lundi 28 novembre 2016

La Réforme impossible


On ne discutera pas ici de la pertinence des réformes proposées par la Droite républicaine, qu'elles viennent de l'équipe de M. Fillon ou de celle de M. Juppé - ce sont les mêmes aux 9/10è. Mais si le mal français est bien l'étatisation à outrance qui plombe le génie de ce peuple et sa créativité native, on doit considérer que le mammouth est devenu énorme et bien malin qui le tuera. Avec cinquante-sept pour cent de captation de la richesse produite, l'État est devenu invincible ; et si l'on ajoute les monopoles socialistes de production que sont l'EDF, la SNCF et d'autres, on voit la République parfaitement installée pour continuer à exploiter la nation sur laquelle elle se vautre, énorme.

Il serait vraiment étonnant qu'un peuple aussi immature en démocratie que le peuple français¹ parvienne à réformer son système par la voie démocratique. A vrai dire, ce n'est jamais arrivé de toute son histoire ! La dernière réforme tentée en période de paix intervint à la fin du règne de Louis XV, quand le roi eut compris que sous ses ors impeccables le régime courait à sa ruine au milieu des injustices et dans un foutoir unique au monde. De grands esprits comme Vauban avaient signalé les désordres du royaume. Son successeur Louis XVI, peu attiré par la politique (son frère d'Artois lui ressemblera en Charles X), se laissa convaincre d'effacer le dangereux progrès pour renouer avec les privilèges antérieurs, on sait comment tout cela a fini. La Constituante de 1789 n'eut qu'à ouvrir les tiroirs de Calonne et Maupéou, tout ou presque était là. Ensuite la France se réformera à chaque rupture de paradigme. C'est Brumaire, la Restauration, les Trois Glorieuses, la Révolution de 1848, Sedan, Le Front Populaire, Pétain, Le Putsch d'Alger etc... Une seule période fait exception, la première décennie du XXè siècle appelée aussi La Belle Epoque où la IIIè Républque réformera beaucoup. Alors bon courage monsieur Fillon.

S'il n'a au moment nulle opposition sérieuse, elle va bien finir par coaguler d'ici l'été 2017, et c'est bien naïf de sa part de croire à l'adoubement démocratique d'une élection présidentielle gagnée, pour imaginer que ses oppositions vont se taire ensuite au seul motif de la "volonté exprimée par le peuple". La France connaît des troisième et quatrième tours jusqu'à l'émeute parfois, les centrales syndicales et les groupes d'agitateurs professionnels n'ayant cure de la démocratie, juste bonne pour les moutons. Il suffit d'entendre M. Martinez refuser par avance tout résultat qui lui déplaira !

M. Fillon a fait le tour de France des réalités avant de construire son programme de réformes. Cette démarche nous montre aussi que jusque là M. Fillon ne vivait pas dans les réalités². La guerre est un art simple, tout d'exécution, disait Bonaparte. Il est moins important de connaître à fond ses dossiers que de commander "l'ouverture du feu" au bon moment ! A tout vous dire, je n'y crois pas pour cent raisons que je développerai ailleurs bientôt.

(1) Dans ce pays gaulois, tous les scrutins doivent être trafiqués à l'avance pour obtenir une majorité de gouvernement
(2) Effectivement il a une carrière d'apparatchik (CV)

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mercredi 23 novembre 2016

Trois réformes-mères


L'heure est à la campagne présidentielle, l'heure est à la réforme, comme chaque fois depuis, depuis... depuis 1848. Relire les bons auteurs de l'époque. La liste est longue chez ce pays empêtré dans un soviétisme que tous ses voisins ont abandonné et nous vous en ferons grâce, mais il est trois réformes, décisives pour mettre en œuvre toutes les autres, les voici en version courte :


I.- Séparation du Parlement et de l'État

L'État est ici l'administration du territoire et des peuples. En attendant qu'un roi simplifie l'épure constitutionnelle, le parlement est souverain en ce qu'il porte l'expression de la Nation. Il n'est pas logique que le parlement soit investi par les corps constitués publics, intermédiaires voire élémentaires, chargés de mettre en œuvre la politique de la Nation. Ils ne peuvent décider d'un côté et exécuter de l'autre. La pénétration de la fonction publique dans les rouages parlementaires est une absurdité dont s'est protégée la Grande Bretagne par exemple¹.

L'inégibilité des fonctionnaires cessera leur pression au parlement et permettra d'ouvrir la voie à la réduction du périmètre de l'État contre laquelle ils se battent becs et ongles. Comparé à nos partenaires de l'OCDE, nous avons 1,6 million de surnuméraires (source). Réduisons le périmètre pour réduire les effectifs (et pas l'inverse). On peut le faire en plus ou moins vingt ans.

La défense réglementaire du fonctionnaire est de se planquer derrière le travail pénible des infirmières sinon dangereux comme celui des policiers ou des pompiers, mais nous n'avons pas cinq millions d'agents de ces catégories². Revenons au régalien et tout le monde comprendra.


II.- Séparation des syndicats professionnels et des finances publiques

Les syndicats professionnels ouvriers et patronaux ne doivent pouvoir compter que sur les cotisations de leurs adhérents, ce qui est la première motivation pour en défendre les intérêts propres. Ceci ne veut pas dire qu'il faut pétrifier leur influence à la masse des cotisations actuelles. Dans la mesure où certains services aujourd'hui "publics" seront reversés aux partenaires sociaux responsables, la masse d'adhérents augmentera forcément pour simplement couvrir les besoins de tout un chacun.

Le tarissement des subventions publiques changera carrément le programme de défense des intérêts catégoriels qui resteront différents des intérêts généraux que les centrales syndicales amalgament pour accroître leur niveau de tapage. On passera du parasitarisme au paritarisme vrai.


III.- Etablissement d'une retraite équitable universelle par points

L'euro cotisé doit avoir la même valeur pour tous. Les régimes de pensions publiques et privées doivent être fusionnés pour aboutir à un régime unique. Le système par points permet ensuite d'arrêter les régimes spéciaux qui sont une vraie gangrène sur la cohésion nationale tant les disparités sont grandes.

La caisse unique par points supprimera naturellement les nombreuses caisses complémentaires et de substitution qui vivent dans le désordre et leur déficit perpétuel. Le futur statut de la caisse unique pourrait être apparenté à celui de la Banque de France pour y interdire les doigts crochus de l'État qui viendrait y calmer le prurit de son impéritie.

Les cotisations privées à des fonds de pension resteront du domaine personnel mais il ne sera pas question de les défiscaliser car cela amoindrirait la mise au pot commun.


Montesquieu


Voilà donc trois réformes-mères sans lesquelles aucune autre n'aboutira sauf à écraser l'émeute sous les chenilles des chars. Dans le fatras des propositions de la Droite et du Centre, on ne distingue pas de priorités ; on y exacerbe plutôt les dérives sociétales et politiciennes à croire qu'après les derniers coups de menton rien ne changera vraiment sauf l'habillage. François Fillon fait du Sarkozy-2007 et Alain Juppé du Chirac-1995. Pschitt citron et Pschitt orange.



Notes :
(1) Au Royaume-Uni les fonctionnaires de l'étage régalien sont barrés du Parlement. Le fonctionnaire étant réputé démissionnaire avant même d'avoir fait acte de candidature, la notion de décharge d'activité pour exercer un mandat électif est inconnue du droit britannique (source).
(2) Exemple de surnuméraire entre mille: Je connais une ville qui distribue des sacs poubelles une fois l'an à tous les foyers de la commune. Et il y a un bureau spécial, séparé des services administratifs et des services techniques de la municipalité, auquel on va pour prendre des sacs supplémentaires si besoin est ou quand on vient d'arriver. Ce bureau tient un registre de tous les foyers inclus dans les tournées de distribution avec le nombre de sacs livrés. Y sont employés deux agents municipaux à plein temps (pour assurer la permanence en cas de congés annuels, maladie ou imprévus) et l'affluence est si mince que vous n'y ferez jamais la queue et n'y verrez jamais personne entrer derrière vous même si vous restez longtemps. Pourquoi ?

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lundi 21 novembre 2016

Collusion dynastique sans gravité



Bombardé de commentaires plus avisés les uns que les autres sur la primaire de la Droite et du Centre, le Piéton du roi s'est replié ce lundi dans le microcosme royaliste, hélas pour un billet d'aigreurs. Une messe de requiem commémorant la mort du roi de France et de Navarre Charles X (1757-1836) avait été annoncée pour samedi dernier à Paris. J'ose croire qu'au dernier moment l'invité de marque à ce Requiem se sera abstenu, son blog officiel et ceux de ses thuriféraires ne faisant aucun écho à cette cérémonie, on peut penser que oui.

Se revendiquer l'héritier des rois de France jusqu'à "capter" le souvenir du dernier roi régnant que son propre aïeul a exilé¹ avant que d'en détruire la couronne et de condamner toute la famille à la mort civile, n'aurait pas été avisé. Le Piéton avait prévu de faire un saut samedi jusqu'à l'église de Saint-Germain-l'Auxerrois pour admirer la nouvelle chevalerie de Mgr le Duc de France, mais des circonstances particulières à la Primaire de la Droite et du Centre l'en ont privé. Comtes en attente, altesse vénitienne et vicomtes de fantaisie sous les lourdes capes de l'Ancien Ordre royal de l’Étoile et de Notre-Dame du Mont Carmel, avançant vers l'autel fumant d'une église vide, nous auraient offert le matériau d'un nouvel épisode des Mystères de la Crypte et un très bon moment d'encens. Car c'est cet ordre, récemment retrouvé dans les galetas de l'histoire, qui organisait l'événement dans la perspective de faire venir à Saint-Denis les cendres du dernier roi de France sacré. Un site Web a même été créé pour ce projet (ici) et cette fois, légitimistes et orléanistes chevauchent ensemble la chimère avec le renfort de républicains bon teint qui aimeraient se voir un jour sur la photo.

Que cela puisse occuper une colonne dans la rubrique Kaamelott de la presse de province est autant de pris gratuitement sur la grisaille des jours, mais à part le "mini-buzz" qui a du mal à démarrer, souvenons-nous que Charles X n'avait pas voulu de rapatriement du cercueil. Il repose en Slovénie au milieu des siens², gardés par les moines franciscains de Kostanjevica qui lui disent sa messe de requiem chaque année dans une dignité impeccable. Qu'on l'y laisse en paix jusqu'au jour du Jugement Dernier qui lui rendra raison de ses archaïsmes et de ses rigidités. Quant à capitaliser sur cet exil, nous dirons avec le bon sens populaire que nul n'hérite d'un crime et ne peut donc transmettre.

 


Le Roi est Mort, Soufflez les Cierges



Notes
(1) On fera son profit du récit de la route Rambouillet-Cherbourg vers l'exil en cliquant ici ou .

(2): Sont déposés dans la crypte du couvent de Castagnavizza six tombeaux : le roi Charles X ☦1836, son fils Louis-Antoine d'Artois ☦1844 et son épouse Marie-Thérèse de France ☦1851, fille aînée de Louis XVI et Marie-Antoinette, Louise d'Artois ☦1864, duchesse de Parme et sœur du duc de Bordeaux, Henri (V) d'Artois ☦1883, et son épouse Marie-Thérèse de Modène ☦1886, archiduchesse d'Autriche-Este


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Postscriptum du 20.02.2017
Depuis la crypte, l'aîné des Capétiens, Louis-Alphonse de Bourbon, cesse la mascarade du retour des cendres de Charles X et confirme aux autorités locales que les derniers Bourbons demeureront en paix en Slovénie comme ils l'ont toujours souhaité (article de SIOL) et (traduction de VG).

lundi 14 novembre 2016

Atlantic City Trump



De son premier voyage aux États-Unis d'Amérique, Winston Churchill avait ramassé ses impressions dans une formule rapide : La barbarie éclairée au gaz ! C'est ce que nous servent en d'autres termes les médiats français pour s'offusquer de l'élection de Donald Trump à la Maison Blanche. Et pourtant, le connaissent-ils ou font-ils semblant de l'ignorer ? N'étant pas de son cercle d'amis intimes, je n'exclus aucune foucade de Donald le barbare d'ici au 20 janvier 2017. Mais au moins il bosse comme un fou. La légende dit qu'il ne dort que quatre heures par nuit et se lève avant l'aube pour dévorer la presse. Puis il dirige ses propres affaires et gagnent ses millions à lui... en famille, bien qu'il ne soit ni juif, ni sicilien. Il est (était) reçu dans toute la bonne société de New York pour son entregent, sa franchise vulgaire, son exposition médiatique - il paraissait dans une émission de télédivertissement - et bien sûr, sa fortune. L'article que lui consacre la Wikipedia est particulièrement copieux. Son intrusion dans la campagne républicaine n'offusqua que les concurrents obligatoires du Great Old Party, plus par le crime de lèse-majesté - ce type n'était pas même sénateur - que par le ton de son programme rhétorique décapé à l'acide qui ne choquait que les rosières.

D'ascendance rhénane et fils d'une mère écossaise, celui que nous ne connaissons pas est par contre connu de la middle class américaine, un peu comme, toutes proportions gardées, Bernard Tapie chez nous. On le sait grand bosseur, un peu plouc, le schpountz en tuxedo, ne devant sa fortune qu'à lui-même et presbytérien du dimanche aussi. Un type qui s'arrache, ça veut dire beaucoup dans le Midwest. Regardez la carte par comtés ci-dessous. Joe-Six-Pack aime Trump ! On n'imagine pas les scores que feraient aux Etats-Unis les chefs de rayon de la classe politique française payés au mois, qui seraient considérés comme des fonctionnaires communistes, infoutus de créer quoi que ce soit de leurs dix doigts sans le renfort d'un salaire. Après le prytanée militaire, Donald fit une école commerciale à l'Université de Pensylvanie et, comme dans la Bible, reçut les Cinq Talents de son père pour les transformer en tas d'or. Ses insultes médiatisées, ses gestes agaçants, ses exagérations ciblées ont été mises au compte du sketch de campagne, seuls les journaux prirent cela pour argent comptant, croyant aussi que ça le desservirait. Les électeurs de l'Amérique profonde, de toutes races et conditions, ne s'y trompèrent pas...
Et Trump marcha sur l'eau.


La victoire du tycoon newyorkais impacte directement l'Europe occidentale et orientale par le chapitre "défense" de nos relations inextricables parce qu'il a parlé de ça juste après l'histoire du mur mexicain. En fait, TAFTA, accords d'infrastructures, droit maritime, Interpol, NSA, tout va pivoter autour de ce chapitre. Lors d'un meeting à Issy-les-Moulineaux samedi dernier, Jean-Frédéric Poisson ne s'y est pas trompé qui a soutenu que l'élection de Trump à la Maison Blanche signait la reprise en charge de nos intérêts propres par nous-mêmes. En effet, Donald Trump sort de la veine traditionnelle du Parti républicain qui cherche depuis longtemps à rééquilibrer droits et devoirs au sein de l'Alliance atlantique, comprenez : dans la répartition des efforts budgétaires. C'est une antienne sénatoriale que de faire payer l'Europe qui se vautre dans le "socialisme déficitaire" aux frais des contribuables américains qui les protègent. Ils n'ont pas tout à fait tort, le parapluie atlantique leur coûte cher, et ils s'estiment peu payés en retour, surtout quand ils essuient des refus de soutien en cascade comme dans l'affaire d'Irak en 2003. Rappelons qu'alors, le pays-hôte des quartiers généraux atlantiques (la Belgique), l'entrepôt logistique et sanitaire (l'Allemagne), l'allié historique (la France), le voisin de confiance (le Canada) et la position avancée sur la zone d'effort (la Turquie) avec quelques autres, ont tous refusé de participer à la guerre de destruction du régime de Saddam Hussein (à des motifs tous différents), signalant ce faisant que la participation à l'OTAN n'était pas un sujétion à sa politique étrangère comme le clament en France ses adversaires hystérisés. En passant, Trump a la même volonté de partage des frais avec le Japon et la Corée du Sud.

On attend avec impatience le nom du Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, lui qui devra mettre en mouvement les planètes de la diplomatie mondiale. Il y a deux soleils et une planète froide : La Chine, les Etats-Unis et la Fédération de Russie. Les effets de cette mise en mouvement sur l'Europe émiettée ne seront que la conséquence du partage du nouveau ciel qui déjà l'exclue. Ce sera donc à l'Europe, à défaut, aux trois grands pays du barycentre européen, de prendre en compte pour elle-même et après-coup, les cartes jetées sur la table par les trois joueurs précités. Elle, ne blindera pas sauf dans l'hypothèse peu probable d'une parité budgétaire des efforts militaires de part et d'autre de l'océan qui est hors de portée des majorités actuelles aux affaires, nonobstant l'absence de tout leader européen pour longtemps.

A choisir un scénario assez crédible, ce serait celui de la finlandisation. Quatre pays européens sont déjà finlandisés (Autriche, Finlande, Suède et Suisse) qui s'en portent très bien parce que leurs voisins ne le sont pas. L'accord peut intervenir entre Trump et Poutine de faire baisser la pression aux frontières russes en échange de la non-intervention de l'Union européenne sur les pays au contact, doublé d'un arrêt définitif de la marche à l'est de l'OTAN. L'Union européenne, déjà inexistante es-qualité au plan diplomatique, serait dès lors finlandisée et sa diplomatie dirigée depuis Washington. L'OTAN continuera donc, mais comme garde-chiourme de la Commission européenne qui fera où on lui dira de faire.

Le schéma moins probable mais pas impossible non plus est l'éclatement de l'Alliance atlantique suite à des renversements de majorité dans certains pays. Dès le moment où l'Alliance militaire éclaterait, ses quatre piliers européens ne compteront chacun que sur eux-mêmes. La Grande Bretagne assumera son destin atlantique et se protégera du continent ébulliant en rejoignant le dispositif américain (comme le Canada) - le Brexit va l'y aider ; l'Allemagne musclera sa sécurité intérieure et protégera ses marches orientales par un pacifisme actif - en fait, elle entrera en négociations industrielles partout où elle se sentira menacée ; l'Italie, pays charnière entre les deux méditerranées, tentera de prendre le contrôle économique de la rive sud de la mer, de la même façon que l'Allemagne le fera du glacis oriental ; et la France ?

SNLE

Au moment du grand marchandage (2017-2019), la diplomatie de la France sera dirigée par Alain Juppé, Marine Le Pen, François Fillon ou Nicolas Sarkozy puisque cette fonction est du domaine réservé : aucun n'a émis un message clair sur la question diplomatique, hormis les célébrations d'usage, postures avantageuses et mises en garde habituelles. Il n'y a aucun plan et il n'y a pas de sous non plus. Sauf à dynamiter l'Etat-providence, déporter deux millions de fonctionnaires surnuméraires aux Kerguelen, écraser l'émeute sous les chenilles et rebâtir sur les ruines fumantes du socialisme à compte d'autrui, on ne distraira pas les ressources financières nécessaires. Or la sécurité de la France est la plus complexe du continent parce que le pays est ouvert sur quatre mers et subit la fameuse béance du nord-est par où tout le monde l'envahit depuis toujours (sauf les Wisigoths). La France seule aura beaucoup de mal à continuer d'exister pendant la transition jusqu'au temps de stabilisation planétaire qui suivra. C'est sans doute dans cette configuration d'une France faible et isolée que la force de dissuasion est la plus pertinente : Nous avons peu de moyens à vous opposer mais si vos menaces s'exécutent nous nous suiciderons avec vous ! Tout autre slogan est ridicule. En attendant l'apocalypse, il nous faudra tenir nos côtes, nos montagnes (on peut collaborer avec nos voisins alpins et pyrénéens) le Rhin et la grande plaine du nord... C'est beaucoup pour un pays qui se goinfre aux subsides sociaux.

Sortir le groupe aéronaval de la nasse méditerranéenne, accroître en nombre et disperser nos sous-marins nucléaires dans la profondeur stratégique (2); armer trois flottes de garde-côtes dignes de ce nom ; déployer des moyens modernes de surveillance des frontières terrestres ; durcir la pugnacité de nos armées de terre et de l'air en réduisant les taux d'indisponibilité de matériel éprouvés et augmenter les manœuvres militaires du corps d'armée ; et surtout garder et défendre nos ZEE (zones économiques exclusives maritimes) qui sont le patrimoine des générations montantes, convoquera des crédits importants. Le but à atteindre est unique et suffisant : faire peur ! L'OTAN y parvient parfaitement à entendre les hurlements du monde russe et ses relais infiltrés en France. Restera à mesurer nos efforts sur notre première zone d'intérêts, l'Afrique. Tout cela ne se fera pas avec la politique du hamac et les retraites du Club Med.

En résumé, le Burden Sharing dont va nous parler matin et soir la nouvelle administration américaine va impacter directement notre insouciance et notre mode de vie d'un autre âge. Je pense que la jeunesse le comprendra mieux que ses aînés, intoxiqués à mort au socialisme en intraveineuses.


(1) Pour mémoire nous listons les dépenses militaires en poucentage des PIB 1988 et 2015 (source SIPRI Stockholm) des pays significatifs pour ce billet de Royal-Artillerie :
- Autriche 1,3% et 0,7%
- Belgique 2,5% et 0,9%
- Bulgarie nc. et 1,3%
- Canada 2,0% et 1,0%
- Danemark 2,0% et 1,2%
- Croatie nc. et 1,5%
- Tchéquie nc. et 1,0%
- Estonie nc. et 2,0%
- Finlande 1,6% et 1,3%
- France 3,5% et 2,1%
- Allemagne 2,5% et 1,2%
- Grèce 3,6% et 2,6%
- Hongrie nc. et 0,8%
- Italie 2,2% et 1,3%
- Lettonie nc. et 1,1%
- Lituanie nc. et 1,1%
- Luxembourg 0,9 % et 0,5%
- Montenegro nc. et 1,6%
- Pays-Bas 2,6% et 1,2%
- Norvège 2,8% et 1,5%
- Roumanie 4,2% et 1,4%
- Russie nc. et 5,0%
- Serbie nc. et 2,0%
- Slovénie nc. et 1,0%
- Espagne 2,4% et 1,2%
- Suisse 1,6% et 0,7%
- Suède 2,4% et 1,1%
- Royaume-Uni 3,8% et 1,9%
- Etats-Unis 5,6% et 3,3%
- Monde entier 3,4% et 2,3%
- Union européenne 2,8% et 1,5%
NB : La chute du Mur de Berlin est passée par là entretemps.

(2) Cela n'est pas sans conséquence sur le mode d'emploi des personnels navigants qui actuellement bride les déploiements.
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vendredi 11 novembre 2016

Témoin de l'enfer

Chaque année, au mois de novembre, le Piéton du roi lit ou relit un ouvrage sur la Grande Guerre en souvenir de ses grand-pères qui la firent et en revinrent, l'un comme infirmier, l'autre comme chasseur alpin (au 7). J'ai connu d'autres anciens combattants de 14-18 dans la famille et j'ai retenu des récits qu'il fallait leur arracher, l'étroitesse de la vision qu'ils en avaient rapportée. La guerre les dépassait et continuait à les dépasser après qu'ils en eurent franchi le terme par un hasard extraordinaire, seuls restaient les souvenirs de l'effroi, l'horreur et la camaraderie, le séisme des pilonnages, l'extermination de compagnies entières en une ou deux nuits, les salles immenses de blessés et mourants, le concert ininterrompu des gémissements de douleurs. On n'imagine pas ! Cette année, j'ai lu les mémoires d'un simple soldat des transmissions au 162è RI de Verdun. Il écrit bien. C'est un étudiant en médecine de Bordeaux, mobilisé dans l'infanterie qui manquait de "chair". La guerre est vue de la même façon, comme à travers une meurtrière très fine qui ne permettrait de ne voir qu'un angle étroit de l'espace et ce pour une raison technique assez simple : toute la pose des lignes de communications devait se faire de nuit à peine de déclencher un barrage d'artillerie destiné à les couper. Le jour, l'escouade s'enfouissait en espérant que rien ne tombe pile sur le poste, ce qui arrivait malgré tout. La nuit, on travaillait dans la terreur. Pas le temps de prendre du recul sur la stratégie de la guerre !

Les livres de combattants racontent tous les mêmes scènes de la vie quotidienne : l'alimentation difficile, les marches de nuit, les gaz, la soif, le courrier, les bombardements, les assauts, les cadavres pourris, les blessures, les copains morts, les rats, les ordres pas toujours compréhensibles. Quatre faits font exception à cette routine dans les mémoires du simple soldat¹ :

(i) Le colonel commandant le cent-six-deux, qui tout seul et par deux fois mate la révolte de ses troupes en juin 1917 ;
(ii) La saleté repoussante des abris et tranchées allemandes reprises, et en 1918 l'abandon systématique de matériel et armement par les Boches qui retraitent volontairement, signalant un effondrement moral des armées impériales ;
(iii) Le travail de formation d'unités américaines composées de bleus que les Poilus appelaient "les Sioux", qui suscitaient un immense respect pour avoir traversé l'océan afin de défendre une terre qui n'était pas la leur ;
(iv) Le renfort décisif des tirailleurs sénégalais à la bataille du Matz (29è BTS, Compiègne, juin 1918) qui colmatent la brèche ouverte par les Boches dans les lignes du 162è, du 66è et du 32è RI, donnant l'assaut à la baïonnette sur deux cents mètres et sauvant les meubles.


Nous allons finir sur l'engagement des Sioux entre Meuse et Moselle à Flirey en mai 1918. Le 162 et le 151è RI sont montés de Toul pour relever un régiment de zouaves de la Division marocaine qui a fait un carnage dans les rangs ennemis. Les accompagnent des régiments de la 26è "Yankee" Divison du Massachussets qui ont fini leur instruction et ont été exposés au feu pour une première fois au Bois Brûlé de la forêt d'Apremont et à Seicheprey. Laissons parler Cuvier qui relate ses souvenirs sans pathos commercial (p.158):

Les Boches ont voulu "tâter" les Américains et connaître leur valeur exacte. Une forte attaque par des stosstruppen³ s'est déclanchée de nuit, sur notre gauche, après un fort marmitage. Les heures d'écoute à l'ampli, où parviennent toutes les conversations téléphoniques du secteur, sont très édifiantes. Dès la première alerte, le général américain appelle le colonel Bertrand. Dans son français spécial, il lui tient en substance ce langage : « Nous sommes vos élèves, nous agissons sous votre direction, vous pouvez compter sur nous pour tenir ». En effet, les premières lignes sont emportées, mais les secondes résistent et, en fin de compte l'ennemi est arrêté. Le lendemain notre Bataillon de réserve part à la contre-attaque, reprenant le terrain perdu. Les Boches tentent de « remettre ça », mais la surprise passée, les Sioux se cramponnent, et peu à peu le secteur redevient calme. Des téléphonistes qui travaillèrent dans la zone du combat, ont vu le bled parsemé d'Américains tués, la baïonnette au canon de leur fusil, témoignant de leur résistance et de leur courage.



Le soldat Cuvier termine ses mémoires par une prière de Louis Mercier² avec laquelle nous finirons aussi, avant de nous retirer sur la pointe des pieds ; ils sont tous morts maintenant, ou presque tant que vivront ceux qui les ont connus, puis à notre propre mort, ils entreront dans l'histoire, la grande, celle qui fait les géants !

Seigneur, nous vous prions pour ceux d'entre nos frères
Qui sont vivants ce soir et seront morts demain.
Donnez à leur départ le temps d'une prière
Et prenez doucement leurs âmes dans vos mains.




(1) La Guerre sans galon de Georges Cuvier aux Editions du Combattant, Paris
(2) Prières de la tranchée de Louis Mercier à la Librairie Lardanchet, Lyon 1917 (clic)
(3) Bataillons de choc allemands
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