lundi 31 août 2015

De la régénérescence de la langue françoise


Avant-propos : La Route des Ruthènes Nîmes-Millau va devoir attendre, du moins tant que le défi de tracer définitivement la voie romaine sera en ligne de mire. Il y a deux vérifications à faire, celle du contournement des gorges de l'Hérault après Ganges vers le nord, qui pourrait déclasser le chemin de Cap-de-Coste (chemin gaulois des Ruthènes, devenu plus tard route royale de la Généralité de Montpellier) et l'accès au plateau du Larzac entre Arrigas et Campestre (plusieurs possibilités). Le reste est bon, même le franchissement du Tarn. Il faudra y retourner.




C'est la rentrée. Royal-Artillerie redémarre appuyé sur le génie d'autrui, à défaut d'avoir phosphoré par soi-même. Dans notre série "L'École des Pintades" voici un diamant où miroite la langue. A faire circuler chez les pédagogistes fous de la Rue de Grenelle en ces jours de Rentrée scolaire.

A l'intérieur des lois de son art, un écrivain est libre de tout inventer, à peu près comme un funambule de risquer sur sa corde les gambades les plus libres, sauf à se rompre le cou s'il tombe, ou comme un dompteur qui n'a pas d'autre limite à la fantaisie de ses jeux avec ses lions que la prudence nécessaire pour n'en être pas dévoré.

L'écu de Calonne
Les écrivains sont la conscience de la langue : ils ont pour rôle de garder tout le français vivant, d'en entretenir la richesse, sans quoi, la paresse aidant, il arrive que l'esprit tourne dans un cercle de mots toujours plus étroit. Les ressources du français sont admirablement diverses. Il n'est pas du tout nécessaire que nous confondions notre langage avec celui que nous a laissé le XVII° siècle. Ce français-là est sans doute d'une pureté admirable, et jamais on n'a, pour ainsi dire, appliqué de vitre plus transparente sur les opérations de l'esprit. Mais l'acquisition de ces qualités nous a coûté cher. Qu'on se replonge dans la langue du XVI° siècle, elle est toute à la gloire de la sensation, familière, domestique, rustique, et faite, aussi bien, pour la bataille et pour l'aventure. Notre Moyen Âge, au-delà, est encore plein de mots charmants et naturels. C'est aux écrivains à ramener dans l'usage tous ceux qui le méritent, et à empêcher ainsi, en en retrouvant d'excellents, qu'on n'en invente de monstrueux.

Lorsqu'il s'agit d'acheter, de vendre, nous ne disposons, pour nos échanges, que de la monnaie contemporaine. Qu'on imagine ce que serait si toutes celles, de bon aloi, qu'on a frappées durant notre histoire, n'avaient pas cessé d'avoir cours, si l'écu d'or et les gros tournois d'argent de saint Louis, l'agnel de Jean le Bon, l'angelot, le royal, le grand blanc et le petit blanc voisinaient dans notre bourse avec le teston de Louis XII, le louis d'or de Louis XIII, l'écu aux trois couronnes et le superbe écu de Calonne. Quel sentiment nous prendrions alors d'un présent ainsi investi par notre passé !

Ce trésor complet, cependant existe et il ne tient qu'à nous d'en user : c'est notre langage.

(Abel Bonnard, dans un brouillon de 1923 retrouvé par Luc Gendrillon)


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