lundi 8 octobre 2012

Le roman des Chayineur d'Aubrac

... une famille de meuniers

Moulin de Terral - ruines
Où on les découvre au XIV° siècle

C'est dans un livre de comptes du XV° chez les prêtres de la Fraternité de Saint-Côme d'Olt que fut retrouvé l’acte de fondation d’un moulin banal sur le terroir dit delz Bissoles aux Salgues Basses, sur le torrent de Codomouls, ancien nom de la boralde de Saint-Chély d'Aubrac. L'acte avait été établi en 1312, le samedi suivant la fête de Saint Michel, c’est-à-dire l’avant-dernier jour du mois de septembre, fait à Auriech, dans le verger des maisons de Jean Sade, en présence de plusieurs témoins et d’Arnal Régis, notaire de tout le mandement de la baronnie du château de Calmont. Par cet acte, le baron de Calmont autorisait Hugues Chayineur et son épouse Raymonde, habitants de Salgues, à cons­truire un moulin à blé à trois ou quatre roues avec ses dépendances matérielles ou juridiques : eaux, conduits d’eau, chaussées, appuis, entrées et issues et caetera. Il se réservait, pour lui et ses héritiers, trois émines de seigle et trois émines d’avoine de la mesure d’Espalion. (1 émine ≈ 31 litres de grains). Cette redevance serait payée chaque année à la Saint André, apôtre. Il se réservait aussi les droits de lods en cas de vente. Les mariés avaient payé un droit d’entrée de 100 sous de Rodez.

Mais pourquoi la Fraternité de Saint-Côme conservait-elle l’acte de fondation du moulin ? La réponse est donnée dans une reconnaissance du 20 décembre 1756, faite par le meunier Pierre Bonal au marquis de Saint-Côme, nouveau seigneur des lieux : il précise qu'un propriétaire précédent, Guillaume Chayineur, avait reconnu, le 14 juin 1477, qu'une censive de trois émines seigle et trois émines avoine devait être versée à la Fraternité des prêtres de Saint-Côme, en conséquence directe d'un testament de Marguerite de Villemur, épouse de noble Pierre, chevalier d’Alès et baron de Calmont, fait en date du 12 janvier 1389, qui disposait qu'une messe serait dite à perpétuité par les prêtres de la Fraternité à l'aube de chaque matin, pour le repos de son âme, en paiement de quoi elle manda plus tard son mari de distraire à leur bénéfice une infime partie de ses droits seigneuriaux qui étaient fort chers. La Fraternité de Saint-Côme détenait ainsi la preuve juridique de son droit à la censive du moulin. Le moulin de Chayineur conserva son nom jusqu’à la fin du XVIe siècle. A cette époque, un nommé Pélissier Terral épousa une fille Chayineur. A la fin du XVIIe siècle, le patronyme Chayineur avait disparu du pays de Salgues et le moulin éponyme était devenu le Moulin de Terral (source involontaire).




Où on les retrouve en Lubelskie

On a retrouvé traces de la première famille de meuniers dans les archives municipales de Lublin en Pologne où ils auraient émigré en provenance de Thiers, sans doute à la Révolution, et polonisèrent leur patronyme en Szajner (qui se prononce exactement pareil). Ceci grâce à des recherches sur le renouvellement démographique des territoires en frontière d'Ukraine suite au partage de Yalta. Il est plus que probable que Monsieur Szajner de Saint-Maur des Fossés, curieux de tout comme il l'a si bien montré dans ses entreprises, ait refait le chemin inverse pour retrouver sur le piémont du plateau d'Aubrac les racines de ces ancêtres qui firent de la farine si longtemps pour tout le quartier. Est-ce vraiment du parasitisme, comme le prétend le maire de Laguiole (salut à toi, ô homme intègre !), que de vouloir promouvoir les spécialités de ses origines par le monde entier sous la marque Laguiole, même et pourquoi pas si ces articles sont tous faits de camelote chinoise ? Diable ! Ou Mammon ! L'argent n'a pas d'odeur et pose son homme bien plus que l'honneur qui ne sert qu'une fois. Aussi est-il mérité qu'un enfant du pays garde les deux et profite de "sa" marque au dépens des insouciants. C'est bien ce qui fut jugé, de quoi l'on ne peut surtout pas rire en vertu de l'autorité de la chose jugée.

Il ne reste à M. Szajner qu'à demander au Service du Sceau de la Place Vendôme une francisation de son patronyme en retournant à "Chayineur", lu et approuvé par le curé de Saint-Côme d'Olt, sinon à obtenir récompense de son patriotisme en l'affublant d'un tiroir comme "de Salgues" voire "d'Aubrac" si l'on n'ose pas "de Laguiole".
Ceci fait, il suffira au directeur général de la "SAS Laguiole Licences", Mlle Etsuko Nakazawa, de faire suivre le sien d'un appendice de courtoisie comme "de la Poujade" ou mieux "de l'Estrade" ; c'est juste en face du vieux moulin situé sur la commune de Condom, mais là ce serait trop ! Ou mieux, épouser l'autre.





Bibliographie de l'usurpation:
Pour aller plus loin, la captation de l'héritage est abondée sur les blogues relevés ci-dessous :
ddata
La Laguiolaise
Idées liquides & solides
Le blog des chefs Pourcel
Rodez News
La senteur de l'esprit
Midi gourmand
Aligot-saucisse
Jean-F. Helleux
La maison en Aveyron
Alvinet
Le Quotidien qui Mark
Polemia

Bases des appellations (l'ail à vampires):
L’Appellation d’origine contrôlée (AOC) a été institué afin de protéger des produits intimement liés au territoire sur lequel ils étaient produits. D’abord utilisée pour les vins pour protéger les territoires viticoles français, l’AOC s’est progressivement étendue à tous les autres produits alimentaires.
En 1992, deux Indications Géographiques, l’Appellation d’Origine Protégée (AOP) et l’Indication Géographique Protégée (IGP) ont été créés par les pouvoirs publics européens, reconnaissant chacun à leur façon un lieu et un mode de production. Le premier s'inspirant de l'AOC, est le signe d’une qualité liée à un terroir et une tradition. Certains terroirs sont reconnus pour conférer aux produits une typicité bien particulière, résultat de facteurs naturels, climatiques, physiques et humains. L’Appellation d’Origine Protégée valorise les produits et les modes de production issus de cette zone géographique bien définie. Quant à l’Indication Géographique Protégée, elle est le signe que le produit a un territoire d’origine.
Le produit, issu d’un territoire bien délimité, possède une caractéristique singulière du fait d’une qualité ou d’une réputation reconnue, principes attribués essentiellement à cette origine géographique. Ce signe est donc fortement lié à un savoir-faire localisé ou à une tradition, identifiable et attribuable aux caractéristiques naturelles et humaines de la région (©Mathieu Arnal).

Postcriptum 1:
Si quelqu'un met en doute cette exhumation généalogique au moulin de Terral, il suffira de lui retourner que si non è vero è bene trovato puisqu'on l'a lu dans Royal-Artillerie.
PPS: cf. Me Emmanuelle Hoffman dans L'Entreprise.com du 27/3/13

Postcriptum 2 du 10.11.2014:
La justice européenne est de bon sens. Selon Midi Libre... la justice européenne a rendu son nom aux couteaux Laguiole, en annulant mardi la marque déposée par une personne étrangère au village aveyronnais pour vendre de la coutellerie, tout en l'autorisant à le faire pour une série d'autres produits.
(la suite dans le journal)

Postscriptum 3 du 5.03.2019:
La Cour d'Appel de Paris a accordé la marque Laguiole à la commune éponyme. Fin d'un combat inégal de pure mauvaise foi.

Postscrptum 4 du 30.01.2021:
A la demande du Syndicat des couteliers de Laguiole, l'Institut national de la propriété industrielle vient d'ouvrir son enquête publique pour accorder éventuellement l'Indication géographique protégée (IGP) aux couteaux de Laguiole. Le syndicat regroupe Benoît-l'Artisan de Laguiole, la Coutellerie de Laguiole Honoré Durand, la Forge de Laguiole qui détient la marque, Laguiole-en-Aubrac (Christian Valat) à Espalion et Laguiole Créations à Montézic (source Centre-Presse). Le Nord-Aveyron toujours à l'effort !
D'autres sites français produisent ce couteau dont Actiforge à Montbrizon (Loire) ou Robert David à Thiers (Puy de Dôme). Une clarification sera nécessaire, à moins de débaptiser le produit comme l'a fait Chambriard (Thiers).

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