ?
- Chloé Morteau n'a fait que cinquième dauphine à miss Univers 2009 laissant passer la belle venezolana Stefania !!!

Notre commerce extérieur est déficitaire depuis 2004. Ce commerce est une des conditions essentielles à l'arrêt du déclin économique qui, s'il se poursuit, nous fera disparaître un jour des enceintes de pouvoir du globe. Or nous ne sommes pas en prise sur les pays de croissance, sauf dans le traitement de l'eau, et tous efforts de conquête aujourd'hui affrontent déjà les nouvelles productions locales. L'Inde produit sa petite voiture et ses progiciels informatiques, la Chine lance son propre TGV, son propre avion régional, demain matin ses propres centrales nucléaires, etc... et pour le vignoble c'est déjà parti : quatre cent mille hectares¹ sont en production ; la qualité monte, à mesure que passent les oenologues européens. Un milliard de cols sont étiquetés chaque année dont une bonne partie s'exporte en Asie.
(1) raisins de cuve et de table confondus

réacteur EPR
Notre commerce se fait essentiellement avec l'Europe, zone solvable certes, mais qui pâtit d'une atonie sévère de la demande et où le différentiel technologique n'est pas plus grand que l'avantage concurrentiel, pour ainsi dire nul. Que faisons-nous que nos voisins ne savent pas faire, ou ne saurons pas faire à brève échéance ?
A parité d'innovation, nous sommes plombés par un "modèle social" très coûteux pour l'industrie qui la pousse à délocaliser. La Clio part en Turquie ! Mille euros d'écart à l'unité.

Quand on aura fini de tout essayer, la production dirigée, le Plan, le colbertisme, les pôles de recherche, d'excellence , il restera à s'inquiéter des mentalités. Du haut en bas de la pyramide de production. D'individu à individu nous ne craignons personne. Nous aurions même tendance à être foutrement plus intelligents que nos interlocuteurs, jusqu'à pourrir notre génie dans la quête inlassable de la perfection. L'ingénieur français est un évolutif, il améliore sans cesse. A peine livré, le client est toujours sûr de ne pas recevoir le dernier modèle ! Mais c'est en escouade que ça se gâte.
L'esprit gaulois n'est pas fédérateur, pas plus dans l'industrie que chez les royalistes. Il faut à chacun montrer son propre génie et gagner les lauriers pour soi-même. Les émirs d'Abou Dhabi ont vu passer une foule de mecs géniaux qui débarquaient, qui de chez Areva, qui de chez EDF, qui de chez Suez, Vinci (les ponts) et même Total (le seul vraiment connu sur la zone d'effort). Programme de cirque complet, jusqu'à ce que le petit reître sente l'odeur de la sciure et envoie son missi dominici Guéant pour faire moins pagaille auprès des towel heads ! Trop tard.

Au Brésil, la délégation française annonce le contrat de Rafales en faisant comprendre que l'avis des aviateurs brésiliens est une formalité. Ceux-ci se cabrent et font le maximum pour couler le projet sarkozien-louliste. L'arrogance dans le commerce international ... c'est fini depuis les guerres de l'opium au Cathay.

gripen
Quand nous perdons des contrats en Chine par suite des zigzags tibétains de la présidence, nous envoyons une ambassade à Zhongnanhai comme aux temps de la reine douairière Tseu-Hi. C'est aller à Canossa. Tous les Français vivants en Chine le savent, le disent, mais ni le quai d'Orsay, ni le cabinet noir du faubourg Saint-Honoré, ne semblent avoir compris le pas de clerc. On perd des marchés sans plus pouvoir dire quoique ce soit, et les Chinois pouffent. Hi hi hi !

Que faire ? Tout reprendre à zéro. Notre système éducatif secondaire est inadapté au monde d'aujourd'hui - au bout de sept ans, nos enfants ne parlent couramment aucune langue étrangère - et le segment supérieur, dispersé entre deux cultures irréconciliables (l'université et la grande école), fabrique à la fois la compétence, l'arrogance et la puérilité. La destruction de l'industrie asséchera le champ d'opérations des vaillants diplômés et nos petits génies exerceront leur supériorité dans l'économie molle ou virtuelle ; ce qui accélèrera encore plus notre disparition car tous nos concurrents sont mieux organisés socialement que nous dans ces domaines immatériels qui convoquent un plus grand effort personnel. Il n'y a pas de pointeuse pour phosphorer, ni de RTT.
Aux Etats-Unis, un diplôme permet de pénétrer dans une entreprise à un certain étage. Cette indication pour le DRH a une validité de un an, voire deux ; après quoi seuls les résultats comptent. En France, un X-Mines est patron en viager !

calendrier AubadeReste la question du tissu industriel des PME. C'est le seul tissu de régénérescence. Je pense que nous serions bien avisés d'avoir la modestie d'étudier à fond les industries allemande et japonaise et d'en importer l'organisation, sans trop chercher à l'adapter, mais plutôt de forcer chez nous l'adaptation au modèle étranger, en requérant autoritairement toutes les conditions ancillaires qui nous font défaut, à commencer par un système bancaire impliqué et des organisations professionnelles éprouvées. Nous n'avons ni l'un, ni les autres. Nos banquiers ne sont que des "employés" de banque, et nos chambres de commerce ou de métiers de véritables fromages à feignants.

A moins d'un Buonaparte, c'est une affaire à trente ans, ...si on s'y met demain matin.


Une faute d'orthographe, de grammaire, une erreur à signaler ? Contactez le piéton du roi à l'adresse donnée en bas de page et proposez votre correction en indiquant le titre ou l'url du billet incriminé. Si l'article vous a plu ou déplu, vous pouvez le faire suivre à un ami en cliquant sur la petite enveloppe ci-dessous :

3 commentaires:

  1. Analyse aussi brillante que ... les images qui l'illustrent, à l'exception de votre conclusion de la dernière ligne :

    " A moins d'un Buonaparte, c'est une affaire à trente ans, ...si on s'y met demain matin."

    avec laquelle vous me permettrez d'être en total et immédiat désaccord ! ...

    RépondreSupprimer
  2. Je persiste ! il s'agit d'une guerre économique et pas du jeu scout du foulard !

    RépondreSupprimer
  3. Comme il vous plaira !
    mais la guerre avec Buonaparte on a vu où cela nous a conduit !

    Peut-être faites-vous ici aussi dans un subliminal qui m'est inaccessible, étant un royaliste prisonnier de schémas intellectuels qui m'interdisent de sortir de ma boîte logique ( modéle célèbre de management qu'on enseigne et pratique dans toute entreprise confrontée au quotidien avec la guerre economique ...) bonne nuit !

    RépondreSupprimer

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.

Les plus consultés sur 12 mois

Compteur de clics (actif)