samedi 4 juin 2011

Made in France

Ce texte est le premier jet du billet paru dans le bimensuel L'Action Française 2000 datée du 2 juin 2011. L'article de presse titré La France nouveau label est amputé de 300 signes pour entrer au chausse-pied dans la page 2. Bon pour archive.

L’AOC Made in France, conçue par MM. Antoine Veil du comité stratégique Bolloré et Yves Jégo, vice-président du parti Radical, est pilotée par une association d’entreprises et syndicats professionnels, logée à l’enseigne de Pro France dans la quiétude de l’Assemblée des Chambres Françaises de Commerce et d'Industrie à Paris. Le certificateur est le Bureau Veritas de réputation mondiale. Les coûts sont bridés et les procédures lisibles. Tout va bien. Aussi doit-on s’étonner de la brièveté de la liste¹ des partenaires et acteurs que publie Pro France. La presse économique repasse en boucle quelques marques connues du grand public comme le lunetier Atol, les skis Rossignol ou le carrossier d’électroménager Fagor.
Dans les détails se niche le démon.
Le produit doit être conçu en France et la valeur ajoutée obtenue pour moitié sur le territoire national. Comme il n’existe aucune génération spontanée dans l’industrie (sauf en chimie de l’air peut-être), on comprend déjà que la certification ne peut être sure que si les intrants obéissent eux-mêmes à cette proportion, ce qui est impossible à sourcer sauf enquête très fouillée séparant sur tout le Marché commun origines et provenances, perfectionnement actif d’un composant et ouvraison complémentaire à l’étranger, tous termes de douane bien connus des fabricants.

Si l’AOC Made in France est un succès – il faut bien sûr le souhaiter – s’engouffreront dans la certification les malins après les sincères. Et très vite, car ils n’attendent jamais longtemps, les entrepreneurs étrangers viendront chez nous naturaliser leurs produits. Exemple-type : cinq cents hectares de zone industrielle ont été ouverts aux Chinois à Châteauroux sur l’ancienne base OTAN pour produire du « high tech » céleste made in France ! C’est le contrat passé par la région Centre avec 4000 emplois à la clef (autant qu'en dit la mairie).

On doit comprendre que les entreprises françaises moyennes et petites – c’est la cible – qui produisent réellement en France ont fatalement des coûts de production supérieurs à leurs concurrents. Ce surcoût se répercute sur l’étiquette en magasin. Le nouveau label « Origine France Garantie » effacera-t-il la prime patriotique dans la décision d’achat du consommateur-citoyen ? On sait d’expérience que non, le patriotisme n’est pas si répandu qu’il suffise à vendre, sauf pour des produits très techniques achetés par des connaisseurs impliqués dans la durabilité ou la normalisation. Et que dire quand le produit franco-français sera mis en concurrence avec un produit turc « moitié-français » made in Bangladesh.
Si M. Jégo a retenu la proportion de 50%, et non pas 66 (2/3) voire 75% (3/4), c’est qu’à l’examen, il reste peu d’entreprises françaises produisant sous ces critères. La désindustrialisation du pays est achevée, le label réactivera le commerce intérieur de produits plus ou moins faits ici, et boostera l’exportation d’articles pas encore francisés dans l’esprit du consommateur lointain. Pour réindustrialiser, il faudra innover.


Note (1): Le label a été lancé officiellement au Palais Bourbon le 19 mai par Yves Jégo, dans sa procédure de certification "Bureau Veritas". A la date de rédaction du billet (fin mai), étaient inscrits chez Pro France, neuf entreprises "membre actif", douze entreprises "partenaire" et six syndicats professionnels, ceci après dix-huit mois de préparation. Ce n'est qu'un début, con-ti-nuons-le-com-bat !

Postscriptum : On lira avec intérêt et un peu d'étonnement le billet idéologique d'Alain Madelin sur cette question, où il est dit que tous les rapports convergent pour montrer que les délocalisations sont globalement favorables à la croissance économique et donc à l’emploi, tout comme le progrès technique. Il n’y a pas de différence entre une main d’œuvre chinoise peu chère et un robot industriel ! Où est fabriqué le robot ? (clic).

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