mercredi 12 février 2014

Dans ma tasse à thé

Ce billet paraît aujourd'hui, sans iconographie, sur le site de Lafautearousseau dans la tribune libre "La Patte à Catoneo". Il ne reflète pas l'opinion de la Restauration nationale qui ne s'est pas exprimée à ce sujet. Il entre en archives Royal-Artillerie.


Qui suis-je ? Le débat identitaire fait rage. Succède aux éditocrates des plateaux télé la majorité silencieuse convertie à la marche, découvrant la joie sous les bannières et calicots de tradition. Elle y défend son identité sans trop savoir qu'elle en a beaucoup et sans doute devra-t-elle progresser mentalement pour ne pas retomber dans l'état cataleptique antérieur, celui du silence grognon. Car on ne va pas passer toute la soirée sur le nombre des marcheurs. Continuer, oui mais comment ? C'est ça le problème. Cette question (piège) traverse tous les rangs de La Manif Pour Tous. La dispute se forme. Pause !

Chaque individu est lié serré au faisceau de ses identités multiples jusqu'à ne plus savoir laquelle prioriser en cas de gros temps. Ces identités nous branchent sur des communautés d'intérêts, de croyances ou simplement d'opinions différentes parfois antagonistes. Par exemple, vous serez niçois de souche, réformé de religion, breton par votre épouse catholique, père de famille par vos enfants, libéral de profession, bordelais d'adoption, fan de basket, anarchiste par défi mais vous voterez Bayrou pour sa seule perspicacité, et vous vous réfugierez dans une abstention boudeuse au second tour. On peut rajouter une bonne dizaine d'identités à celles-là et vous devenez "un petit monde" à vous tout seul. Chacune de ces communautés d'intérêts est susceptible de vous convoquer à sa défense et déclencher à l'occasion un conflit intérieur.

Il n'est donc pas efficace de s'en tenir à "promener" le dimanche une ou deux de ses "identités" pour défendre sa place dans la société. Le 19 janvier, je marche contre l'assassinat des petits d'hommes sous une bannière espagnole ; le 26 janvier, je marche contre la Ferme socialiste et ses croquants aux cris dans mon dos de "CRIF, LICRA, on n'en veut pas" qui n'ont rien à voir avec le contrôle fiscal de ma boîte ; le 2 février, je reprends l'autocar contre la politique sociétaliste des écolo-socialistes et leurs gynécées IKEA pour incapables. J'obtiens des résultats parfois, parfois aucun !

Ce qui nous réunit, nous ? Défendre le Bien commun, une société de bon sens récompensant l'effort individuel, défendre la loi naturelle, la vie, la liberté d'entreprendre, celle de réussir, vivre en paix... tout cela ne peut se faire longtemps par la marche. Sauf à vouloir son nom dans le Guinness des Records, on n'a jamais vu le paysan et son chien mener au pré leurs vaches bordées de cochons entourés de chevaux, le tout précédé d'une horde de chats ! Il faut y mettre de l'ordre, et quand au-delà du moi on veut parler du "nous", le niveau où toutes ces choses se décident est celui du gouvernement de la Cité. Politique d'abord !

Arrêtons de marcher. Il faut structurer le vecteur politique de ces revendications, en prendre son parti, et c'est bien là que ça bloque dit-on dans les arrière-salles de café. Dès que se profile la constitution d'un parti politique explosent les ego. Moi, moi, moi ! Nous sommes en Gaule où chaque hutte loge un parti. Nous sommes en France où chaque club de boules à son président. Pendant le débat, s'agrègent à ceux qui ont marché - une sorte d'anciens combattants - les pompiers de toute espérance, dépêchés par les partis en cour, les partis rationnaires de la république, ceux qui en vivent. Et commencent les contorsions sémantiques parfois doctrinales de prébendiers repus venus phagocyter les velléités de concurrence des mécontents, sauvages se moquant du cursus honorum, hurons de sous-préfectures, gens capables de tout foutre en l'air dans les phynances puis de s'en retourner à la besogne, laissant derrière eux les ruines d'une fortune bourgeoise chèrement acquise par entregent et corruption.

Il faut passer outre, sinon sur le ventre. Chez le Great Old Party (entendez les Républicains américains) c'est exactement cette résistance de l'establishment à une vigueur régénératrice qui a créé le Tea Party de Sarah Palin. Le Tea Party a littéralement bouffé le GOP en convertissant ses éléphants à une honnête simplicité populaire. La révolte a commencé à l'échelon local pour remonter tout le champ politique par osmose. En s'attaquant aux communes, le Tea Party français pourrait bouffer l'UMP devenu le parti des désordres, et même le FN rénové avec lui ! Il a défilé dans les rues de Paris, mais il ne le sait pas et il se fait tard.

Sur quoi le fonder durablement pour rebondir plus tard ? Peut-être sur le faisceau identitaire individuel statistiquement le plus fréquent en France, en commençant par les racines. Gréco-romaines-chrétiennes, tout le monde est d'accord. Sur l'éducation familiale des enfants et leur établissement social, pas une voix ne manque. Sur les libertés publiques de plein droit avec contrôle a posteriori, sauf Charles X tout le monde opine. La même justice pour tous en appliquant strictement les codes, personne n'est contre. Une honnêteté scrupuleuse exigée des représentants et leur expulsion de la sphère politique à défaut, RAS. A chacun de continuer ici en prenant soin de rester majoritaire.

Oublions la racaille mentale d'aujourd'hui qui croit nous gouverner en progressant en crabe, ne cherchons pas à contrer pied à pied son prurit législatif. Refondons plutôt une nouvelle France « classique » qui redonnera du tonus à ce cher vieux pays, à partir des atouts qu'il a toujours nombreux. Le programme ? Il est au début de ce billet : le Bien commun etc.

Reste à trouver en France le "Sarah-Palin" capable de descendre un grizzli de face tout en nous criant "Don't retreat, reload !". J'ai bien une idée, mais elle ne plaira pas sur ce site où l'on croit au leadership des princes. Il n'est pas au programme de compromettre un scion dynaste dès le début ; on le vendra plus tard. On ne recrute pas demain matin l'envoyé de la Providence, un puits de science, encore moins un génie ; il y faut du culot, de l'allure, de la résilience et une image avenante. Avez-vous trouvé ? Moi, je n'entends pas qui vient mais rien ne sortira des partis à l'affût.


NB: Ce billet est pur jus de crâne du rédacteur ; on l'enrichira diablement par les consultations suivantes :
- L'Identité malheureuse d'Alain Finkielkraut, Stock 2013
- Les Embarras de l'identité de Vincent Descombes, NRF 2013
- Machiavel, la vie libre d'Emmanuel Roux, Raisons d'agir 2013

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