mardi 5 février 2013

Richard III Plantagenêt

La Société Richard III, patronnée par SAR le duc Richard de Gloucester, organise une super-conférence à Leicester le 2 mars prochain à l'occasion de l'exhumation des restes du dernier roi Plantagenêt, après qu'il ait été confirmé qu'il s'agissait bien de Richard III d'Angleterre. Certes on y parlera des circonstances particulièrement heureuses qui ont permis cette découverte mais aussi et surtout de lui, qu'on appelle désormais le nouveau Richard III. Seront exposés les mythes littéraires (on pense au Richard III de Shakespeare écrit pour la gloire des Tudor), la psychologie du prince administrateur devenu roi au milieu d'une guerre civile, la guerre des deux roses, York vs. Lancastre, sa psychologie particulière, son aspect physique désavantageux (le squelette ôte tout doute) et la bataille de Bosworth Field où il mourut vaillamment à l'assaut de son contempteur. La conférence se tiendra au campus principal de l'université de Leicester de 9h30 à 17h30. Le panel de conférenciers est assez relevé ; ça vaut l'excursion. La Société édite chaque année une revue académique de haute volée, The Ricardian.

Mais les lecteurs de Royal-Artillerie méritent sans doute une préparation au voyage et nous allons évoquer maintenant ce roi caricaturé pour le plaisir du vainqueur, un prince de "chez nous" qui n'a jamais démérité. Il va reposer sous une pierre de marbre noir qui existe déjà en la cathédrale Saint-Martin de Tours à Leicester.

Que l'on prenne en compte déjà l'époque. Nous sommes au tout début de la Renaissance qui aura bien du mal à aborder aux rivages d'Albion. Les mœurs publiques sont encore celles du Moyen Âge, la culture est portée par la latinité et la francité, l'Angleterre n'a pas encore créé la Grande Bretagne, on s'y dispute beaucoup à tel point qu'en paraphrasant l'histoire chinoise on pourrait parler de "duchés combattants".

Le prince Richard d'York montre très tôt de réelles dispositions pour l'administration des territoires qui lui sont confiés. Il fait penser à son contemporain le jeune Louis de Valois, futur Louis XI, s'exerçant avec talent en Dauphiné, et sans doute aussi laid que notre roi anglais dont le squelette trahit une grave déformation de la colonne vertébrale faisant un réel handicap. Ce sont les affaires économiques qui l'intéressent et la circulation des marchandises. Il déréglemente où c'est nécessaire et favorise la liberté d'entreprendre. Il a aussi un souci explicite de justice, rendue avec honnêteté dans les formes. Ses inclinations se retrouveront naturellement dans le roi qu'il deviendra.

Duc de Gloucester, à une époque où ce titre est de guerre, Richard d'York est aussi un prince à la bataille qui fit face victorieusement aux effets de l'Auld Alliance signée entre la France et l'Ecosse. Mais c'est dans la Guerre des deux Roses qu'il s'illustra, d'abord au côté de son frère, le roi Edouard IV, bataille de Barnet puis à Tewkesbury où à 18 ans il commande l'aile gauche. Il aura sa part dans l'écrasement de la rébellion de Buckingham qu'il fit décapiter, mais succombera contre Henri Tudor qu'il assaillira au milieu de sa garde. A 32 ans, il finira à pied ce combat à la rapière contre les hallebardes galloises, refusant les rênes du cheval que Shakespeare lui tendait.

la tête retrouvée a ce menton volontaire
Le roi d'Angleterre ne régna que deux ans mais l'arbre se reconnaît déjà à ses fruits. Innovant, il n'hésita pas à décentraliser des pouvoirs dans le pays qu'il connaissait le mieux pur y avoir vécu, en créant le Conseil du Nord qui gèrera tout le territoire contigu à l'Ecosse jusqu'au milieu du XVII° siècle.
- il utilisera la langue anglaise pour prêter serment lors du couronnement et y obligera dans la rédaction des lois du Parlement.
- il obligera le système judiciaire à un engagement de "fair play" dans ses procédures et jugements guidés par l'impartialité sans retards ni faveurs.
- il instituera une sorte d'aide judiciaire afin de pourvoir les nécessiteux d'un canal de réclamations libre de clercs en autorisant la saisine directe du Conseil royal ; Henri VII créera sur ce modèle la Cour des Requêtes ;
- il eut le temps de fonder The College of Arms, une institution héraldique ayant autorité sur les titres, fanions et bannières et sur le protocole. Cette institution existe toujours.

La brièveté du règne et l'ambiance d'insécurité ne permit qu'un seule convocation du Parlement en janvier 1484, mais on y voit la patte d'un roi éclairé :
- les minutes des débats insistent particulièrement sur la mauvaise administration générale du royaume ou la corruption endémique des jurés ;
- on abolit l'emprunt forcé de la Couronne et le Parlement fut restauré dans ses prérogatives budgétaires. - la liberté provisoire fut instituée pour que les prévenus ne soient pas incarcérés ou leurs biens confisqués avant qu'ils ne soient déclarés coupables ; la vraie loi d'Habeas Corpus ne sera promulguée qu'en 1679 ;
- l'encrassement du droit foncier par la jurisprudence ouvrait la porte à des fraudes importantes dans les disputes de propriétaires, aussi les termes des actes de mutation furent-ils considérablement simplifiés dans un souci de transparence ;
- l'imprimerie naissante fut aidée par le retrait de restrictions au commerce des livres, dénotant l'intérêt personnel du roi pour les bouquins que d'ailleurs il collectionnait ; tous les métiers du livre furent avantagés.

La Société Richard III nous en dit plus sur son gouvernement du royaume.






Les Plantagenêts (voir l'article fouillé de la wikipedia anglaise) viennent de la chevalerie franque qui s'établit en Anjou lors du démembrement de l'empire carolingien. Ils participeront à un jeu de cartes à cinq entre l'Angleterre, la Bretagne, la France, la Normandie et l'Ecosse. A proprement parler, ces rois ne sont pas "français". C'est Geoffroy V Plantagenêt qui fonda en 1128 la dynastie en épousant Mathilde d'Angleterre, l'Emperesse Maud, héritière du trône. La dynastie s'achève avec Richard III l'épée à la main. Ils seront peu nombreux après lui les rois-chevaliers tués à la guerre.
La dynastie s'est perpétuée par les ducs de Beaufort en ligne naturelle, comme chez nous les Bourbon-Busset. En réalité, les bâtards de Jean de Gand furent légitimés non dynastes après qu'il eut épousé sa maîtresse. L'authentification des ossements du parking de Leicester est aujourd'hui confirmée par l'analyse ADN de deux descendants de la soeur aînée du roi, Anne d'York (1439-1476), un charpentier canadien et une autre personne désireuse de garder l'anonymat.
On s'en doute moins, mais ils nous ont laissé la légende arthurienne (clic: Bibliothèque nationale de France).


La pierre existe déjà dans le choeur de St Martin




Nous aimerions que se constitue en France une société de ce modèle anglais pour relever la mémoire de Louis XI, un grand roi caricaturé injustement, même si les temps qui courent ne sont pas à l'exaltation des créateurs de la nation française, la République d'aujourd'hui suffisant à emplir totalement l'histoire !



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