Personne ne m'a posé cette question au fond de la salle aujourd'hui. Mais il est arrivé quelquefois qu'on m'interroge sur le piéton du roi. D'autant que le blogue porte en titre l'artillerie de campagne et que la chevalerie y est parfois exaltée. "Piéton du roi" évoque un ralliement et une force, nous l'allons montrer tout à l'heure.
C'est à la bataille de Bouvines (27 juillet 1214) que l'Ost fut renforcé des milices bourgeoises n'appartenant pas à la pyramide féodale mais dont les carrés étaient commandés par des capitaines nobles. Pour la première fois depuis la Gaule antique, ce qui allait devenir la Nation faisait corps avec la Force juste du roi pour défendre le pays et les intérêts catégoriels qui y cohabitaient.
Ces milices étaient constituées de combattants à pied et formaient une infanterie autonome capable de manoeuvrer sur le champ de bataille quand la valetaille de la chevalerie utilisée jusque-là n'avait qu'une mission ancillaire.
Bouvines fut la révélation des piétons. Ceux des impériaux bousculèrent la maison du roi de France et celui-ci fut remonté in extremis par Tristan d'Estaing à qui il dut la vie ; les sept cents miliciens brabançons de Renaud de Dammartin sauvèrent l'honneur de la coalition impériale en refusant la reddition pour soutenir jusqu'au dernier l'assaut de la cavalerie française.
La bataille de Bouvines partagea la gloire entre la chevalerie féodale et le nouvel ordre des municipalités (qu'on appelait autrement). Cette évolution était au coeur du projet capétien, qui libérait le chef de l'Etat naissant des grand feudataires pour négocier une protection réciproque des bourgeois et du roi.
"Piéton du roi" est donc un clin d'oeil, une évocation du lien qui ne peut être rompu entre le peuple et son souverain. CQFD.
Pour terminer par un sourire cette grandiose évocation, voici la relation d'une conscription de piétons en pays d'Hierle en 1793 :
« Au mois de mars, tous les hommes de 18 à 60 ans de Sumène au nombre de 186 durent fournir un contingent de 30 soldats pour l'Armée du Var. On les réunit le 15 mars pour savoir s'ils voulaient désigner les partants au scrutin où s'ils préfèraient le sort. Le scrutin fut adopté par 123 voix contre 63. Alors commença une séance permanente du Conseil de la commune qui dura 40 jours jusqu'au 25 avril !
Les "123" avaient pour conseil Ménard, notaire, auquel un certificat de civisme avait été refusé à quatre reprises et qui réclamait toujours. Ils apportèrent tous un bulletin uniforme condamnant au départ les trente meilleurs patriotes ou protestants. La Municipalité cassa le scrutin, les bulletins devant être écrits ou dictés séance tenante sur le bureau.
Les "123" apprirent leur liste par coeur et le résultat fut le même. Fureur des patriotes, menaces du procureur de la commune. Le [directeur du] district [du Vigan] se transporta à Sumène et Tarteron (c'est son nom) s'épuisa à haranguer ses concitoyens qui persistèrent. Le directeur du district constata le vote.
Enfin, les représentants du peuple Bonnier et Voulland cassèrent le vote et l'on tira au sort. Ces soldats devaient être équipés par des réquisitions » (ce qui ne fut pas triste non plus, ndlr). La relation de cette affaire est tirée de Boiffils de Massanne.
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