lundi 9 juin 2014

Terrible abdication


Ainsi le roi d'Espagne est-il acculé à l'abdication par la convergence de signes négatifs accourant sur sa personne et sur sa fonction, indissociables dans les temps modernes, les deux corps du roi ayant été fusionnés par l'empire médiatique. La charnière de la succession ouvre une fenêtre de tir aux adversaires de la monarchie, ils s'y essaieront, ils s'y essaient déjà ! Leurs motifs sont billevesées habituelles sur la citoyenneté opposée à la sujétion, le rendre-compte du pouvoir, le coût de la liste civile de la dynastie, le dilettantisme inhérent à la charge, etc...

La fonction "pointe de pyramide" d'un monarque ne les effleure plus. L'incarnation pérenne de la Nation, le commandement en chef des armées hors des partis, l'arbitre en dernier ressort totalement désintéressé, sont des notions trop abstraites pour un peuple secoué par la crise comme un prunier par l'orage ; les grands capitaines franquistes sont enterrés profond, le danger de revenir aux heures les plus sombres de leur histoire fait sourire. Pourtant les chefs politiques actuels sont monarchistes, tant à gauche qu'à droite, mesurant sans doute l'avantage de dépolitiser la clef de voûte et de faire l'économie d'une élection présidentielle dévastatrice chaque 5 ou 6 ans. Mais il est des moments dans l'histoire des peuples où la raison ne suffit plus ; et Juan Carlos a des torts.

Si les débuts de son règne ont été "adroits" pour réussir la transition entre une monarchie franquiste héritée de son père politique, le généralissime Francisco Franco, et une monarchie parlementaire du style Westminster, le roi, d'un tempérament sportif pour ne pas dire léger, s'est installé ensuite dans les avantages du poste en oubliant la réflexion de son ancêtre Ferdinand VII qui mettait au défi quiconque de gouverner un royaume de douze millions de rois !
Si les vacances nautiques aux Baléares, la résidence protégée de la Zarzuela dans une forêt, les soupers publics avec la belle Corrina et quelques couacs moins drôles comme d'abattre un ours russe ivre de vodka à bout touchant, restaient "acceptables" dans une Espagne en pleine euphorie du PIB facile, ce n'est plus pareil dans un pays qui souffre et a perdu sa fierté, gouverné maintenant de l'extérieur. L'éléphant du Botswana, les soupçons de comptes en Suisse hérités de Don Juan et d'autres peccadilles que je tairai deviennent insupportables.

Les dynasties, surtout en pays latin, doivent être irréprochables. La dynastie espagnole s'est liquéfiée, d'abord par la dégénérescence physique du titulaire et les attaques précoces de la sénilité, mais d'abord par les "révélations". L'affaire Urdangarin aurait dû être traitée brutalement et le gendre exilé aux îles Zaffarines. On peut faire une erreur, mais pas dix ! Trop diminué physiquement, il fallait partir et installer Felipe au Palais Royal de Madrid, au milieu de son peuple. Les rois tiennent autant par l'affect qu'ils suscitent que par la constitution qui les protège. Ils sont le recours mental du déshérité, l'invocation du pauvre, la promesse du rachat pour le pécheur, le soleil des âmes simples, le code moral de la société (?!). Ils se doivent à leur peuple, par la relève de la Garde chaque jour et par l'apparition au balcon le plus souvent possible. On ne peut être discret dans cette charge.

Sinon il faut renverser le concept et convenir que le meilleur roi moderne soit un moine-chevalier ; mais la succession héréditaire à la charge s'y oppose. Un roi d'Espagne, savant et productif dans son palais de l'Escorial (comme son alter-ego français au Mont Saint-Michel, - clin d'oeil) n'aurait rien à craindre de l'Histoire. C'est l'autre façon de régner, dans l'ascèse et la sagesse.
Qu'a produit SM Juan-Carlos Ier pour étayer la monarchie restaurée, quelle vision du monde a-t-il communiqué au monde ? Qu'a-t-il inventé ?

Le temps des rois faibles ou distraits compensés par des ascendants et des successeurs plus capables est révolu. Ils doivent tous être bons, le peuple ne juge plus sur la moyenne ! Celui qui s'en va a montré une adresse politique exceptionnelle et un pugnacité surprenante dans les premières années de son règne. La constitution de 1978 une fois consolidée, le roi s'est abandonné à lui-même et a fait cour.
L'Espagne peut très bien se retrouver en République à la Noël. Dès le printemps suivant les Espagnols sauront ce qu'ils ont perdu. Pour le moment, ils ne le voient pas. Ils se passionnent pour le zapping pour faire comme partout !


3 commentaires:

  1. Addendum :
    Selon l'enquête de Sigmas Dos, le prince Felipe, qui devrait succéder à son père la semaine prochaine, gagne encore en popularité puisque 72,9% des personnes interrogées pensent qu'il ferait un “bon roi”, contre 66,4% en janvier. Ils sont 57,5% à penser qu'il “pourra récupérer le prestige perdu de la monarchie”, contre 56,6% en janvier. Le roi Juan Carlos, affaibli par des ennuis de santé et des scandales, dont les démêlés judiciaires de sa fille Cristina et de son gendre, Iñaki Urdangarin, voit sa popularité remonter : 65% pensent que son règne a été “bon ou très bon”, contre 41,3% en janvier.
    Environ deux sur trois (76,4%) pensent que le souverain a bien fait d'abdiquer. La plus populaire est sans doute la reine Sofia, qui cumule 78,5% de “bonnes ou très bonnes opinions”.
    (Plus sur Liberté Algérie)

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  2. Si la IIIè République espagnole est proclamée à la Noël, les dispositions de double couronne de la Paix d'Utrecht tombent à l'eau.
    La Maison de Bourbon se retrouve incontestablement en capacité de régner en France, les arguments de la branche cadette qui en usurpait l'exclusivité disparaissent ; sauf pour la maison d'Orléans à continuer de prétendre à l'héritage de Louis-Philippe Premier, mais sans remonter plus loin. D'ailleurs, nul n'hérite de sa victime.

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    1. Cela mérite examen, effectivement. De toute façon, l'héritier des quarante rois ne peut pas être un descendant du duc d'Orléans Philippe-Egalité, ce qui ne prive pas la maison cadette de prétendre à tout autre motif.

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