lundi 30 mars 2015

La fête à claques

J'ai eu la perception très nette que l'escroquerie démocratique (clic) était à son comble dans ces élections départementales. Il y a six mois, la strate politique qui doit se gérer maintenant était en voie d'éradication par les mêmes qui en ont fait pendant quinze jours l'apocalypse de la République. Le pouvoir en place, minoritaire comme aucun avant lui ne le fut, a appelé sur ses sectionnaires les voix de tous les républicains afin de sauver les structures partisanes départementalisées qui sont apparus comme autant de briques élémentaires dans la construction d'une "dictature" du modèle courant. Ne voyait-on rien de tout ça il y a six mois ? Cette géométrie départementale est essentielle à la République française et les forces médiatiques déployées sur ces élections le confirment, même si les attributions spécifiques aux départements restent encore dans le vague et si le risque est grand de les voir écrasés entre les régions et les métropoles secondaires. On a fait voter les gens dans un cadre de compétences qui n'existe pas encore. Personne n'avait osé jusqu'alors.

Laissant courir les chiens fous d'une réforme institutionnelle qui amuse les désoeuvrés - ce qui est sérieux est ailleurs - l'ancien président du Conseil général de Corrèze a rappelé la meute au pied quand fut remontée de la base la certitude que les départements étaient le substrat politique élémentaire pour se hisser au niveau national, ce que comptait bien faire le Front national. Pas question de laisser revenir les HLPSDNH. Cette incongruité européenne que sont les départements français avait donc son utilité ou son danger ; aussi la mobilisation des états-majors et des fédérations n'en fut que plus complète quand les instituts annoncèrent une Bérézina historique pour les partis en cour.

Ceux des penseurs honnêtes qui avaient travaillé à la suppression des départements ont pu mesurer le niveau de mépris dans laquelle le Château les a tenus pour donner à la fin de leurs travaux la priorité à ce qu'ils étaient chargés d'anéantir. Mais, répétons-le, le gouvernement du pays lui a échappé et ces jeux démocratiques de proximité ressemblent de plus en plus à un théâtre convenu, un rite gratuit, du cirque à défaut de pain.

Qu'a donné ce "Combat de Titans" ? 
Rien !

C'est l'échec du Front national et l'allocution extravagante du premier ministre qui m'ont encouragé à écrire ce billet. L'allocution de Manuel Valls hier soir est proprement incroyable, qui, à l'inverse du président droit dans ses bottines, dit avoir entendu le cri des Français et promet pour demain matin l'embellie produite par les mesures gouvernementales courageuses prises depuis trois ans... on rêve ! Le redressement de l'Europe, et de l'Eurozone spécialement, tient à l'effondrement du prix du baril de pétrole, à celui des taux d'intérêts sur les bons d'Etat et à la chute de l'euro en dollar. Ces gens n'y sont pour rien ! Pour rien du tout ! Ce pouvoir est bien celui de Foutriquet.

M. Valls a été sélectionné par François Normal pour sa gueule et son petit score aux primaires socialistes. Peu dangereux pour l'apparatchik parvenu en douce, c'est un costaud de sous-préfecture qui n'a pas le calibre de la fonction, ce qui multiplie son acrimonie naturelle. On pourrait faire cent lignes qui démontrerait sa "dépersonnalité" en suivant sa quête inlassable de mentors depuis qu'il a choisi ce métier qui n'en est pas un. En plus de nerfs fragiles, il n'a que la colonne vertébrale d'autrui et ça commence terriblement à se voir.

Personnellement impliqué depuis qu'il a pris en main la campagne électorale au quotidien, en laissant de côté sa fonction de chef du gouvernement, il devrait démissionner après avoir perdu la moitié des départements que tenait son parti. Partout ailleurs en Europe, un pareil désaveu entraînerait la démission du chef de file, sans railleries ni quolibets d'ailleurs. Logique démocratique. Mais ici, non ! Les éditocrates de la presse subventionnée lui trouvent mille excuses.

Le Front national pour sa part a perdu. Marine Le Pen rate le fameux ancrage. Aucun département n'est conquis et peut-être 50* cantons sur 2000. On peut retourner la question en tout sens, malgré un raz-de-marée en voix, le Front ne perce pas globalement dans une élection concrète. Il reste un parti du mécontentement sans risque, bon pour les européennes.
(*)= estimations du 29.3.15 à 23h

Le grand gagnant est Nicolas Sarkozy qui ramasse 70* départements, mais puis-je ajouter qu'à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, on me dit qu'il le sait. Le programme concret du gouvernement des réformes n'est toujours pas élaboré. On ratisse large ! La victoire d'aujourd'hui n'anticipe pas celle de demain, les enjeux sont chaque fois différents et les adversaires ne sont pas figés, chacun adaptant sa défense ou son attaque à l'autre au moment. La mise en scène de la pièce est donc à chaque fois différente même si les règles de l'art sont immuables : faire prendre au couillon des vessies pour des lanternes.




lundi 23 mars 2015

Areva ou les limites du colbertisme

Ce billet a été publié dans l'Action française 2000 du 19 mars 2015 (n°2905 p.10) sous ce même titre. Il entre en archives RA avec des liens complémentaires en bas de note qui n'apparaissent pas dans la version papier faute de place et une notice plus développée sur Hans Hermann Hoppe*.

Avec un chiffre d'affaires sensiblement constant, l'action Areva a perdu 88% en 7 ans. Ce n'est pas "la faute à pas de chance" car y fut concentré le meilleur des cerveaux français, et c'est sans doute en celà que les déboires de la filière d'excellence sont inquiétants. Le premier reproche que l'on puisse faire à l'ancienne patronne d'Areva, Anne Lauvergeon, est le fiasco technique d'UraMin. Alors que beaucoup de grands dirigeants français ont suivi un cursus de sciences molles qui les autorise à méjuger les affaires industrielles (la liste est longue), Atomic Anne, agrégée de sciences physiques par Normale Sup, est issue du prestigieux Corps des Mines et s'est donc lourdement trompée dans son cœur de métier.
Tout le reste en découle puisque la Justice examine l'alternative entre une erreur par incompétence et une mauvaise décision parfaitement documentée. Le résultat de l'instruction menée par la Brigade financière de Paris et par le juge Van Ruymbecke signalera si l'ingénieur Lauvergeon était sous-calibré pour exercer la dictature nucléaire française consentie par les pouvoirs publics en souvenir du Commissariat à l'Energie Atomique (CEA), ou si elle a cherché dans ses multiples fonctions sa propre gloire. Cette affaire est la pierre de touche qui révélera la nature profonde des erreurs d'Areva : cafouillages typiques des entreprises d'État dont le propriétaire est un buste en plâtre qui trône dans les mairies. On n'ose parler d'escroquerie délibérée et pourtant, beaucoup de millions ont circulé !

Yellow Cake
L'affaire est digne d'un roman de Gérard de Villiers. En quelques lignes, la voici : en quête de mines d'uranium à agréger au patrimoine de la COGEMA devenue Areva, la direction du groupe repère la mine centrafricaine de Bakouma qui avait été découverte par le CEA en 1958 et jugée inexploitable alors, site à moitié noyé, minerai enfermé dans une gangue d'apatite quasiment infractable, logistique ruineuse. La hausse du prix de l'uranium changeait-elle aujourd'hui le compte d'exploitation ? Aucun personnel de terrain ne le crut, mais tout l'état-major voulait acheter sans voir, ni même consulter les copieuses archives de la COGEMA. Les patrons se sont laissé rouler dans la farine par les vendeurs, une holding minière canadienne qui fit fortune dans la transaction, quasiment en faillite dans l'exploitation ! Le monde de l'uranium est un boudoir, chacun savait les permis d'UraMin sans valeur. Sauf Areva ?

Les déboires d'Areva sont typiques de la gestion étatique des entreprises publiques, la morgue passant trop souvent la raison. Que ce soit l'enthousiasme potache à la rédaction du contrat finlandais d'un EPR™ qui n'en finit plus de s'achever dans les pénalités de retard ; les présomptions arrogantes d'ouverture du marché chinois à des réacteurs de 3è génération, qui pourrait bien se limiter pour nous aux quatre unités de Taïshan, le reste du programme national étant sinisé sous licence Westinghouse à tout motif même déloyal comme la standardisation des filières pour optimiser la maintenance ; que ce soit l'agonie du réacteur EDF de Flamanville ; et bien pire, le désastre d'Abou Dhabi où pour une fois la composante politique du projet avait bien manœuvré mais que la suffisance ou l'inconstance des contractants a ruiné au bénéfice d'une technologie coréenne, tout simplement bien présentée ; nous avons touché du doigt dans chacun de ces dossiers le "détachement" d'élites techniques imbues d'elles-mêmes que rien ni personne ne pourrait critiquer. Jusqu'à ce que les alarmes hurlent ! La Cour des Comptes a signalé les ravages d'une technocratie irresponsable par nature, puisqu'elle travaille sur fonds publics, avec l'argent de tous et de personne, contrairement aux groupements anglo-saxons qui engagent sur ces créneaux des compagnies propriétaires de leurs actifs et de leur avenir, dont l'excitation à conclure tranche avec l'impassibilité narquoise des fonctionnaires français.

Réacteur EPR™ de Flamanville

Quels que soient ses diplômes, ses talents personnels et l'expérience acquise en butinant le domaine industriel de l'État, Anne Lauvergeon qui accumule partout les jetons d'administrateurs, reste incapable de mettre aujourd'hui son chéquier sur le tapis vert pour signer un milliard de dollars à la fin du tour de table. On trouve ces entrepreneurs à leur compte outre-atlantique et en Asie. Ils ne vivent pas dans l'entreprise, c'est l'entreprise qui leur sert de cœur et de poumons. Cette véritable "incarnation" de l'entreprise est invincible. Et le concept n'est pas réservé aux Américains :
Quand Monsieur Deng débonda l'énergie créatrice de la Chine épuisée par le communisme, il fit confiance à l'impatience des individus à s'établir socialement et à s'enrichir, et pas du tout à la réforme des grands combinats étatiques. La France de Monsieur Hollande n'a pas encore franchi ce seuil d'intelligence, et pour protéger le "triomphe" du secteur public, Areva sera peut-être réprimandée mais pas condamnée. Comme le dit Hans Hermann Hoppe :"l'efficacité est liée à la propriété privée pour que chacun soit incité à faire des efforts" et le même de conclure à la privatisation gagnante de l'État en ramenant un roi propriétaire puisque la monarchie est la forme la plus comptable de l'avenir du pays, pays qui n'est que le sien. En attendant, Areva a récupéré Philippe Varin, le loser de chez Peugeot qu'il a bien fallu poser quelque part puisque les Chinois n'en voulaient pas ! Il préside aujourd'hui le conseil d'administration depuis la mort de Luc Oursel il y a huit jours, éphémère successeur d'Anne Lauvergeon.



Pour ceux qui veulent creuser la mine sur ce blogue :
- Résultats du groupe
- Uramin et Areva - mine de rien
- Uramin, la synthèse d'un scandale
- Uramin, omerta chez Areva
- l'ingénieur Balkany dans le schmilblick minier africain
- Areva chez Bellaciao
(*) Hans-Hermann HOPPE est professeur au Département d'Economie de l'Université du Nevada à Las Vegas, Senior Fellow du Ludwig von Mises Institute et rédacteur en chef adjoint de la Review of Austrian Economics. Il est né le 2 septembre 1949 à Peine, en Allemagne de l'Ouest. Il a fréquenté l'Universität des Saarlandes à Sarrebruck, la Göthe Universität de Francfort s/Main et l'University of Michigan à Ann Arbor pour des études de philosophie, sociologie, histoire et économie. Il a reçu en 1974 son doctorat en philosophie et son diplôme post-doctoral (sociologie et économie) de la Göthe Universität à Francfort. Il a enseigné dans plusieurs universités en Allemagne, de même qu'à Bologne, au Bologna Center for Advanced International Studies de la Johns Hopkins University.
Outre de nombreux articles et brochures, il a publié Handeln und Erkennen (Berne, 1976), Kritik der kausalwissenschaftlichen Sozialforschung (Opladen, 1983), Eigentum, Anarchie und Staat (Opladen, 1987), A Theory of Socialism and Capitalism (Dordrecht, 1990) et The Economics and Ethics of Private Property (Auburn, 1993).
C'est le dernier venu et le meilleur supporter de la monarchie** parmi les grands esprits parce qu'il fonde sa démonstration sur du concret, un peu à la manière de Maurras. Il présente ses idées sur un site web personnel (clic) et sur les sites des instituts que nous avons cités.
(**) Royal-Artillerie : De la supériorité économique de la monarchie

lundi 16 mars 2015

De l'âme des princes


«Ceux des particuliers qui deviennent princes seulement par les faveurs de la fortune ont peu de peine à réussir, mais infiniment à se maintenir» (Machiavel).
On pourrait en dire autant par les faveurs des Lois fondamentales. La prolifération des recherches sérieuses ou moins sérieuses, mystiques ou historiques qui cernent le roi caché, survivant, souterrain, d'au-delà des mers, n'est pas qu'une distraction romanesque. Elle signale une insatisfaction née de l'examen de l'élu désigné. Il ne satisfait pas les attentes de certains, attentes qui ne convergent pas toujours. Aussi cherche-t-on ci et là le chemin d'esquive qui permet d'échapper à cette "obligation" décevante. C'est le fil rouge de ce billet.

Baudouin IV d'Anjou
Nos âmes à l'image des dieux qu'elles ont contemplés dans leur vie antérieure* sont diverses et variées. Enfermés dans des corps qu'elles n'ont peut-être pas choisis, elle subissent la servitude de l'incarnation et s'abîment des passions qui les assiègent, sauf chez les princes. Des trois parties de l'âme platonicienne, c'est le νο̃υς qui domine chez eux et qu'on appelle raison, du même sang que celui des dieux. Les deux autres, l'appétit de la vie (ou les élans) et la colère (ou l'orgueil) y sont contenues par la première plus fortement que chez nous. Ceux d'entre eux qui ne le peuvent n'en sont pas.
Nous avons coutume de révérer des personnes descendant de personnages illustres au seul motif de leur hérédité. C'est pure courtoisie. Nous ne devrions abaisser nos drapeaux que vers le mérite personnel, bien qu'il soit autrement possible de combler d'affection quelqu'un que nous jugerions imparfait mais sympathique. Encenser la fonction est autre chose dont nous parlerons une autre fois. Mais il ressortirait à l'erreur politique que de confier notre destin à quelqu'un "par courtoisie".

Sa spécialité : l'exception

C'est la Morale qui prime dans ce que nous cherchons à reconnaître chez un prince et non pas les quartiers de noblesse, ni les diplômes s'il en a, ni son allure avantageuse ou la carnation de sa peau si c'est une princesse. Morale qu'il doit savoir appréhender à distance de lui-même s'il est capable du détachement critique par rapport à son propre emploi afin de voir clairement les améliorations exigées de lui pour emplir le contrat ; et tout à la fois, ce qui n'est pas mince, une résilience peu commune aux influences de tous ordres qui le détourneraient de son exceptionnalité.
Car le prince est spécial, obligé de "monter" en permanence pour rester au-dessus du lot ; c'est la seule condamnation attachée à sa condition. L'en distraire serait criminel. Fusillons déjà les courtisans.
Se satisfaire comme beaucoup d'une position sociale décorative au milieu de ses adulateurs aboutit à laisser vieillir un caractère inconséquent qu'il serait bien imprudent d'appeler à notre secours un jour, plus tard, bientôt ? Jamais ! Nous n'imposerons jamais personne qui ne s'impose de lui-même. Que dans les salons royalistes on le dise aux casuistes épilés qui se crèvent les yeux sur les Lois !

A partir de là, l'abonné à Royal-Artillerie attend que nous descendions la galerie de portraits accrochés dans le grand escalier capétien. Il n'en sera rien. Notre but n'est que de réfléchir à ce qu'ILS ont de différent qui les place en situation d'accueillir notre propre abandon en leurs mains.

Revenons à l'âme.
En plus de sa vie terrestre et de son destin chevauché de père en fils depuis la nuit des mondes, l'âme du prince est responsable d'une tâche qui n'échoit pas au vulgum pecus. Elle n'habite plus chez un homme mais chez un demi-dieu de l'étage inférieur, subordonné au démiurge qui a conçu l'architecture de ce monde et qui lui demande de le continuer. Si elle le rend vigilant, habité par sa mission, ce monde sera "sauvé" et lui sera déclaré "parfait". C'était l'idée d'Epictète, la vertu totale. Peu sont élus pour affronter le risque d'écrasement de leur individualité par une vie authentiquement divine, et les Lois qui les désignent, désignent autant nos problèmes que leurs solutions s'il y a un grand écart entre le proposé légal et le prototype car il ne s'agit que d'appeler à notre secours un rédempteur de la Nation. C'est pour nous, nation, que nous agissons ! "Demi-dieu", "parfait", on comprend déjà que nous nous sommes déjà bien éloignés du vulgaire. Quels sont donc ces caractères spécifiques au prince accédant ? Ou à l'inverse que se passe-t-il s'ils n'existent pas ?

Ah, ces inconvénients !

Le pire défaut est l'indécision qui chez un chef est grave en ce qu'il entame l'essence même de sa fonction. Nous avons sous les yeux l'exemple vivant d'une procrastination quasi-pathologique où les décisions ne sont prises que pour s'en débarrasser. Mais jadis des princes très savants mais pusillanimes en ont perdu la tête aussi.

S'il n'en est pas d'imbécile, il en est parfois de moins instruit. Ce défaut allié à un fort tempérament est palliable par un rattrapage des connaissances utiles à sa charge. Si au contraire il accompagne une nonchalance intellectuelle voire un déplaisir à l'étude, le prince en défaut réunira autour de lui des compétences éprouvées pour assumer son gouvernement du pays, compétences qui le transformeront très rapidement en poupée de balcon. L'avantage de la monarchie disparaîtra au bénéfice de l'oligarchie et retour à la case départ. Aussi sympathique fut-il, le cancre est à bannir.

On ne peut non plus laisser passer le désordre des mœurs en ce qu'il interdit ensuite l'invocation de l'exemple. Si un politicien en contrat à durée déterminée est un spécialiste reconnu de la gouvernance mais un dépravé pour ce qui concerne sa vie intime, la logique politique prendra le pas sur la morale pour le conforter dans sa position utile au pays, mais il ne pourra jamais lors d'événements graves se revendiquer comme l'exemple à suivre. En revanche, un prince en situation de pouvoir doit rester en capacité d'exemple. Ceux qui n'y parviennent pas - et on en voit souvent - abondent au tonneau de leur propre mépris, sauf à bénéficier de l'indulgence populaire qui s'attache au prestige de la fonction par l'affect naturel des peuples à l'endroit de leurs chefs.
Sans viser quiconque, celui des princes qui ne supporterait pas les contraintes et misères quotidiennes de la vie commune pourrait difficilement nous faire accroire qu'il résisterait mieux que d'autres au malheur d'être roi comme le disait Louis XVI dans le testament à son fils.

Quels sont donc maintenant ces caractères spécifiques au prince accédant ?

Louis XVII
Les qualités morales se perfectionnent au moment de l'éducation si le sujet est réceptif, plus difficilement s'il faut un peu de contrainte mais on y arrive. L'éducation appliquée à la formation du caractère se fonde sur l'instruction et l'exemple donnés par ses éducateurs - Choiseul eut été préférable à La Vauguyon . La destinée du prince oblige à monter le niveau le plus haut possible pendant la période de sa formation - on en jugera par les diplômes obtenus - et à forger un caractère résilient. Outre les nécessaires humanités et mathématiques, il tombe sous le sens que des études de droit public, de finances publiques et de commerce international, clôturées par un passage dans une académie militaire, soient le minimum syndical pour qui s'apprêterait à nous gouverner aujourd'hui. J'en vois au fond qui quittent la salle et je n'ai pas parlé des cinq langues européennes.

Si l'on en vient au tempérament, à supposer qu'on me le demande, ce qui n'arrivera jamais, je préférerais un tempérament stoïcien qui gouverne les émotions et protège le jugement. J'ai retrouvé quelques définitions qui illustrent bien mon souci. Appliquer ses pensées à trier les choses entre celles qui dépendent de nous et toutes celles qui n'en dépendent pas. Les premières sont notre œuvre et de notre responsabilité ; les autres seront au mieux leurs ancillaires. Cette sérénité dans la connaissance de son pouvoir réel est un gage de sage gouvernance en ce qu'elle bride dès le départ l'intrusion étatique dans la sphère privée et dégoûte des lettres de cachet qu'on appelle aujourd'hui autrement. Parce que le premier rempart de la liberté individuelle ce doit être justement le roi, quand la marche du monde cherche tous les jours un peu plus à la fracasser.

Séparation des pouvoirs

En délimitant le royaume, l'Etat, et le domaine qu'il incarne dans ce royaume, le prince jugera des choses qui lui incombent selon la Raison, se protégeant d'une sensibilité trompeuse qui obscurcirait son jugement et le laisserait sur- ou sous-estimer les mouvements d'opinion qui sont l'expression moderne de la démocratie corrompue quand elle cherche à contrôler les émois populaires. Rester au-dessus de la mêlée et garder la tête froide est facile au début du match, s'y maintenir est plus difficile, surtout si le peuple appelle au secours. Aller plus loin que compatir est déjà choisir, trier dans les politiques publiques et enfreindre le principe du peuple souverain en ses Etats. Ce dilemme de non-pénétration des domaines régaliens et publics convoque beaucoup de pédagogie pour faire accepter les responsabilités réciproques quand "ça va mal". Une nation ne peut tout attendre d'en-haut, sauf celle des veaux ! La reine d'Angleterre, dans son minuscule domaine réservé, y arrive très bien, qui influence son premier ministre mais en sous-main quand elle le souhaite. Nous apprîmes avec stupeur qu'elle et le prince de Galles avait usé plusieurs fois d'une sorte de droit de veto sur des projets législatifs du 10-Downing Street ! Ouvaton si Windsor en fait plus que régner ?

On pourrait dire encore qu'une des qualités primordiales de l'état princier est le discernement de ses décisions par la hiérarchie des valeurs qu'ils activent au sein du domaine dédié. Tout ne se vaut pas, mais saisir les écarts d'importance demande une longue éducation dans la charge. La capacité à trancher par l'outil de la raison est primordiale et ô combien difficile qu'on puisse entendre la laisser entre des mains formées à ce défi quotidien. Ce n'est presque plus un acquis, peut-être faut-il ressentir ces choses d'instinct. Cela participe de l'inné des familles régnantes.

Autre caractère spécifique, l'affect : un auteur maudit soutenait que "c'est un des avantages insignes de la monarchie que les meilleurs sentiments du peuple peuvent s'y fixer et s'y concentrer sur la personne royale, tandis qu'autrement ils resteraient épars, vains et nuls " (Abel Bonnard dans l'éloge du feu roi des Belges Albert Ier). Faut-il quand même que le prince en charge aimante assez puissamment l'affect populaire pour qu'il précipite sur sa personne jusqu'à produire cette coagulation du "meilleur" de la nation dont nous n'avons pas aujourd'hui de reste ! Mais en général "ça le fait", à voir les tirages de la presse royale et le succès de sites méritants comme Noblesse & Royautés.

De par l'aura attachée à sa qualité de roi, surnaturelle s'il est un jour sacré, un prince vient de la fabrique des héros. Destin colossal à mille lieux du marquis parvenu, il doit le montrer continûment. C'est pour le coup un chevalier, un chevalier au premier coup d'œil. L'immense prestige de la vertu s'il choisit de s'y abandonner, pourra suggérer ensuite que son droit a quelque chose de "plus-qu'humain", divin peut-être... et le tour sera joué. Il n'est aucune place en France pour un roi bourgeois à la mode de Juillet !


Essai de conclusion - les Lois :

le petit Lord Fauntleroy
L'instauration d'une monarchie en France, pays où trois dynasties furent battues successivement, deux par la guerre civile et une par la guerre étrangère deux fois, appelle dans notre siècle d'infériorité un être charismatique de haut niveau, capable de rallier la masse des indécis en renfort de ses partisans. Une "restauration" marche à l'enthousiasme et les combinaisons de la Crypte seront la plupart du temps déjouées. Il est désolant de devoir se départir des lois fondamentales du royaume cent quatre-vingt cinq ans après la disparition du dit-royaume, mais ces lois ne sont en fait que de succession. Or le "trou" est grand entre jadis et maintenant, après une phase inédite d'accélération de l'histoire. Toutes les révolutions s'y concentrent, industrielle, énergétique, numérique, cosmique, quantique et j'en passe qui n'ont pas d'épithète comme celle des nano-technologies. Pascal disait déjà que « trois degrés d'élévation du pôle renversent toute la jurisprudence, un méridien décide de la vérité ; en peu d'années de possession, les Lois fondamentales changent, le droit a ses époques, l'entrée de Saturne au Lion nous marque l'origine d'un tel crime. Plaisante justice qu'une rivière borne ! Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ». Seraient-elles de quelque utilité pour le choix, ces lois, s'il y a choix, outre le pronostic qu'elles lèveront la dispute entre les Maisons aveuglées par la fumée des signaux indiens qui montera de la montagne, que nous serions bien inspirés de les garder pour plus tard, bien après, quand le travail difficile sera terminé. Ce qui n'empêche nullement de les préserver dans un coin de notre esprit. Mais s'y cramponner en l'absence de royaume comme aujourd'hui conduirait de nouveau à l'échec. Les Lois ont été construites pour pérenniser une monarchie vivante, pas pour en ressusciter une disparue corps et biens il y a sept générations !

Une hypothèse utile au débat serait de convenir que les deux premiers titulaires successifs soient de haut niveau intellectuel et moral pour prendre à bras le corps l'exécutif de la fonction afin d'assumer rapidement leur autorité "en leurs conseils", d'écraser dans l'œuf et les tentatives souterraines de subversion, et la logique négative de leurs détracteurs. La propagande des pourrisseurs professionnels peut être redoutable surtout sur un peuple dérouté, influençable, pour partie abruti par de pseudo-valeurs simplistes ressassées par la classe médiatico-politique, qui ne sont que celles de maintenir l'oligarchie régnante. Tous les régimes du XIX° siècle ont péri de leurs attaques. C'est dans ce but que l'ensemencement du champ de l'Opinion à l'idée du roi doit être élargi, augmenté, vaste, jusqu'à ce fameux "pourquoi pas" qui nous réjouirait tous, mais dont nous sommes apparemment loin.

Attendons des princes en vue ou cachés qu'ils élèvent pour y répondre leurs enfants dans ce programme d'exception. A défaut nous verrons !

Tout ceci est spéculation gratuite, nous n'y avons aucun intérêt. Comme écrivait en haut du tableau noir mon vieux professeur de physique et chimie : « Nous sommes censés savoir que... »


Merci de votre attention, vous pouvez fumer.
Oui ? Un Nom ?
Baudouin IV de Jérusalem pour son courage surhumain.
Baudouin de Belgique pour son impeccable dignité.


Charlie-Martel 



(*) in Platon quelque part
PS : l'iconographie de cet article est délibérément "fraîche" car sa lecture est destinée d'abord à nos jeunes lecteurs, ceux qui vraisemblablement auront à "choisir" demain


(Cycle d'Arrakeen 2015)

dimanche 15 mars 2015

RA Top Ten

Ce blogue ayant dix ans, il est d'usage de faire un petit bilan qui cette fois se limitera aux "best sellers". A la fin du mois de mars 2015 nous aurons posté 1278 billets en tout.

Les meilleures ventes, somme toute modestes, celles qui ont dépassé mille lecteurs ou presque, sont les billets suivants (les statistiques de Blogger ne reprenne que les cinq dernières années, mais bon, ça ne change rien au classement) :

⒈ L'arme fatale de M. Cahuzac... (clic) 19 oct. 2012, 3049 lecteurs à aujourd'hui
C'est un billet de commentaires sur la loi de finances anti-riches Hollande-Cahuzac qui devait précipiter l'exil fiscal. Ce qui fut ! Le nom du génie fiscal dans le titre a contribué au succès.

⒉ Debout les masses ! (clic) 17 juin 2010, 2281 lecteurs
Article donné à l'Alliance géostratégique et qui combat le conscription, véritable budget de "morts pour la patrie" accordé au pouvoir politique si ce n'est pire encore, une façon de simplifier la diplomatie par la menace de guerre imminente.

⒊ La Fée Bleue en Afrique (clic) 28 juil. 2010, 2243 lecteurs
Billet AF2000 recadrant le développement de l'Afrique sur deux grilles superposées, électrique et ferroviaire. Le succès de ce post est surprenant. Ce travail avait été actualisé pour le New York Forum Africa sous le titre La Double Grille africaine et soumis à quelques participants d'entreprises industrielles impliquées en Afrique du Sud.

⒋ L'euro de la Hanse (clic) 6 janv. 2011, 1798 lecteurs
Billet AF2000 d'entrée de l'Estonie dans l'Eurozone sur les motifs de cette intégration largement issus de la peur.

⒌ Untermenschen (clic) 19 janv. 2012, 1642 lecteurs
Billet d'indignation sur le procès du Khmer rouge Douch au Cambodge et sur l'implication des communistes français dans la formation des monstres. Que 1600 lecteurs aient partagé notre écœurement sur les crimes de la sous-humanité des bêtes KR nous a réconforté.

⒍ Provinces (clic) 19 oct. 2006, 1543 lecteurs
C'est un billet en cartes sur les découpages administratifs de la métropole.

⒎ Tauromachie (clic) 21 oct. 2010, 1486 lecteurs
Billet polémique publié pour mettre le feu au fil de discussions sur Newsring (site aujourd'hui disparu) où sévissait la brigade très organisée des adversaires de la corrida agissant par tous moyens et les plus déloyaux. Pas mal, 1500 lecteurs sur un sujet parfaitement anachronique.

⒏ Hommage au canon Gribeauval (clic) 11 mars 2005, 1103 lecteurs
C'est le billet obligatoire du blogue d'artillerie.

⒐ Métropoles territoriales (clic) 18 nov. 2009, 913 lecteurs
Il ne s'agissait que d'inscrire la réforme territoriale dans la mondialisation en comparant certaines métropoles internationales. Le sujet a eu plus de succès qu'escompté.

Tiens le Top-Ten fait neuf ! Et on n'y compte aucun billet libellé "monarchie" ou "royalisme" alors qu'il y en a 109 et 78 respectivement. Vous avez dit bizarre ?

lundi 9 mars 2015

Hollande, un pont trop loin !

Les salons bruissent de l'assassinat de Boris Nemtsov à Moscou ce tantôt. Et chacun de brandir son acquit de douane : "la preuve, ce n'est pas moi !". Je note deux choses, que le flicage généralisé de la Sainte Russie a clivé la société entre bons patriotes et horribles traîtres jusqu'à ce que des éboueurs se lèvent pour nettoyer la rue de toute opposition au camp officiel du Bien. La seconde, que depuis l'avènement d'un régime parlementaire, tous les assassinés se comptent du côté des dissidents ou journalistes d'opposition¹. Leurs déséquilibrés ne se trompent jamais, viendraient-ils de Grozny !
Bonus : comment se couvrir de ridicule en signalant des sondages très enthousiastes pour Vladimir Poutine quand on sait qu'ils sont récoltés par téléphone : « Allo bonjour ? C'est pour l'Institut d'opinion Machin. Une seule question : "Êtes-vous pour ou contre le président Vladimir Poutine ?" - Contre, bien sûr ! - OK, on a noté votre numéro de téléphone.» Et il y a des imbéciles en France jusque dans le milieu royaliste qui s'appuient sur cette manipulation pour confirmer la popularité de leur héros !

A ce moment, on peut se poser la question du pourquoi d'une réaction de l'Elysée. Boris Nemtsov n'était pas si lié à la France, ni son aura si éblouissante qu'on en fasse déjà ici le martyr d'une cause... à définir en plus. Le Kremlin infesté d'anciens kagébistes a d'autres adversaires plus dangereux, à moins que le pouvoir n'ait pratiqué le dicton chinois du poulet et du singe. Tuer l'un pour effrayer l'autre ; on zigouille l'opposant de deuxième division pour avertir ceux de première division.
Le crime est typiquement une affaire interne à la Russie. Pour qui se prend-on dans la cellule communication du Château ? Il vaudrait mieux que les tapettes en soupentes se recentrent sur les actrices et les rappeurs, et laissent la diplomatie aux professionnels. Mais au bout du bout, la question est posée de la pertinence de notre souci russe. Que nous chalent heurs et malheurs de la sphère soviétique ? Participons activement au développement de cette steppe immense pour le plus grand bénéfice de nos groupes industriels grands et moyens, accompagnons le renouveau culturel de l'ancien empire des tsars puisque nos rois y laissèrent des traces, et gardons-nous d'interférer dans des histoires qui ne nous concernent en rien, si déjà nous les comprenons. Pourquoi ?

Parce que la France, contrairement à l'Allemagne qui fut toujours l'empire au contact, ne doit pas franchir la limite de sa zone d'influence historique qui, s'il faut la tracer, suit le cours du Danube². Nous y serions des amateurs pas éclairés du tout. La Russie est par contre un gros souci allemand pour au moins trois raisons :
- La RFA est le pays-hôte de la mobilisation des unités américaines reversées au commandement OTAN ;
- Son approvisionnement énergétique est très dépendant de la Russie, ce d'autant plus que les centrales nucléaires allemandes seront fermées progressivement ;
- Le grand marché slave est le débouché naturel de l'industrie teutonnique qui y soustraite aussi toutes, absolument toutes ses fabrications basiques.
Soutenir l'Allemagne dans son combat à l'exportation est pure camaraderie de la part de la France, ce qui n'a pas lieu d'être dans le gouvernement de nations en danger comme les nations d'Europe occidentale. Concentrons-nous sur les moyens exigés par le renversement de notre propre déclin et cessons de parader partout comme des coqs déplumés ! A force de péter plus haut que son cul, on dépose le bilan avec un trou dans le slip !

Incidente décorative : Bismarck le Terrible avait prévenu ses successeurs de ne pas prendre fait et cause pour l'empire austro-hongrois, véritable patchwork à problèmes, afin de ne pas être entraîné dans des conflits où l'Allemagne n'avait finalement aucun intérêt décisif. Ils ne l'écoutèrent pas. On sait ce qu'il advint de la construction poméranienne. Pourquoi la France d'aujourd'hui s'investit-elle autant à contrer le Capo di tutti capi Poutine en sa mafia d'espions ? Regardons nos intérêts propres et laissons la grande Allemagne se dépatouiller de ses contradictions. Finalement, en 1990 ils ne s'en sont pas si mal tiré que ça ! A nos frais aussi, c'est vrai, grâce à M. Bérégovoy !

Nous voilà maintenant mouillés dans une histoire de sanctions corne-cul voulant privilégier la Camorra de Kiev à Cosa Nostra de Moscou ! Mais à la décharge des pouvoirs actuels, avouons que c'est notre président survolté Sarkozy qui nous a mis dans ce bain d'électrolyse en croyant qu'il s'entendrait mieux avec un csar aussi peu haut que lui-même ! Et de vouloir faire le pacificateur en Géorgie contre un transfert de savoir-faire, les Mistral. Sauf que l'autre est intelligent et que les nôtres ne le sont pas. Nos présidents marchent au sonar, ne regardent que la hauteur d'eau sous la coque et ne voient rien au loin. Quelle est notre axe diplomatique en Turquie, au Proche et Moyen Orient, en Mer Noire ? On me dit dans l'oreillette que le Quai d'Orsay n'a toujours pas demandé de conseils à Royal-Artillerie sur la conduite à tenir désormais au-delà du Danube. En foi de quoi, nous clôturons ce billet, inutile donc.

(1) Extrait d'une plus longue liste en forme de monument aux morts :

☦ 1998 Galina Starovoitova
☦ 2000 Igor Domnikov
☦ 2000 Sergey Novikov
☪ 2000 Iskandar Khatloni
☦ 2000 Sergey Ivanov
☪ 2000 Adam Tepsurgayev
☦ 2003 Sergei Yushenkov
☦ 2003 Yuri Shchekochikhin
☦ 2004 Nikolai Girenko
☦ 2004 Paul Klebnikov
☦ 2006 Andrei Kozlov
☦ 2006 Alexandre Litvinenko
☦ 2006 Anna Politkovskaïa
☦ 2009 Natalia Estemirova
☦ 2009 Stanislas Markelov
☦ 2009 Anastassia Babourova
✡ 2013 Boris Berezovsky
☦ 2013 Sergueï Iouchenkov
☦ 2015 Boris Nemtsov
......
(2) Le Danube est le fleuve germano-slave par excellence comme le Rhin est le limes germano-gaulois.
Aller faire le coquet sur le Dniepr (frontière probable de l'Ukraine demain) n'a aucun sens pour la France.

samedi 7 mars 2015

In memoriam Baudouin de Jérusalem



«Fils du roi Amaury Ier, homme brillant mort prématurément en l'an 1174, Baudouin IV, déjà atteint de la lèpre, prend les commandes d'un royaume stable et prospère. Vite engagé dans une âpre lutte avec Saladin, officier kurde de l'empire seldjoukide devenu calife d'Egypte, il remporte la victoire de Montgisard (1177). Bientôt incapable de se mouvoir et rendu aveugle en raison de la maladie qui le ronge, c'est porté sur une litière qu'il mènera ses dernières campagnes, admiré de ses hommes, reconnu de tous pour ses vertus de clairvoyance et de courage, assumant son sacerdoce royal malgré l’avancée de la maladie. [...]
Manifestation terrestre du Christ par le mandat divin de sa royauté (Baudouin IV, rappelons-le, fut sacré), crucifié dans sa chair et par sa chair par une maladie qui suscitait alors effroi mais aussi compassion, Baudouin IV, devenu méconnaissable, renvoyait pourtant à tous le visage pure, intact parce qu’immatériel, d’une âme resplendissante toute entière tournée vers le bien et le devenir de son royaume - un beau message en ces temps où la frénésie médiatique tente de nous imposer une tyrannie de l’image et de l’instantanéité au détriment de nos devoirs à long terme, spirituels, familiaux ou patriotiques.»
(Guillaume Durand, président d'Oriflamme)


lundi 2 mars 2015

Action et Réflexion se prêtent un mutuel secours

Cet article est paru dans le n°61 du Lien légitimiste (janvier-février 2015) sous ce même titre. Il entre en archives RA avec un petit appareil critique que ne permettait pas l'espace concédé dans le journal papier. A la relecture, c'est compliqué. En deux phrases, la Morale est comme la guerre, un art d'exécution. L'homme ne pense bien que ce qu'il fait, agir sans penser est stupide, penser sans agir est sans valeur ajoutée. C'est plus clair ? Non ? Alors je vous laisse avec les 1400 mots qui suivent.

D'aucuns lancent les idées en l'air comme des oiseaux au plaisir de les voir voler, moi, je suis comme le chien qui piste les effluves d'une vérité (sagesse chinoise).

Les oiseaux volent au-dessus du royalisme français. Depuis que s'est évanouie l'espérance raisonnable d'une restauration dans les formes*, nos bataillons irréductibles se sont armés pour la dénonciation systématique du régime en cours en proposant le changement de paradigme comme remède magique à nos maux. Quel est-il ? Le Roi ! Et après ? Tout commence. Si nous savons parfaitement désigner « le roi » en appliquant scrupuleusement les Lois fondamentales du royaume, nous ne savons trop avancer plus loin dans l'expression de lendemains qui chanteraient, car dans l'esprit du royaliste tout remonte au prince et tout provient de lui. Donc, à l'image du magot cantonais précité, nous lançons des idées, de jolies idées dans le ciel de nos interlocuteurs, mais ne savons indiquer la piste d'aucune construction politique qui leur parlerait puisqu'il ne nous appartient pas de choisir. Ainsi nos effectifs, comme l'influence que nous pourrions avoir sur l'Opinion, stagnent-ils depuis cette rupture de l'espérance, et les bouleversements prévisibles que notre pays devrait subir seront pour nous un spectacle attristant, sans aucun levier dans nos mains que d'inutiles prières pour nous rassurer de notre aphasie. Nous n'agirons pas.

Quand Charles Maurras disait qu'en politique le désespoir était une sottise absolue, il se levait chaque jour pour aller au marbre de sa guerre personnelle et n'avait jamais envisagé qu'on n'ait pas remonté le réveil ! Et malgré tout, le six-février se passa pour lui à lancer l'oiseau, le chien, lui, revint bredouille ; il aurait dû tout arrêter le 7 février 1934. Le royalisme français, bercé d'illusions, dort depuis, qui a abandonné toute stratégie de conquête car il n'en conçut aucune dans le champ des réalités et fit chaque fois sans succès confiance à l'improvisation d'autrui jusqu'à se chercher le Monk du moment. La plus aboutie sinon la plus récente tirait argument d'un retour à la constitution de 1958, non altérée par la dérive césarienne de 1962, pour faire voter au Roi par le Congrès réuni à Versailles. L'idée n'est pas si mauvaise qu'elle ne puisse convaincre des esprits déliés comme Jack Lang qui un jour acquiesçait au remplacement du président par un monarque permanent afin de stabiliser les institutions (il est agrégé de droit public). Faut-il encore savoir diffuser cette idée avec précision, au bon endroit et obtenir l'effectif parlementaire adéquat.

A défaut, le royalisme français en reste au débat convenu, anti-libéral, anti-parlementaire, anti-maçon, quasiment crypté, car sa thèse unique du prince-mage est inexplicable à l'extérieur du cénacle. Qui s'aventure dans des spéculations gratuites partira en tous sens car il n'y a aucun axe officiel, hormis la brève indication du prince de Bourbon à privilégier une monarchie du modèle espagnol bien difficile à adapter chez nous sinon à comprendre déjà ; quand son cousin d'Orléans de la même génération parle avec affection de la monarchie bourgeoise de Juillet depuis longtemps disparue. Reste l'échappatoire du roi de vitrail de Jean Raspail qui, juge-arbitre en dernier ressort, protège depuis son ermitage la propagation magnétique de la doctrine sociale de l'Eglise. Cette allégorie n'est en rien politique mais ne mange pas de pain. Peut-être que la désintégration du noyau atomique ou quelque chose d'énorme comme la prophétie de Houellebecq nous y conduira-t-elle ! En attendant, nous sommes secs !

L'Action étant le conditionnement souhaitable de la Réflexion politique en ce qu'elle borne son vagabondage au contour des réalités, l'ambition naturelle du royalisme français d'établir une monarchie oblige à se déprendre de l'étreinte des commémorations en chaîne pour entrer en lices et combattre au sol, au milieu du monde réel. Cette évidence conduisit Yves-Marie Adeline à créer une offre institutionnelle originale comme plate-forme politique de l'Alliance royale en 2001. Sa diffusion fut freinée par l'impécuniosité génétique du mouvement, par une pré-campagne électorale épuisante menée en 2006, par la défiance des Maisons, parfois active quand le comte de Paris se déclara au même moment pour le candidat de la droite républicaine. Avant le départ de la course, un homme brillant et presque seul n'était parvenu à convaincre les cinq cents parrains réglementaires, inféodés au Système par choix délibéré du législateur. Ses successeurs, sans doute intimidés par la vente d'une constitution aboutie, ont dévié ce projet trop lourd vers la réparation des moeurs de notre République, oubliant trop souvent l'essentiel pour ne pas dire son seul attrait. Des cercles pleureurs nous avons pléthore !

Un parti royaliste, créé pour ensemencer l'Opinion de l'idée du retour d'un roi afin d'obtenir la libre-pratique de son accession future, doit propager un message clair, un programme assimilable par tous, et présenter des personnes douées pour les relations humaines. L'Alliance royale a ces atouts indispensables qu'elle n'utilise pas toujours, mais il faut aussi le numéraire pour porter la nouvelle offre politique le plus loin possible. En ce domaine les militants n'y suffiront pas ; qu'en pensent les princes ? Lui faut-elle approcher les Emirs ? Fort heureusement ce parti possède ce fonds institutionnel que les autres n'ont pas et peut s'investir avec plus de pertinence dans l'Action – il a quelque chose dans la main - ce qui le prédispose à une réflexion positive voire une méditation utile sur la finalité de l'exercice.

Jusqu'ici, ce paradoxe de la réflexion passive dans le champ politique passait de génération en génération, à ne jamais savoir choisir. Fallait-il se contenter de maintenir le souvenir d'une monarchie qui fit de grandes choses dans le passé et ce pays d'abord, afin qu'une opportunité de restauration dans le futur garde ses racines authentiques ? Devait-on consacrer son énergie et ses moyens à soutenir le prince de son choix afin que la roue dynastique ne cesse de tourner ? Mais pourquoi celle-ci plutôt qu'une autre ? Ne valait-il pas mieux s'en remettre aux décisions de la Providence bien qu'Elle semble nous ignorer terriblement depuis 222 ans ? C'est le choix du confort intellectuel et moral, on y peut gloser pour l'éternité sur les péchés mortels de l'espèce humaine qui nous prive du renfort divin. A tout cela, nulle réponse claire des princes. Mais surtout un grand désordre dans une logique politique floue en perpétuel devenir.

Si nous aimions vraiment la monarchie comme gage de sûreté pour l'accomplissement personnel des générations montantes – nos enfants - il n'y aurait pas d'autre choix au milieu du désordre conceptuel que d'en reconstruire nous-mêmes le corps de doctrine. De quoi nous sert l'évocation éthérée de pouvoirs monarchiques mal cernés ? De bavardage stérile. Et quand nous manifestons avec morgue notre mépris des royaumes du Nord, nous exposons avec un ridicule achevé notre parfaite incompréhension de la finesse de leur réglage constitutionnel. C'est de la paresse intellectuelle que de vouloir ignorer comment ça marche. Il serait avisé de faire l'aggiornamento sur la base des principes reconnus par les penseurs-acteurs des temps anciens, quand la monarchie française était bien vivante pour contenir la réflexion dans les limites du bon sens. On sait les noms des grands philosophes qui ont édicté les lois d'organisation, on sait moins ceux des praticiens qui inventèrent des formules de bonne application, impulsant les réformes qui sortiront plus tard. Les Vauban, Turgot, Calonne pour ne citer qu'eux, restent méconnus et mériteraient d'être amenés au chantier. Ces principes reconsidérés et les idées dérivées d'eux seront à transformer bien sûr pour correspondre au pays réel d'aujourd'hui.

Les jeunes cadres du mouvement accédant maintenant aux pupitres et découvrant le désert verraient sans doute d'un bon œil l'instauration d'une Constituante du mouvement royaliste sous la forme d'Assises permanentes dont la mission serait de produire ce corpus doctrinal. La tentative du Groupe de Liaison royaliste de 2008 a échoué, nous interdisant d'en rester là. Nous y convoquerions les pointures du droit constitutionnel qui savent organiser des pouvoirs, les exégètes de la ruine monarchique qui brideraient les emballements, des créateurs, des jeteurs d'idées, des passionnés, mais surtout des acteurs majeurs de la vie économique du pays qui aujourd'hui délaissent nos rangs, ayant peu de temps libre pour prendre le soleil du grand siècle dans des arrière-salles de café. Reste à réduire à sa plus simple expression la représentation de ces courtisans indélogeables qui comme les capricornes affaiblissent les charpentes les mieux montées... même celles des instituts.

Articuler la réflexion aux réalités de ce monde qui par bien des aspects peut nous déplaire, en méditant sur les causes de l'effondrement antérieur, serait sans doute le début d'une conversion des royalistes de la Contemplation à l'Action.

(*) Déclaration Chambord du 5 juillet 1871 dite du drapeau blanc (cf. la Sylmpedia)
- Pascal - Pensées -Sect.II, sur la vertu thérapeutique de l'action : "Pour les âmes inquiètes portées aux tourments intérieurs, l'action est le seul remède"
- Bergson au Congrès Descartes de 1937 : "Je sais qu'on peut discuter sur les rapports de l'action et de la pensée, mais la devise que je proposerais au philosophe est la plus simple de toutes et la plus cartésienne. Je dirais qu'il faut agir en homme de pensée et penser en homme d'action"
- Goethe : "Penser est facile, agir est difficile. Agir selon sa pensée est ce qu'il y a au monde de plus difficile"
- M. de Saci - Faire germer la réflexion morale sur les actes ordinaires de la vie (cf. chez Pascal l'entretien avec M. de Saci)




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