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Du royalisme de combat

Les royalistes qui ne lisent pas Le Lien légitimiste perdent quelque chose. Contrairement à ce que l'on pourrait attendre du légitimisme souvent engoncé dans des habits de cour et des idées anciennes, Le Lien surprend par sa liberté de ton et surtout par son acuité dans l'observation du microcosme monarchiste. La dernière livraison (n°71) n'échappe pas au compliment. Dans un éditorial de quatre pages, Gérard de Villèle remonte pendules et bretelles pour nous démontrer à la fin que le «royalisme politique» n'existe plus. L'empathie voire l'enthousiasme manifesté par des sondages d'opinion dégageant presque un cinquième de royalistes en France (clic) croise les résultats de l'enquête du CEVIPOF (clac) révélant qu'une majorité de Français veulent en finir avec cette République de m... pour mettre un pouvoir fort, détaché des Chambres et des lobbies, capable d'assumer une direction et pour ce faire, d'écraser tout contempteur en régime de dictature provisoire à la romaine. Nous en rêvons depuis si longtemps. Y a plus qu'à ! Oui mais :

A l'approche du 11-Novembre, cela me fait penser au général de Castelnau, pourquoi ? Après la Grande Guerre, celui que l'on appelait le Capucin botté lance un mouvement catholique de reconquête de l'espace politique. On l'a vu dans son département de naissance, l'Aveyron, faire partout salle comble et d'aucun prédisait le succès, une certaine "revanche". Las ! les acclamations ne se transformèrent pas en suffrages et le composé "grand chef catholique" ne précipita jamais, parce que le paysan avait minutieusement évalué ses intérêts premiers. Villèle constate que le royalisme français d'aujourd'hui, que BVA signale à 17% de l'électorat, ne précipite pas non plus en suffrages et pis que tout en soutiens financiers. Les chapelles sont exsangues, les sébilles pleurent, les publications rament. Les royalistes ne croient pas au succès de leurs idées (les monarchistes un peu plus).

Louis de Bourbon
Est-ce faute de candidat royaliste attrayant ? Ne serait-ce pas plutôt une impossibilité génétique ? Le royaliste voudrait bien manifester dans les urnes son soutien au prince qu'il vénère mais son représentant ne lui plaît pas toujours et monseigneur ne se soumettra pas aux suffrages de la nation pour accéder, même s'il est plausible qu'il doive vite convoquer un plébiscite une fois arrivé au pouvoir pour asseoir sa légitimité (cf. l'adresse de Louis XV à la nation en cas de vacance dynastique). L'addiction anesthésiante au confort démocratique fait croire l'Etat-Providence menacé par tout dispositif d'autorité extérieur à la caste étatique, même s'il ne s'agit pas du tout de ça. Castelnau avait de l'allure, un palmarès et trois fils sous les croix blanches, mais qui paierait les trains d'amendement pour chauler le plateau du Ségala ? C'est aujourd'hui encore la réflexion des édiles "parrains" d'un candidat royaliste, confrontés aux caprices de l'échelon de pouvoir directement supérieur à eux et décideur en première instance. La nation est abrutie d'assistance et coincée dans un mille-feuille administratif du modèle tsariste qui l'aliène.

Quant à la vision dynastique du manant de base, parlons-en ! Nous entrons là le scalpel dans la fracture ouverte, la plaie saignante et gangrenée. Nous avons une querelle interminable et proprement stupide entre les maisons princières, ceux que Jean-Gilles Malliarakis appelle dans l'Insolent "la descendance du mari de la princesse Palatine, du Régent et de Philippe Égalité, etc. [qui] par haine de ses aînés, et pour l'avènement des régimes affreux dans lesquels nous croupissons, a fait plus en Europe que tous les carbonari" ; contre ceux que Yann Moix appelle dans Paris-Match "notre roi, descendant des Bourbons, branche espagnole, le duc d'Anjou, avec sa belle gueule d'acteur hollywoodien, sa royauté loge dans son sang et son royaume, dans ses rêves". Autant dire qu'on est mal barrés d'entrée !

Il apparaît finalement que la voie étroite, mais défrichée à son insu par le CEVIPOF, serait sans doute d'aider à l'avènement du dictateur romain qui, une fois les écuries d'Augias nettoyées rock-bottom, pourrait adapter la Constitution, et coiffer, s'il le veut, la couronne de France afin d'engendrer une nouvelle dynastie ! Au moins celui-là aurait prouvé quelque chose à l'échelle du pays, alors que tous les héritiers présumés des Quarante Rois sont en défaut sur ce point, n'ayant rien montré encore de leurs capacités, se contentant de surfer sur des dispositions successorales non-légalisées de dévolution d'une couronne franque que leurs aïeux ont laissé rouler au ruisseau ; ce qu'on pourrait nommer : la rente perpétuelle dynastique à zéro pour cent ! Attention : ce qui précède n'est pas la ligne éditoriale du Lien légitimiste mais un concept extravagant royalartirisé, comme ce qui suit d'ailleurs.

Jean d'Orléans
Les capacités bien ordinaires des prétendants, la faiblesse de leurs diplômes, la timidité de leurs entreprises quand ils en ont, tout se ligue pour les éconduire des allées du pouvoir qui les écraserait lors de la collision entre eux et les corps constitués de l'Etat issus des grandes écoles de la République. Question d'envergure ! Plus grave, le risque est sournois mais réel d'un décrochage des familles princières avec la nouvelle élite occidentale si la génération montante n'est pas poussée dans des études plus difficiles que celles de leurs parents. Il faut que les enfants passent des concours de premier rang pour tenter Normale Sup, Polytechnique, les Mines, les Ponts, Centrale, SupOptique, Supelec, ou faire médecine, quelque agrégation de droit public ou de mathématiques etc. Qu'ils ne nous impressionnent pas ne nous empêche pas de continuer à montrer de l'affection pour eux et leur famille et à nous plaire à les rencontrer, en souvenir d'un passé que nous n'avons pas vécu. Mais à prétendre sérieusement, ils doivent se hisser au niveau exigé par de futures circonstances ! Si nous nous battons aux premiers échelons à propager l'idée du roi avec de bien faibles moyens, ils ont aussi à se battre pour nous mériter.

D'accord, ce n'est pas tout de construire des utopies de ré-instauration par la monkisation de l'espace politique. Puisque le temps presse, nommons les "dictateurs romains" possibles. Deux seulement sortent du lot à l'heure où nous mettons sous presse (que les touristes non retenus nous pardonnent) : le général Didier Tauzin et le député Jean-Frédéric Poisson. En homme d'expérience, Gérard de Villèle a choisi le second, nous allons le suivre et le mettre en photo. Le roi est vivant, poussons Poisson ! A la Primaire de la Droite et du Centre, votez Poisson au premier tour du 20 novembre, on verra bien ensuite. Jean-Frédéric Poisson est monarchiste en plus (clic), lui qui déclarait ce tantôt à Eric Muth de Vexilla Galliæ :
Ce qui serait bienvenu en 2017, c'est un responsable politique qui se sente profondément, charnellement lié à la France, et à la tâche qu'on lui aura confié. Un responsable qui prenne la mesure des enjeux considérables que devra affronter le pays dans les prochaines décennies, et qui sorte d'une vision gestionnaire de la politique. Un homme qui soit un chef, qui ait un cap, une vision pour notre pays, et le désir de le restaurer dans sa grandeur, et dans sa souveraineté. Sinon, nous allons vers le chaos.

Jean-Frédéric Poisson


Dans ce numéro de vingt pages, il y a aussi un article très instructif de Philippe de Lacvivier sur l'imposture étatique déroulée par Hans-Hermann Hoppe et publiée ce mois-ci aux Editions du Drapeau Blanc sous le titre La Grande Fiction, l'Etat, cet imposteur (première traduction française de H3). L'article s'ouvre par une citation de Frédéric Bastiat : « L'État, c'est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde ». Et l'auteur de dénoncer l'escroquerie de l'impôt consenti (mais par qui, où et quand ?) avant d'autopsier le catholicisme officiel à l'aune des dix commandements. C'est assez épais mais captivant. Quand le lecteur reprend son souffle, il a d'autre raison de se réjouir de son abonnement : Benoît Malbranque de l'Institut Coppet fait défiler sur neuf pages le mémoire d'Arthur-Michel de Boislisle sur les grands économistes du siècle de Louis XIV, discours lu en 1875 à l'Académie des Sciences morales et politiques. Il analyse surtout Boisguilbert et Vauban pour nous raconter l'odieuse prescription du traité de la Dîme Royale qui conduira à la mort du maréchal. Dans une lettre du 21 août 1711 au Contrôleur général des Finances Desmarezt, l'infatigable Boisguilbert convoque Sully comme un grand libéral en des termes définitifs que nous ne pouvons pas ignorer :
« Il est à propos, Monseigneur, que je vous présente le ministère de M. de Sully... Vous verrez qu'il trouva la France en plus pitoyable état qu'elle ne l'est aujourd'hui, et qu'au milieu de deux guerres, il la rétablit, paya toutes les dettes et amassa trente millions d'argent quitte au roi, parce qu'il rendit les peuples riches par la protection qu'il donna au labourage et au commerce du dedans. Vous apercevrez à même temps qu'il n'eut point plus grands adversaires dans sa route que le Conseil du roi et les courtisans, jusques aux princes. Cependant, comme il eut le Maître et les peuples de son côté, il vint à la fin à bout de tout. »
Hoppe, Boisguilbert, le Lien serait-il une publication libérale ? On en parlera une autre fois. A la fin de l'article, une certaine tristesse vous saisit quand vous comprenez qu'au-delà de l'autisme de la Cour et des Finances, les hésitations du monarque enferré dans les guerres furent fatales à sa descendance. La Révolution n'était pas inéluctable si la Couronne l'avait menée elle-même ! Un roi tire le char. Derrière, il est déjà mort !

Mais sans roi au char, ça ne marche pas mieux, à preuve :
De nos jours, le narcisse blafard qui trône à l'Elysée bouchonne sur la vague des circonstances dans la politique du chien crevé au fil de l'eau. Après s'être vengé du Petit Reître en défaisant tout ce qui performait bien de son prédécesseur, il n'a su conduire aucune réforme de désincarcération de l'économie, de levée d'écrou des initiatives individuelles, refusant au succès entrepreneurial son juste bénéfice, se laissant bloquer dans un coin par tous les dinosaures syndicaux et chavéziens qui battent le pavé en plein état d'urgence, faisant fuir talents et capitaux. Résultat : un chômage honteux à l'aune européenne et la méfiance généralisé de nos voisins. Et pourtant ! Il fut jadis professeur d'économie politique à SciencesPo dans la veine libérale et livrait au Matin de Paris des chroniques économiques pas du tout jurassiques. D'où Macron, récupéré dans l'équipe de conseillers à l'Elysée parfaitement en phase avec le vrai président. Hollande était bon en amphi et au pupitre, mais au commandement, noyé dans les combinaisons et la synthèse, il n'est pas obéi. Ses idées sociales-démocrates sont assumées de longtemps sur le plan intellectuel mais inapplicables par le canal présidentiel aussi bouché que les tinettes de Solférino. Macron est donc parti. Hollande voudrait bien nous faire croire qu'il navigue mais il est déjà perdu car les Français ont perdu confiance. Terrible sondage qui lui donne 4% de popularité ! Même Pétain parvenu à la frontière suisse en 1945 devait faire plus ! Et Monsieur Sapir de l'EHESS mais aussi de l'Ecole Economique de Moscou n'hésite pas à l'inhumer politiquement à six pieds sous terre, en tapant la tombe du plat de la pelle pour bien égaliser, dans un pamphlet au napalm inimaginable il y a un an encore dont on prendra connaissance par ici. C'était une digression induite par le livre incendiaire de Davet et Lhomme. Revenons à nos moutons.

Dans ce numéro 71, Gabriel Privat part de la Dîme royale de Vauban pour s'installer à Quimper où il va décortiquer nos taux d'imposition parmi les plus élevés du monde, qui aboutissent à une addiction à l'assistanat habilement liée à la pression fiscale. Le système est vicieux, on le savait mais il l'explique si bien qu'on se croirait intelligent.
En refermant le journal on fait la connaissance de Claude Giry (1942-2016), un ami de Guy Augé, décédé au mois d'août, qui fut un des fidèles d'entre les fidèles du légitimisme...

Voilà ! Lisez le Lien légitimiste. On ne peut prétexter l'insuffisance de ressources pour éviter l'abonnement : dix euros, la version électronique livrée dans votre boîte à courriels. Trente euros, le bimestriel papier dans votre boîte à lettres.


LE LIEN LEGITIMISTE
2 Le Petit-Prix
37240 La Chapelle Blanche Saint-Martin



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[ Prochain billet le 11 novembre 2016 ]

Commentaires

  1. Pris bonne note de cette publication qui est sans doute intéressante mais qui va s’ajouter à d’autres qui ne le sont pas moins.

    Je dois avouer ne pas avoir totalement saisi votre raisonnement qui va de Louis de Bourbon à Jean-Frédéric Poisson en passant par Jean d’Orléans. En fait, je crois que le problème du royalisme est qu’il reste une mouvance et ne parvient pas à devenir un mouvement.

    La situation politique du royalisme est pitoyable. On nous propose un roi entre un banquier espagnol qui vient occasionnellement en France et un vieillard sénile, franc-maçon, qui a décidé d’écarter son fils cadet de sa propre succession au profit d’un handicapé.

    Entre légitimistes et orléanistes se poursuit une vieille querelle juridique rampante où on fait valoir le traité d’Utrecht et la loi de primogéniture mâle dont tout le monde se fout éperdument. De plus, les différents mouvements monarchistes sont certes actifs mais dispersés.

    Mais le plus grave est qu’il n’y a pas de projet politique. La première chose serait de soutenir un seul prince en âge de régner, de nationalité française, catholique et désireux de tenter sa chance. La deuxième serait de préparer une offre constitutionnelle aux Français car une restauration ne saurait s’appuyer sur la constitution de la Vè République.

    Bref, la période est très favorable au retour de la monarchie mais rien n’est prêt pour ce faire ; nous allons passer à côté de l’Histoire.

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    1. Le député Poisson est le seul candidat monarchiste ayant accédé aux étranges lucarnes. On ne va pas faire les difficiles, même si l'Alliance royale promeut M. de Prévoisin, illustre inconnu méritant.
      Il ne s'agit encore que d'ensemencer l'opinion à l'idée du roi. Patiemment, par tous moyens, sans appréhensions, il en restera bien quelque chose à la fin.

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  2. Au débat de la Primaire de la Droite et du Centre (hier soir sur BFMTV, iTélé et RMC), deux candidats se sont détachés du lot par la clarté de leurs propositions et plus généralement de leur sérénité sous l'orage : François Fillon et Jean-Frédéric Poisson. Dommage que celui-ci ait cru bon de faire par deux fois le chemin de Damas, il eut été mieux inspiré de faire celui de Compostelle.
    Mais tout se jouera le 20 novembre dans un mouchoir entre Alain Juppé, Nicolas Sarkozy et François Fillon. S'il fallait jouer gros gain à la cote, je pronostiquerais le troisième.

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