jeudi 27 octobre 2011

Dégénérescence et réaction

Il tourne dans la sphère "expat" une retransmission du journal télévisé de FR2 diffusant un reportage de la BBC de novembre 2010 (clic) sur l'enseignement de la charia dans les écoles coraniques anglaises. La charia, du modèle wahhabite, amputatoire, est propagée par les services culturels de l'ambassade d'Arabie Séoudite à Londres. On nous y montre aussi les futures lapidés, transformées en Belphégor dès la sortie des classes sur le chemin de la maison. Cet enseignement exotique concernerait cinq mille élèves. Et tout le monde de s'en offusquer. Bon !
A Paris, les édiles de la Ville-Lumière, phare du Monde et première destination touristique du Cosmos, défendent un spectacle de merde par cars complets de CRS. On y chie, chère Médème, et ça pue. Mutine, elle me rétorque les yeux baissés, à l'Hôtel de Ville ils aiment ça ! Bon !
Ce blogue non labélisé n'a pas la fibre sociétale et le piéton misanthrope revenu de tout, s'émeut rarement de ces dérives déplorables, mais l'heure n'est-elle pas venue de se poser la question du motif de cette dégénérescence, car si dans le second cas nous avons en face de nous l'exemple-type de l'art dégénéré, dans le premier, je considère que l'abrutissement pédagogisé des enfants de confession musulmane dans des codes néandertaliens est une régression de l'espèce quelles qu'en soient les causes.

Allons au contact, direct. Il est commode de se saisir de la déchristianisation du continent pour en montrer du doigt les effets pervers. A la réserve près que si la transcendance morale est une excellente chose pour la conduite des consciences, elle l'est parfois moins quand ces consciences sont dirigées par des sociétés aussi complexes que les églises. Certains font la part du feu ou du diable, comme vous voudrez, en distinguant Dieu et les religions qui exploitent le concept¹. J'en suis. Il n'en demeure pas moins que la prémonition du curé d'Ars sur les paroisses sans prêtres, où l'on finirait par adorer les bêtes, est un peu faible quand on voit ces immensités déréglées où l'on n'adore certes pas de bêtes mais où les gens le sont devenus. Les faits divers sanglants débordent partout des écrans, la jouissance des souffrances causées à plus faible que soi est assez répandue, mais le plus grave est la tiédeur des réactions populaires voire l'indulgence des jurés d'assises intoxiqués à la culture de l'excuse. Quittons donc l'explication facile du "transcendantal" et perdons-nous dans les complications.


Même si "ceux qui n'ont pas vécu avant 1789, ne connaissent pas la douceur de vivre" (dixit Charles-Maurice du Bas de Soie), la condition matérielle moyenne des peuples d'Europe occidentale n'a jamais été meilleure, les "seuils de pauvreté" jamais aussi hauts et le dépit des opprimés jamais aussi futile. Ne plus pouvoir aller au cinéma ou au restaurant chaque mois a remplacé le pain de fougères du temps jadis. Et dans ce "paradis matériel", on apprend à couper la main ou le pied des voleurs et à payer pour voir sur scène un vieux chier !

Que manque-t-il ? Qu'y a-t-il de trop ?

Le premier défaut de nos sociétés est un défaut d'éducation. L'instruction est faite, plus ou moins bien calibrée, plus ou moins bien reçue selon l'environnement et les "clients". Par contre l'éducation est inachevée si tant est qu'elle soit par endroit amorcée. Je parle ici de l'acquisition de la morale naturelle universelle qui est débinée par l'existentialisme, par la réalisation d'une idée de soi qui peut être fausse, par la liberté à tout crin hors de toutes les limites d'une cohésion sociale a minima. Par exemple, on ne peut à la fois lutter pour sa propre émancipation d'une société que l'on rejette et s'abonner anonymement aux guichets du vivre-ensemble. Personne ne va à la Caisse d'Allocations familiales réclamer son dû au cri trotsko-jospinien de "société de merde". Il faut choisir. Or le confort matériel assuré par l'Etat-providence et ses multiples édredons nous l'interdit. Pourtant, j'ai vu des gens bénéficiant de positions enviables dans la sphère publique quitter Shanghaï pour forte incompatibilité d'humeur avec les autorités locales qui d'ailleurs en ignoraient tout. Et émigrer comme un Sicilien vers l'Amérique. Perdre le confort, gagner sa propre estime, étaient le leitmotiv de cette démarche difficile. Et quand on a le caractère aussi trempé, on réussit aux Etats-Unis où depuis toujours on récompense les bosseurs. A contrario, le porte-à-faux dénoncé ci-avant est une faille mentale dans laquelle s'engouffre la légitimation de n'importe quelle dérive. Il faut la réparer.

Le deuxième défaut (il y en a quatre) est la matérialisation. Le livre d'Etienne Liebig, Les Nouveaux Cons (Ed. Michalon-2011), décortique l'ambition des étudiants en écoles de commerce complètement captivés par la réussite matérielle, et pour beaucoup déçus. Le calibrage social n'a jamais été plus facile puisque les signes extérieurs d'aisance sont plus que jamais manifestes (ceux de la vraie richesse sont en revanche discrets). Tout ce qui peut marquer le niveau de vie est sous les yeux d'autrui, instruments informatiques, électroménager, communications, piscines, semaine au ski, voitures, voyages lointains et leur récit, fiestas, réceptions domestiques et leur bruit, etc... notre argent est public ! Aussi nous levons-nous chaque matin pour tenir notre rang. Et si nous n'y parvenons pas, outre l'impact psychologique défénestrant parfois, nous entrons dans une sorte d'indignation, révolte rentrée, révolte ouverte, mais sur des valeurs "fric". Le stade suivant est celui de l'insurrection, et on remarquera que le dépit social qui la sous-tend ne peut pas être la perte d'un niveau de vie, mais convoque à son expression des idées élaborées.
Si les cours de morale sont nécessaires à l'école, ils devraient être dispensés (adroitement) pendant toute la vie du citoyen. C'est sans doute ce déficit moral qui pousse des familles musulmanes à mettre leurs enfants dans les écoles coraniques, même si certains volets de l'enseignement les inquiètent. En France, nous avons eu jusqu'à un passé récent le même mouvement vers les écoles chrétiennes. La différence entre elles et les écoles publiques s'est beaucoup estompée maintenant.

Le troisième défaut est le coaching étatique. De quoi donc ne s'occupe pas l'Etat ? l'Etat étant pris au sens global de la contrainte collective réglée, il est plus facile de poser la question dans ce sens. La sphère individuelle est totalement investie par le "collectivisme". Big Sister (je pense aux mégères-ministres) s'occupe de tout. Quand il ne peut décider frontalement, il contraint par la bande, l'impôt, la taxe voire la mode. Tous nos faits et gestes sont "corrects ou incorrects" et les Lumières, fondateurs dit-on de notre société occidentale, se retourneraient dans leur tombe de savoir que nos pensées sont elles-mêmes asservies au "go/no-go"², correct, incorrect !
Le citoyen est ainsi formaté très tôt dans l'irresponsabilité individuelle, il n'a plus qu'à avancer entre les lices sociales que le Grand Machin qui gouverne a posé de part et d'autre. Pourquoi ferait-il l'effort de se chercher un destin ? C'est déjà prévu pour lui. D'où cette infantilisation générale qui jette à la manifestation saisonnière du Mécontentement les corporatismes protégées du secteur public, ou comme en Grèce, contre la rigueur, l'immense armée des fraudeurs populaires. L'Etat à ce point, ça rend con !

Le dernier défaut est l'atomisation sociale. En clair, le démembrement des familles au profit du parcours individuel. Certes des esprits affutés ont cent bonnes raisons de promouvoir la réalisation de soi mais le "famille, je vous hais" d'André Gide ne s'adresse pas aux âmes simples ou normalisées. Et la philosophie de Sartre n'est pas à mettre dans toutes les mains. Et bien justement si. Les penseurs à compte d'autrui ont fait de ses réflexions littéraires nourries au contact de réalités dérangeantes, les briques constructives d'un modèle social qui reconnaît par exemple à l'enfant de maternelle des droits propres qu'il est bien incapable d'inventer et d'exprimer. La famille peut même à certains égards devenir le lieu suspect de dérives condamnables si elle emprunte un chemin non averti comme l'instruction des enfants à la maison. Que la liberté individuelle soit protégée à l'âge adulte n'est pas discutable, mais sans doute pas au détriment de la cohésion familiale qui reste l'espace naturel élémentaire d'éducation depuis la nuit des temps. Le Coran protège la famille (et même la famille agrandie) et ce mode de vie est préféré par ceux qui mettent leurs enfants en madrasas.

Pour terminer sur une note d'espoir, convenons ensemble que la crise matérielle actuelle déclenchée par la gabegie générale des Etats occidentaux qui sont aux cent coups pour payer leurs dettes, peut emporter la crise morale avec elle. Justement parce que les fondamentaux de ce désastre trouvent leurs racines dans un mode de vie et de pensée qui fait faillite, celui de la social-démocratie du modèle maçon. Sans revenir forcément à des modèles antérieurs qui furent abandonnés à juste raison parfois, il est temps de repenser la structuration morale de nos sociétés, l'imbrication des cellules et puisqu'on ne peut plus les brûler en place de grève, éloigner des leviers d'influence les pourrisseurs patentés. Cette régénération commence par une dénonciation des mal-faisants, n'ayons pas peur des mots. A tout seigneur... et malgré une certaine empathie de ma part qui a vite disparu dès sa prise de fonction, je dénonce la protection que le ministre de la Culture accorde à la création artistique dégénérée qui se répand au Théâtre de la Ville³.

Mais puisque "la sagesse des nations" dit que l'exemple vient d'en haut, il serait avisé de réformer chez nous l'exemple d'en haut qui est au dessous de tout.

Note (1): on étudiera une autre fois la mise en culture de la société grecque par les églises orthodoxes.
Note (2): ceux qui savent régler une mitrailleuse de 50 comprendront
Note (3): pièce scatologique moite avec Jésus-Christ en fond d'écran, d'un certain Romeo Castellucci, contre laquelle manifestent ces jours-ci plusieurs mouvements traditionalistes, dont les Camelots du Roi d'Action française.

4 commentaires:

  1. Dans République ,il y a pue. La merde pue. La matière dont cette performance théâtrale fait son argument exprime l'adhésion à la laïcité républicaine de celui qui l'a conçue et de ceux qui la jouent. Ils méritent d'être subventionnés. Si vous n'êtes pas d'accord, vous menacez la Raie publique.

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  2. M. Castellucci n'est pas un auteur de théâtre mais quelque sorte de montreur d'ours. Il ne peut suggérer par le texte, le voila donc condamné par sa médiocrité à choquer par l'image.
    Il n'aurait jamais dû venir en Avignon. C'est du travail d'effets "spéciaux" avec l'odeur ! Rien à voir avec le théâtre.
    Quelle m... !

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  3. Au Théâtre du Rond-Point passe Golgota Picnic, une charge anti-chrétienne du même acabit. Le directeur du théâtre qui m'a semblé échappé de "Freaks", a expliqué sur une chaîne publique que de ch... sur Jésus prouvait qu'il existait encore dans l'esprit des gens. A mettre avec les autres !
    Didier

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  4. La liste des clercs et prélats qui défendent cette "approche" moderne de l'évangélisation commence à s'allonger.
    C'est pourri de dedans.

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