« La démocratie occidentale n'est pas la panacée pour n'importe quel pays. Transplanter arbitrairement la démocratie à l'occidentale ou "démocratiser" des pays différents et des pays arrivés à des stades différents de développement cause fréquemment des troubles, de l'instabilité et de violents conflits. Ainsi le développement économique est entravé et de sérieux dommages sont causés aux intérêts de la nation et aux gens.
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On sait que les agences officielles chinoises allument régulièrement des contre-feux pour marginaliser les dissidents, mais dans le cas de l'Afrique, on a bien du mal à leur donner tort.
Les rédacteurs des constitutions africaines de l'indépendance avaient bien jugé les dangers de la démocratie occidentale puisqu'ils avaient instauré des pouvoirs forts calqués sur les chefferies tribales, portés par des partis uniques au sein desquels le débat démocratique devait avoir lieu. En contrepartie, au prétexte de mutualiser avec nous les dépenses militaires stériles, ils avaient fait passer des accords de défense entre la métropole et les jeunes pays, retirant de ce fait quelques dents à la prothèse constitutionnelle et libérant des moyens pour le développement.
C'était faire peu de cas de l'atavisme tribal qui écrase toute perspective "nationale" dans des pays le plus souvent maintenus artificiellement dans des frontières coloniales intangibles. Le présidentialisme musclée qui en a résulté, soutenu par les services français dans ses dérives et ses délires, écrivit les tomes II, III, IV et suite de Tintin au Congo. Il n'était que temps de mondialiser la démocratie de Westminster, ce qui fut lancé très justement après la chute du Mur de Berlin en 1989. L'Afrique allait "renaître" enfin par la magie du régime et la constitutionalisation des Droits !
Pr Gérard Conac : « Toutes les nouvelles constitutions africains énoncent un certain nombre de droits et libertés. Elles se situent ainsi dans le sillage du constitutionnalisme à dominante nettement libérale. Mais le dosage entre les libertés individuelles et les droits sociaux, droit à l’éducation, droit à la santé, droit au travail, à la sécurité, protection sociale, droit au logement est variable selon les pays. Certaines constitutions définissent aussi des droits relevant de la troisième génération, droit à un environnement sain, satisfaisant et durable avec parfois, en corollaire, l’interdiction des activités économiques qui pourraient mettre en péril l’écosystème ou contribuer à un déséquilibre dans les relations entre l’homme et son développement. La plupart optent pour l’économie de marché et protègent le droit de propriété individuelle. Même la constitution de l’Algérie, restant imprégnée par les conceptions du socialisme d’État, réserve à la propriété publique un très large domaine. L’affirmation des droits fait l’objet le plus souvent de tout un titre de la constitution. Presque toutes les constitutions francophones sont précédées d’un préambule qui pose des principes généraux affirmant les finalités de l’État et quelquefois même contient une liste des droits reconnus. »
On continuera cette intéressante étude universitaire en cliquant ici.
Dès lors, le ver de l'impatience politique est dans le fruit africain : Aux confiscations de la Caste succède l'anarchie des "ayant-droits". Chacun ayant accès en droit à tout selon ses mérites, qui les lui contesterait s'il a la force de se les octroyer et de se les faire reconnaître lui-même. Ce n'est jamais que faire campagne, comme ici en bateleurs de foire, comme ici jadis aussi avec les "tontons-macoutes du SAC.
Les rois-nègres phase II ne sont pas mieux normalisés que ceux de la phase I, à l'exception de quelques chefs emblématiques. Le pouvoir conquis par tous moyens surtout légaux, le plus pressé reste d'établir sa famille, son clan. Les pays étant des assemblages ethniques, si les ambitions ne trouvent pas d'écho au niveau national, il n'est pas interdit de penser que sous certaines conditions de viabilité (rente minière ou agricole) la carrière puisse devenir aussi juteuse au niveau régional, plus encore en coupant les ponts. Et nous avons dès lors le prurit indépendantiste qui travaille le nord de la Côte d'Ivoire, le Sud-soudan, le Kiwu, le Somaliland détaché de la Somalie, la Casamance, le Sahara occidental, et dix autres territoires que nous abrégeons pour ne pas faire pédant.
De grands stratèges payés au mois sur crédits européens étudient le continent en permanence et font des recommandations que personne ne lit, car elles sont toutes fondées sur la magie démocratique qu'à l'évidence nul ne croit. Il suffirait de proclamer que la démocratie c'est l'envie pour qu'on cherche un remède, mais le tabou est irréfragable, surtout du côté des bailleurs de fonds qui en font la condition d'accès à leurs caisses.
La démocratie est à dessein amalgamée aux libertés individuelles, à la justice basse et à la prospérité. La Côte d'Ivoire a créé des partis politiques sur sa carte ethnique, autant dire qu'il n'y a aucune solution, sauf au plus fort de vaincre l'autre, qui lui, chauffera dans son coeur la revanche. Mais le plus grand désaveu du principe de régime imposé réside dans le nombre immense de victimes subies par la République démocratique du Congo. Quatre millions de morts, mais noirs c'est moins cher, et entre noirs, c'est gratuit ! On a envie d'incinérer l'ONU.
Raide-con dans la conviction religieuse de l'insurpassabilité de la démocratie en tout lieu, nul n'accepte chez nous que notre système soit en cause, même s'il n'est bien sûr pas le seul paramètre déclencheur. Au contraire, on pousse partout aux élections comme une panacée aux malheurs des peuples ! Les Egyptiens s'en méfient qui ne sont pas rentrés chez eux estimant que le compte n'y est pas dans la révolution par la farce électorale proposée. Ils connaissent le truc à fond !
La Chine empirique ?
Libérée de parole par ses succès économiques et un calme politique que l'on décrète depuis trente ans "apparent", la Chine contrevient au politiquement correct. Ce qui est plus étonnant est qu'elle n'est pas aussi seule qu'on le raconte dans les lucarnes bleues de nos salons. Sait-on que cent pays l'ont soutenue dans son refus de laisser le dissident Liu Xiaobo recevoir son prix Nobel de la paix à Oslo ? Le malheureux est sans doute dépassé par l'enjeu mais pour qui a pris la peine de lire son manifeste (Royal-Artillerie a du sang de bénédictin à moins que ce ne soit la Bénédictine), le programme constitutionnel est inapplicable à un empire de la taille de la Chine, pour ne pas dire qu'il est à la limite de la niaiserie, ce qui n'enlève pas le courage des 300 signataires. Le mieux est de juger par vous même cette resucée tardive des revendications de 1848 qui s'appelle La Charte 08 en évocation de la Charte 77 de Vláçav Havel. Ce n'est pas très long :
- original chinois
- traduction en français au Canada
- traduction en anglais en Chine
Une version plus maniable a été publiée par Rue89.
Nous n'allons pas démonter ici la Charte 08 article par article. Il suffit de la lire posée sur une carte de l'Empire du Milieu. Des chinois réalistes ont réagi et ce sentiment est général : "La démocratie est un luxe et son prix est le sang" dit Ai Weiwei. Il y a tant à faire en Chine avant que de s'investir en politique ! Ce qui n'est pas hélas notre cas en France où l'on y fait carrière, faute de savoir entreprendre. On notera quand même le braquage massif des Hongkongais chaque fois que Pékin touche à leurs "droits britanniques". On sait aussi que les populations continentales sont très sensibles à l'injustice de premier niveau, aux passe-droits, à la corruption endémique, à la brutalité de la police et à l'étalage des fortunes. Mais la démocratisation n'est pas le clystère qui va purger le système, mais celui qui va disséminer l'endémie en multipliant les "quêteurs". C'est de morale publique dont la Chine a besoin, pas de parlements.
En Afrique, la rénovation de 1989 a diffusé le jeu de Chat Perché. Les gangsters sont intouchables s'ils ont l'adoubement électoral. Bob Mugabe vieillit en patriarche dont on baise la main ! Et on peut faire le tour : Omar al-Bashir vient de lâcher le Sud-soudan à l'ONU, il est peinard ! Paul Biya concentre tous ses efforts sur les modalités de ses réélections, c'est un des plus riches. Blaise Compaoré, putschiste sanguinaire, est issu maintenant d'élections et joue les médiateurs dans la sous-région comme un parrain. Que dire des Nguema, Sassou-Nguesso... beaucoup.
Le vent de révolte d'Afrique du Nord va-t-il descendre ?
Beaucoup de dictateurs régulièrement élus s'y préparent. On range les comptes, on les partage aux enfants, ce que l'on aurait dû faire n'est-ce pas depuis longtemps, mais la nécessité fait loi, et ça n'engage à rien de bien plier le trousseau dans l'armoire.
Le coup de gong "game over" serait la pendaison spectaculaire du raïs libyen, celui qui fut longtemps pour certains chefs d'Etat africains un paramètre approuvé dans le trilogue Europe-Arabes-Afrique noire, lui qui dispensa de gros moyens pour améliorer la situation économique de leurs pays, qui permit de diffuser l'islam en Afrique noire sur des bases construites (madrasa, mosquées), et qui finirait piteusement abandonné de Dieu comme Saddam Hussein.
Si le continent s'ébrouait jusqu'à expulser ses dictateurs, avec ou sans démocratie à la clé, la diplomatie française serait gravement touchée pour ne pas dire ruinée car nous y sommes partout embourbés par le réseau informel dénoncé par l'ex-ambassadeur au Sénégal, Jean Christophe Ruffin de l'Académie française, réseau dont le bec de pieuvre est le préfet Guéant et l'un des tentacules les plus en vue, le redoutable intellectuel Patrick Balkany, l'ensemble agissant au benéfice des groupes mercantiles certes légitimes mais ô combien pesants. On en reparle ces jours-ci avec le tract politique" du collectif Marly qui dénonce la même chose.
Qui aurait le courage de remettre l'Afrique à plat ?
En demandant peut-être aux Africains ce qu'ils souhaitent, après que leurs propres élites leur aient exposé complètement les avantages et inconvénients de chaque solution dans le cadre d'une "autonomisation" du continent. Et fassent surtout passer le message que la démocratie exige qu'une vraie culture de la Cité pénètre toutes les couches sociales pour qu'elles ne soient pas flouées par les malins et les coquins. C'était le job de Barack Obama ! Il n'a rien compris, là non plus. Ce serait maintenant à l'Union africaine de prendre en charge la lutte contre le sida démocratique occidental. Pour l'instant elle fait office de syndicat de sortants qui s'y engraissent.
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J'ai noté cette saillie de feu Jean Dutourd dans le 37° Lien légitimiste qui vient de paraître : "Il y avait bien de l'exagération dans le cri de mort aux tyrans poussé par les révolutionnaires. Les tyrans sont venus après la démocratie, abolissant les droits coutumiers, nivelant tout sous la même contrainte."
RépondreSupprimerOn y est en plein ces jours-ci.