dimanche 26 février 2012

Éloge de la pratique


Je vaquais hier à mon horticulture d'intérieur et faillit bien me couper à la pince à bonsaï quand un ministre anglais déclara sur mon écran plat que les économistes si diserts lui faisaient penser à des experts en amour connaissant les 360 positions mais à jeun d'avoir rencontré une seule femme ! Et dans ma tête je faisais la liste des prétentieux de ce côté-ci de la Manche, n'ayant jamais dirigé quoi avec succès, ou misé gros. J'entends mieux les avis d'un Soros qui va mettre cent millions sur ses idées, qu'un théoricien d'amphithéâtre climatisé sans le rond. Il est aussi des "professeurs" avides d'applications concrètes et qui s'insèrent dans des structures décisionnelles d'ampleur considérable en y jouant leur notice historique dans l'encyclopédie. C'est de l'un d'eux que nous parlons plus bas.
Dans la sphère royaliste, le tollé fut unanime quand on apprit que les Goldman Sachs' Boys prenaient les affaires en main à Francfort, en Grèce et en Italie. C'est d'ailleurs très étonnant de voir cette méfiance systématique à l'endroit des praticiens non élus, de la part de gens peu enclins à promouvoir la démocratie. Que n'a-t-on dit des commissaires bruxellois et de la technocratie ! Qu'importe, ce n'est pas le sujet du jour. Le temps ne fait rien à l'affaire même s'il a fait oublier à beaucoup que les ministres de nos rois n'étaient pas responsables devant les cours du royaume ni devant quelque parlement d'éructeurs ! Richelieu, Mazarin, Vauban, Colbert, Louvois, Dubois, Turgot, Fleury... étaient tous technocrates. Critiquer les pros est carrément stupide, surtout quand la situation est délicate. Effectivement, le milieu royaliste est très mélangé.

C'est Mario Monti qui fait la démonstration. D'où vient-il et comment est-il là ?
Diplômé de Yale, puis recteur de l'université Bocconi de Milan, il est nommé commissaire au marché intérieur et plus tard à la concurrence, retourne à l'université pour devenir conseiller international de la Goldman Sachs, puis l'un des présidents de la Trilatérale et siège au conseil des Bilderberg. Le temps des miquets laqués au pento s'étant achevé en Transalpine, le président ex-communiste Giorgio Napolitano lui demande en novembre de mettre en jeu sa réputation et de nettoyer la merde ! Il forme un cabinet de combat qui obtient la confiance du Sénat et de la Chambre basse, avec des majorités écrasantes. Alessandra Mussolini a voté la défiance, elle cherche encore à comprendre la question.
Président du Conseil et ministre des Finances : Mario Monti ... l'Illuminati pour beaucoup
Ministre du Développement économique des infrastructures et des transports : Corrado Passera, président de la banque Itesa Sanpaolo
Ministre des affaires étrangères : Giulio Terzi di Sant'Agatta, ambassadeur
Ministre de l'Intérieur : Anna Maria Cancellieri, ancien préfet à poigne
Ministre de la Défense : Giampaolo Di Paola, amiral, chef du Comité militaire de l'OTAN
Ministre de la Justice : Paola Severino, avocate pénaliste et vice-présidente du CSM
Ministre de l'Agriculture : Mario Catania, haut fonctionnaire du ministère, lauréat du concours des dirigeants
Ministre du travail : Elsa Fornero, professeur à l'université de Turin
Ministre de l'Environnement : Corrado Clini, chirurgien de formation, haut fonctionnaire du ministère, siège au conseil de l'agence atomique italienne ENEA
Ministre de l'Instruction : Francesco Profumo, président de Colombus, recteur de Polytechnique Turin, président du CNR (recherche), il est passé par Ansaldo, Telecom Italia, Unicredit, Pirelli etc etc...
... et quelques autres. Pas un seul nomenklatouriste de la politique !
Au travail !
Il a fait ses Cent jours et déjà l'admiration des Italiens, à qui cette révolution culturelle plaît beaucoup. Le problème était-il l'Italie, qu'elle devienne aujourd’hui une solution ? Vingt milliards d'euros d'économies sur la gabegie latine, jungle administrative ouverte à la serpe, fraudeurs poursuivis, jusque dans les chiottes dirait Poutine, libération des contraintes corporatistes, publicité universelle des revenus, décapage à l'acide du code du travail, remise à plat des retraites, et 55% de popularité à la clé aujourd’hui.
Quand son prédécesseur avait juste le droit de s'asseoir à la table du Conseil européen et de la boucler, Mario Monti peut se permettre de faire une lettre à la kanzlerin psychorigide Merkel, cosignée par le Premier anglais Cameron et le ministre-président néerlandais Mark Rutte, dans laquelle il condamne les apartés bilatéraux de la soi-disant locomotive franco-allemande. Cette lettre étonnante précéda l'accord à 25 et forme en huit points sa colonne vertébrale. Au résultat, l'Italie accroît son excédent primaire quand la France, en campagne électorale complètement démagogique, creuse son déficit primaire, du moins dans les anticipations politiciennes, car en réalité, le FMI et les marchés nous rosseront dès après les législatives de juin.
Nous n'avons personne d'aussi élégant et couillu à la fois, maniant l'humour d'un esprit fin, et capable de décisions impopulaires a priori. Il a su monter en un tour de main, sans consultations filandreuses, un véritable « exécutif politique », ce dont nous avons ici le plus grand besoin ! Des idées pour quoi faire ? Le bon sens y supplée. Action !

Mario Monti partira à la charrue en avril 2013 à la fin de la législature en cours. 70 ans, le bel âge pour un sauveur. Sapir et Todd peuvent raccrocher la jaquette des puceaux à la patère et feuilleter les 360 positions.

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