dimanche 3 mars 2013

La France ferrée au Sahel

"Jusque dans les chiottes" avait dit Poutine des Tchétchènes qui avaient attaqué en 1999, leur signifiant une guerre éclair d'extermination totale. Les attaques kamikazes de psychopathes profonds se réclamant du Coran ne peuvent s'étendre au Sahel sauf à ruiner l'effort. Ainsi sommes-nous rendus aux caves des Iforas, nos chiottes à nous, d'où partent des rezzous narco-djihadistes, à ce qu'il paraît. Non tant que nous l'ayons souhaité - nous pensions faire la malle - mais l'impréparation pathétique des armées africaines de la CEDEAO qui devaient nous relever et la réunionite subaiguë des gouvernements qui font semblant d'y commander, nous obligent à faire un travail de tirailleurs sénégalais. Il faut sortir les freux du trou à la fourche. Après tout, juste retour des choses ; et pas si mauvais pour la suite en termes d'influence dans la région si nous y parvenons ; mais du travail harassant et des pertes probables hélas, ce que M. Hollande ne voulait surtout pas en héritage.
Saluons au passage le sacrifice de treize soldats tchadiens accrochés le 23 février par une katiba du MUJAO à In-Khalil, à la frontière algérienne, opération qui a permis de détruire l'unité terroriste (65 morts relevés sur le terrain).

A l'effet de n'y passer quand même pas vingt ans, nous renforçons nos moyens d'acquisition de cibles en étroite coopération avec le commandement américain sur zone (source Le Mamouth); et il est symptomatique que les Bréguet Atlantic2 de la Marine aient procédé à des bombardements guidés-drone en suite de leur propre travail de détection. On voit, on mouche ! Pour le moment, il apparaît que les Algériens tiennent leur frontière bien fermée sans faire de déclarations intempestives qui seraient mal reçues d'une fraction de leur population très remontée contre l'éradication par le colonisateur historique de leurs frères pieux pillards. Avec leur concours on peut passer l'ennemi sous la meule à huile, mais dépêchons-nous avant que le pouvoir d'Alger ne change d'avis - c'est fréquent.

S/C Harold Vormezeele RIP
Si les opérations au sol ne montrent rien d'inquiétant pour le moment, nonobstant la perte du sergent-chef légionnaire Wormezeele sous Tessalit, il n'en va pas de même dans la capitale malienne où les esprits s'échauffent au soupçon d'une connivence entre l'état-major français et les "assassins" du MNLA. A dire vrai, au-delà des phrases passe-partout de réconciliation nationale, démocratie... on ne sait pas comment le Mali pourrait à nouveau fonctionner si la question des Touaregs, pendante depuis la décolonisation, n'était pas réglée, les morts des uns valant les morts des autres. Et la régler oblige chacun des protagonistes à mettre le mouchoir sur des revendications souvent légitimes. Y a-t-il un sentiment national malien au Sahel ? Oui ! Au Sahara ? Non ! Comment dès lors administrer la région saharienne dans un cadre malien, le seul que les voisins accepteront ? Un Etat touareg au sud du Sahara capterait une grosse rente minière au détriment des gouvernements actuels, ce qui exclut toute indépendance. Alors quoi ?

Circule à Bamako une pétition des « Touareg maliens, vieux et jeunes, nomades et sédentaires, réfugiés et déplacés » qui demande l'intégration pacifique et définitive du peuple touareg dans la communauté nationale malienne et qui récuse leur représentation par les groupes violents que les Français surveillent au Sahara voire qu'ils s'affrontent.

La pétition est à lire en cliquant sur le bref extrait ci-dessous: Nous, Touareg maliens, vieux et jeunes, nomades et sédentaires, réfugiés et déplacés, demandons aux partis politiques de mettre l'intérêt supérieur de la nation au dessus des querelles politiciennes et d'œuvrer à l'édification d'un Mali pluriel, uni et solidaire..

Si le tapis est plus beau quand il tient plusieurs couleurs, comme disait le sage peul Amadou Hampâté Bâ, il lui faut chaîne et trame pour les serrer ensemble. Le contentieux ethnique des peaux noires et claires est séculaire. Le surmonter s'appelle un Etat, qu'il ne faut pas confondre avec un régime politique ; le pire d'entre eux étant la dictature du Nombre assise sur un jeu démocratique mal assimilé. Or d'Etat au Mali il n'y avait jusqu'ici que prébendes, planques et fromages à compte des bailleurs de fonds étrangers. La France va-t-elle se jeter dans l'aventure de recréer l'Etat malien qu'elle a laissé pourrir à la décolonisation (histoire de la fédération avortée Sénégal-Soudan-Haute Volta-Dahomey) ? Voire en se cachant derrière les "instructeurs" européens ? C'est quasiment infaisable avec la meilleure volonté du monde car les orgueils nationaux que nous avons artificiellement créés en guise d'erzatz de patries lèveront la révolte par tous le pays pour en dévorer les meilleurs morceaux. Et quand on voit le mal de chien qu'ont les hauts fonctionnaires mandatés par l'Union européenne et le FMI pour créer aujourd'hui un Etat héllène sur les ruines fumantes l'héliocratie grecque - une autre façon de nommer le Club med - on imagine sans mal le défi malien du château de sable. Non pas que les gens du commun soient rétifs au vivre ensemble - la générosité est bien partagée en Afrique - mais plutôt que le déchaînement des appétits de ceux qui se croient nés pour guider les autres met à coup sûr le désordre, la haine, les exactions, massacres et autres terribles ouvertures du JT de 20-heures ; à commencer par les types qui portent des galons.

Nous devons nous hâter à l'éradication des narco-terroristes et tout porteur d'arme hostile même accroupi, comme dit Poutine, et placer en sûreté dans les villes pacifiées des gendarmeries lourdes, bien instruites et contrôlées, savamment constituées comme le tapis multicolore peul. Ces unités devraient être encadrées jusqu'au niveau section par des Français et des Tchèques, ainsi qu'il a été prévu de le faire au niveau du Conseil européen. Pendant ce temps, seront formées à Bamako les unités de relève entre les mains de vrais professionnels. On parle d'un premier groupe de 3000 militaires maliens à recycler. Les instructeurs sont en train d'arriver sur place :
Communiqué de presse du 21.02.13
Ce sont au total quatre groupements tactiques interarmes de l’armée malienne qui bénéficieront de la formation de l’Union Européenne à compter du 2 avril 2013 à Koulikoro. Ils seront formés dans l’infanterie, l’artillerie et dans la maitrise des blindés. L’annonce a été faite au cours de la cérémonie de signature hier mercredi d’un protocole d’accord entre l’armée malienne et la mission de formation de l’UE. C’était en présence du chef d’état-major, du général de brigade Ibrahim Dahirou Dembélé et le général français François Lecointre, commandant en chef des instructeurs européens (source l'Indépendant de Bamako).

Peut-on faire plus ? A priori non, et la tentation de reformer des compagnies sahariennes avec les Touaregs ralliés comme le suggère le Pr Lugan sur Radio-courtoisie est à notre avis une mauvaise idée pour la suite. Il faudrait des unités mélangées dès le premier niveau comme on le vit dans l'armée française de conscription. Auront-ils assez de cadres "laïcs" pour imposer une discipline sévère à chaque patchwork est la vraie question. Apparemment non, les unités veulent encore manœuvrer "pur ethnique". A vous l'hötel de Brienne !



le soir tombe sur le fleuve à Gao

Postscriptum: On lira avec profit l'article très documenté de François Clemenceau (le JDD du 17.2.13), repris par la presse tchadienne, sur la retraite des chefs d'AQMI.

[billet surgelé le 24 février 2013]


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