Yingluck Shinawatra, jolie petite soeur du laid tycoon Thaksin, va devenir premier ministre des chemises rouges au vieux royaume de Siam. Les rats des champs ont vaincu les chats des villes. Normal, c'est la quantité qui en démocratie fait la beauté et, avouons-le, ce sont bien des élections générales qui ont dénoué l'affrontement le plus dangereux qu'ait connu le royaume depuis l'encasernement de la junte en 2008. Sortis dans les rues en 2006 à la faveur d'un voyage à New York du premier ministre populiste Shinawatra, pour enrayer les dérives berlusconiennes du magnat local qui avait déjà englouti les télécoms, les militaires n'y retournèrent que pour vouloir décider par eux-mêmes qui avait le droit de gouverner. Et cette stupide arrogance déclencha les émeutes mieux connues en Occident par le combat carnavalesque des chemises rouges et des chemises jaunes. Peu de victimes (une vingtaine de morts) mais beaucoup de dommages économiques dans un pays qui a besoin de faire entrer beaucoup d'argent chaque mois pour recharger la chaudière du dragon.
Le roi Rama IX avait avalisé par décret le putsch, ce qui ne résolva rien des injustices criantes de ce pays, et on se demande encore si la situation eut été pire avec son refus. Cet accompagnement de l'actualité par la référence morale du pays a fragilisé le trône, et le futur Rama X, son fils Maha Vajhiralongkorn, qui n'a pas la fibre populaire, aura du mal à faire la soudure si la période est agitée. Bien que général de l'armée de l'air (pilote de chasse de la RAF, de la Royal Australian Air Force et de l'US Airforce), les militaires se méfient de ses tocades et de ses tumultes privés. Pourquoi pas une reine alors ? Sa soeur Maha Chakri Sirindhorn, très impliquée dans le développement rural, est appréciée de tous et serait "l'homme du moment", un peu comme Louis XVIII en 89. Mais qui saurait cela en Thaïlande ?
Le futur nouveau premier ministre, Yingluck Shinawatra, dont le Puea Thai Party sort vainqueur des élections avec 265 députés sur 500 à la Chambre basse, va donc coaliser quatre partis croupions, ce qui est très avisé pour ne pas avoir des partis-bascules dans les jambes dans les moments délicats. Ces partis n'ayant d'autre programme que d'obtenir des sièges seront assurés de l'avenir de leurs enfants et ça suffira bien.
Le Chartthaipattana Party (19 sièges) est l'héritier du Chartthai Party banni en 2008 par la "Cour Suprème" pour tricheries électorales. Ce nouveau CTPP, parti conservateur facile à comprendre, se dépêcha jadis de rejoindre la coalition au pouvoir, sortante hier, vaincue aujourd'hui, et passe à la victoire. C'est le parti le plus "réactif" de Thaïlande.
Le Phalangchon Party (7 sièges) c'est du vin vieux en bouteilles neuves, disent les titis thaïs. Mini-parti charnière qui bascule selon les intérêts de la famille Khunplome qui contrôle la province de Chon Buri à l'est de Bangkok, on l'attendait du côté des vainqueurs quoiqu'il arrive ; c'est fait.
Le Chart Pattana Pueapandin Party ! Gag ! Le dix juin dernier, son vieux leader Suwat Liptapanlop faisait l'offre de service rituelle à la coalition sortante pas si mal placée dans les sondages. Lui aussi marche au son du clairon et rejoint la victoire avec 7 députés.
Le Mahachon Party est le MRG thaïlandais en version low cost. A l'origine, défecteur du Democrat Party (parti sortant) il disparut dans la tourmente après avoir obtenu deux députés. Revampé pour les dernières élections, il s'aimante au pouvoir, ce qui est sa nature, mais avec 1 député il ne fera pas la loi, sinon mangera bien.
Pour le reste, le parti du premier ministre sortant Abhisit, Democrat Party, ne fait que 162 sièges. Celui-ci l'abandonne en le laissant à son "autocritique": comment être plus mauvais dans des élections générales ?
La coalition instituée aujourd'hui formera un bloc de 299 députés sur 500, ce qui ne sera pas de trop pour affronter les réalités thaïlandaises. La première tâche est sans doute aucun de combler la fracture sociale entre les bénéficiaires de la mondialisation et les autres, plus nombreux. La réconciliation nationale sera recherchée par toutes voies et à travers le Truth for Reconciliation Commitee mis en place déjà par le cabinet d'Abhisit Vejjajiva, sous la haute autorité du Dr Kanit na Nakorn, irréprochable. La préparation du 84° anniversaire du roi devrait y aider.
Mme Yingluck Shinawatra promet de redresser l'économie - ce qui se ferait très bien sans gouvernement aucun, dès lors que la paix civile est assurée par des mesures de justice et de développement prises par une administration simplement honnête, mieux orientées vers les provinces rurales. Quant à rehausser la morale générale, améliorer la bureaucratie et abolir la corruption, on sait ce que ça vaut. Elle me fait penser à Benazir Bhutto quand elle arriva aux affaires, ...pour y faire les siennes.
Derrière la candeur de la belle, il y a les conseillers du grand frère qui cherchent une revanche sur le putsch de 2006 et le redoutable directeur de cabinet Banharn Silpaarcha (en photo) qui va s'occuper lui des choses sérieuses. Il faudra beaucoup d'énergie pour garder la barre droite sur l'essentiel, l'amélioration du sort des paysans.
Depuis qu'il s'est offert la démocratie, le royaume de Siam devenu Thaïlande a traversé dix-huit coups d'état. Cette fois, le grand état-major a proclamé sa neutralité et son désir de laisser travailler les hommes politiques. Est-ce une moquerie cynique ?
La lune de miel est normalement de six mois, c'est le double de chez nous.
PS : Ceux des lecteurs qui voudraient suivre l'actualité de ce ménage à trois que représentent le palais, l'état-major et ce gouvernement de coalition devraient mettre le Bangkok Post en favori, qui émet d'ailleurs un fil de syndication RSS par rubrique.
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Puisque vous nous invitez à nous intéresser à la Thaïlande, pourriez-vous SVP nous expliquer pourquoi on trouve ceci sur ce site culturel :
RépondreSupprimerhttp://www.insecula.com/ ?
Le site est propriétaire exclusif de la structure et du contenu. Les oeuvres mises en ligne sont soumises aux législations en vigueur en matière de droit de la propriété intellectuelle, différentes selon les pays. Le site www.insecula.com appartient à la société Insecula, une société thailandaise dont le siège est à Pattaya - Chonburi 20260 - Thailande.
Je ne comprends pas votre question.
RépondreSupprimerInsecula est une société thaïlandaise dont le site éponyme ne donne pas de droits de copie.
What next ?
:)
pardonnez-moi de ne pas avoir été suffisamment explicite !
RépondreSupprimerC'est tout à fait fortuitement que j'ai découvert un jour que ce site culturel auquel conduit très facilement toute recherche d'informations artistiques appartenait à une société domiciliée en Thaïlande !
J'avoue qu'une telle domiciliation m'a stupéfait compte tenu d'autres éléments d'un contexte qu'il n'y a pas lieu d'évoquer ici !
A la lecture de votre billet et de vos connaissances de la Thaïlande, j'ai donc pensé que vous auriez pu m'éclairer dans une affaire qui aurait peut-être eu un aspect siamois avec le sujet que vous avez traité ! ...
Merci de bien vouloir m'excuser pour cette hypothèse totalement erronée.
La Thaïlande est un dragon asiatique qui vit sur l'exportation à 70% de son PIB, ce qui dope son extraversion. Il n'est pas étonnant du tout que des entrepreneurs y installent un site muséicole, tout le pays étant connecté à Internet.
RépondreSupprimerL'instabilité politique est une donnée locale parmi d'autres, un peu comme la météo. Elle a peu d'impact sur la croissance du pays (8%) sauf à la perturber en cycle court.