Cet article est paru dans le trimestriel monarchiste La Toile, numéro 10, publié au mois de mars 2011. Il entre en archive RA. Ce numéro de La Toile est un dossier sur la réforme territoriale aperçue à travers les élections cantonales. Nous approchons maintenant des élections sénatoriales qui pourraient voir un renversement de majorité à la Haute Assemblée. La Gauche étant majoritairement fédéraliste, les régions sortiront-elles renforcées du scrutin au point de contester, non pas les nations dont elles sont l'empreinte territorialisée, mais les Etats qui les gèrent, ou bien tout cela participe-t-il d'une évolution inéluctable ? Ce n'est pas aussi tranché. Réponse après le 25 septembre. Pour le moment les collèges électoraux sont en formation, comme celui de Parentis ici. En attendant voici le billet de La Toile n°10.
Quand la Hanse allemande, qui était une CEE avant l'heure, le céda aux Etats-nations à la paix de Westphalie (1648), les peuples européens apprirent vite ce que signifiaient les points-tirets que les experts d'alors avaient tracés sur des cartes de papier. Dans leurs frontières négociées au mètre près, les Etats devenaient des enjeux parfaitement concrets, parfaitement pesés, parfaitement négociables.
Les nations immanentes demeuraient, comparses des fois, éparses aussi, et le mouvement se fit vers l'adéquation suprême d'un état pour toute sa nation.
C'est l'irrédentisme, l'Europe faillit en crever.
1648-1948 : au Congrès de La Haye, Winston Churchill annulait trois cents ans de malheurs en appelant à l'union du continent dans ce qui allait devenir le Conseil de l'Europe. On allait retricoter Westphalie en sublimant les intérêts nationaux résiduels dans le mercantilisme d'une union de libre-échange chapeautée d'un codex moral sensé régler les poussées nationales. C'est la démocratie chrétienne qui prit l'affaire en main et construisit les communautés européennes. Les Etats étaient dès lors visés. Avec la CECA(1) on remontait les hanses, ils firent semblant de ne pas le voir.
Les décideurs économiques privés, qui doivent anticiper plus loin que les Etats pour survivre, ciblent les complémentarités transnationales en créant dans les régions périmétriques des convergences indéliables assez fortes. Le grignotage des Etats par les instances supranationales fait émerger mécaniquement les régions subalternes qui s'agrègent parfois en puissante communauté d'intérêts capable de dicter sa loi aux cabinets ministériels, relégués au rôle de facilitateurs dans l'exploration des jungles réglementaires locales. Le grand bassin drainant du Rhin en est l'exemple-type.
Les Etats n'ont que deux solutions. Soit ils se cabrent et reculent pied à pied en bon ordre comme une armée disciplinée, mais ils reculent – c'est le cas de la France qui continue à faire illusion chez elle -, soit ils accompagnent leurs pôles économiques majeurs de toutes les mesures fiscales et sociales propices à un développement réussi, attendant de l'enrichissement futur de la nation leur propre consolidation, c'est le cas de l'Allemagne et des pays du Nord. Les succès économiques germaniques sont en partie dûs aux réformes en profondeur de la société allemande menées à bien par le chancelier Schröder sur demande du patronat.
La conquête du land de Bade-Wurtemberg par Die Grünen de Cohn-Bendit va influencer fortement l'Alsace mitoyenne où Europe-Ecologie-Les-Verts du même Cohn-Bendit a fait des scores enviables aux cantonales. Très influencés par leur cousin germain, les Alsaciens doivent résoudre plusieurs questions d'environnement à commencer par l'arrêt d'exploitation de la vieille centrale nucléaire de Fessenheim.La question induit de trouver des réponses valides à deux questions : quid des 700 emplois directs (plus autant d'indirects) sur l'agglomération de Mulhouse, et où retrouver les 16 millions d'euros de taxes annuelles que M. Proglio paie aux Alsaciens ?
L'autre défi est l'agriculture intensive invasive et la concurrence de plus en plus forte de l'agriculture organique allemande. Le fleuve n'est pas une frontière mais l'aorte unique des deux régions, et le parti écologiste affiche clairement que "l’Alsace s’épanouira par une nouvelle coopération rhénane". Traiter la salubrité des eaux, la qualité de l'air, la sécurité de la batellerie, voire la pression cynégétique chacun dans son coin, est absurde. Aussi les structures de coopération se multiplient-elles et l'autonomie badoise déteint sur sa soeur occidentale.
L'Europe des nations a toutes ses chances car les nations sont éternelles. L'Europe des Etats, c'est moins sûr. Le temps de la Hanse est revenu, qui fait du commerce des choses le seul moteur des ambitions humaines, laissant à chacun le choix de s'enrichir l'esprit sans subir la dictée étatique. Les régions mitoyennes ont vocation à s'entendre par leur simple proximité de vue. C'est une tendance lourde que démontre l'Europe rhénane. Les Etats impotents, archaïques ou surdimensionnés sont destinés à s'effondrer sous leur propre poids. Si l'ambition des régions est de singer les Etats qu'elles auront surmontés, elles en partageront ultérieurement le destin
Note (1): La Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier (les six pays fondateurs de l'Europe institutionnelle) donnait l'autonomie à l'économie transversale pour surmonter à l'avenir les dérives agressives des Etats. Pendant 50 ans, la Haute Autorité de tutelle régla ses marchés par un réseau de guichets normalisés indépendants, au seul bénéfice des acteurs économiques du secteur.
Conclusion (version RA)
L'économique prime tout. L'histoire du monde peut s'expliquer par l'économique, les décisions politiques qui prennent toute la lumière des annales sont dans l'immense majorité des cas, soit les "encaissements" d'une situation favorable, soit les réactions de sauvegarde en face d'un péril économique. Même les guerres de libération napoléoniennes qui pourraient apparaître gratuites, ont des causes et des dérives économiques. L'Union européenne est une union mercantile et cette puissance ne se discute pas, elle se mesure. L'Union européenne ne sera jamais une fédération politique pour la simple raison que les nations la composant, représentées ou pas par des Etats, ne se la laisseront pas imposer. Il faut dire que les représentants de cette fédération actuellement en fonction ne risquent pas de mobiliser les fédéralistes autour d'un dessein purement utopique, tant leur "caractère" est ectoplasmique. Les régions vont certainement coopérer plus étroitement, surtout par dessus les frontières et les barrières linguistiques, mais les nations marcheront toujours vers l'histoire.
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