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2018

2018 ! Pour changer un peu des gamineries coûteuses de la campagne électorale, il n'est pas interdit de se projeter un an en avant et d'anticiper certains changements tout à fait plausibles sur notre zone d'effort : l'Europe. L'époque est aux ruptures et révolutions : voici celles qui pourraient compter, la première étant acquise :

1.- Stabilisation de la diplomatie de l'Administration américaine de Donald Trump
2.- Présidence française de Marine Le Pen
3.- Chancelier allemand : Martin Schulz
4.- Chef de l'opposition néerlandaise : Geert Wilders
5.- Brexit achevé en avance

La mise en mouvement de cette Europe nouvelle est déclenchée par un pion qui saute au jeu de dames : Vladimir Poutine rejoue en Estonie la comédie du Donbass. Ce scénario est celui retenu par James Kirchick dans son bouquin The End of Europe: Dictators, Demagogues, and the Coming Dark Age (Yale 2017 - clic). Mais la fiction qui suit est bien du Royal-Artillerie pur jus. Auparavant il convient de justifier rapidement la crédibilité des hypothèses ci-dessus.

(1) [US] Après quelques semaines d'errements destinés à satisfaire l'appétit de bon sens du Commander-in-Chief Trump, l'impétrant a accepté l'analyse d'Ivanka qui l'a convaincu que les affaires étrangères étaient un registre compliqué et passablement chiant, et qu'il était bien plus excitant de s'occuper des travaux publics américains avec les visites de chantiers en casque rouge et les inaugurations de nouveaux ponts ! Exxon a repris en main la diplomatie US de manière classique.

(2) [FR] L'écœurement des Français a conduit beaucoup d'entre eux à s'abstenir de participer à la mascarade électorale, ce qui proportionnellement a favorisé la candidate du Front national dont les militants et sympathisants se sont rués en masse aux isoloirs. Marine Le Pen est passée à 50,25%, ce qui est suffisant. Les législatives de juin 2017 n'ont amené aucune majorité au Palais Bourbon, les coalitions se font et défont mais le domaine réservé - guerre et diplomatie - est plus que jamais au-dessus de la mêlée politique. Les caisses sont pleines d'assignats depuis que l'euromark a été interdit de circulation en France. le pays est devenu très vénézuélien finalement.

(3) [DE] La démagogie du caméléon Schulz a vaincu la sobriété d'Angela Merkel. Le peuple allemand a voulu une période de récréation et s'est éloigné de la logique de père fouettard de l'Europe des cigales. Au fur et à mesure de la dégradation des comptes publics, la société allemande respire de mieux en mieux, qui a retrouvé l'esprit de fête débridée comme aux derniers jours de Sodome et Gomorrhe au grand dam de l'âme rhénane pesante et tristement économe. Comme aux Etats-Unis, le peuple allemand s'est recentré sur lui-même sous la devise du Vivre et laisser mourir... les autres. Les nuits de cristal ont découragé l'immigration.

(4) [NL] Le Batave peroxydé a raté de peu les élections de 2017 mais comme en France, aucune majorité n'a pu être constituée durablement à la Chambre, renforçant le pouvoir de blocage du Parti Pour la Liberté. Toute la politique étrangère des Pays-Bas est prise en otage par les nationalistes. La Turquie avait essuyé un premier revers d'importance en mars 2016, c'est l'Arabie séoudite la vedette de l'année. Avec le renfort des Flandres belges, c'est toute la côte orientale de la Mer du Nord qui est devenue maintenant patriote, de Dunkerque à Amsterdam.

(5) [UK] Theresa May a terminé le processus de largage. Elle n'a eu aucun mal à signer des accords de libre-échange avec tous les acteurs économiques importants dans le monde à commencer par la Chine qui a mis beaucoup de billes dans l'ingénierie financière de la City. L'Europe continentale a finalement suivi en accordant au Royaume-Uni un statut à mi-chemin entre celui de la Turquie et celui de la Norvège, dès le mois suivant le départ à la retraite de Jean-Claude Juncker. L'effondrement de la livre sterling a créé de nouvelles activités comme jadis en Irlande du Sud. L'euromark reste une monnaie qui s'échange à la bourse comme dans la rue.

C'est alors que deux cents camions sans plaques d'immatriculation sont entrés dans Narva (Estonie), portant une infanterie sans insignes qui a pris tout le monde de court et la radio. Il est 20 heures, vendredi.


Les insurgés proclament à la radio vouloir libérer l'Estonie russophone de la colonisation et protéger la communauté russe mise en grave danger par les politiques revanchardes de l'Union européenne. Le Kremlin vient de diffuser un communiqué dans lequel le Premier ministre assure n'y être pour rien et condamne l'invasion perpétrée à son insu.
Des observateurs soi-disant neutres qui normalement pointent au payroll de l'OSCE, tweetent que viennent d'entrer dans Vasknarva sur la rive nord du lac Peipus deux douzaines d'obusiers de 152mm tractés derrière des camions sans marques. On aperçoit au loin des colonnes d'infanterie portée convergeant vers le lac. Le ministre russe des affaires étrangères avoue n'y rien comprendre et soupçonne une déstabilisation des peuples de la côte balte par des médiats occidentaux apparemment informés chaque fois les premiers.
Les insurgés viennent de déclarer que la libération du district russe jusqu'au fleuve Kunda était en cours, les rebelles venant d'entrer dans la capitale régionale, Kohtla-Järve. Toutes les rues sont pavoisées de drapeaux russes.

Le gouvernement de Tallinn projette ses troupes sur la rive gauche du fleuve et demande au SHAPE de Mons que soit déclenché l'article 5 de la Charte atlantique. SHAPE demande au Pentagone une couverture satellitaire de la Baltique sous six heures. Norfolk est avisé, AFCENT à Brussum mis en alerte ; on démarre les stations de pompage pour compléter les pleins de kérozène des cuves des aérodromes avancés. De son propre chef, la Bundeswehr en fait autant pour le F54 de l'armée blindée. La brigade américaine en Pologne rappelle ses permissionnaires et vérifie ses soutes. Rien ne peut être maintenant reproché à l'état-major allié en Europe, alors on attend. Le Commander-in-Chief est parti en week-end à Camp David. La Pologne mobilisera ses réserves dès dimanche.

Samedi matin, le président Trump demande à lire l'article 5 de la Charte à son petit déjeuner :
Article 5.- Les parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d'elles, dans l'exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l'article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d'accord avec les autres parties, telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l'Atlantique Nord.
Toute attaque armée de cette nature et toute mesure prise en conséquence seront immédiatement portées à la connaissance du Conseil de Sécurité. Ces mesures prendront fin quand le Conseil de Sécurité aura pris les mesures nécessaires pour rétablir et maintenir la paix et la sécurité internationales.


Le gouvernement de Varsovie lit ce texte en même temps que Trump mâche ses muffies à la canelle : où est la clause automatique ? Pétain, mais où est la clause automatique, s'écrient les Polonais ? Trump téléphone à Rex Tillerson d'arranger le coup avec Lavrov, pour arrêter ce merdier qui ne trompe personne sinon « ça va chier grave (sic)». Tallinn a appelé trois fois le Département d'Etat pour s'entendre dire que le président Trump s'en occupe et qu'ils arrêtent de les lui briser ! Le groupe de Visegrad, averti de la colère stérile de Donald Trump décide de se réunir à Gdansk pour marquer sa désapprobation. Vilnius et Riga ont mobilisé tous leurs effectifs en attendant la clause automatique qui tourne au cauchemar.
A Paris, la présidente Le Pen convoque un conseil de défense pour lundi 9h30 après avoir reçu l'ambassadeur Orlov, un ami sincère. Londres s'est mis en capacité de fermer le Skaggerak sous douze heures mais reste tranquille. Nul ne sait ce qu'il se dit à la Chancellerie de Berlin. De mauvaises langues insinuent que Martin Schulz est en mode panique. Il faut dire qu'élire un chancelier qui n'a pas le bac était une riche idée. Les Pays-Bas et le Danemark ont réhaussé leur degré d'alerte aérienne mais ne patrouillent pas.

Dimanche soir, Rex Tillerson téléphone à Camp David pour dire qu'Alexandre Lavrov le balade. Ses conseillers à l'ambassade de Moscou lui disent que ce sont les Soviétiques qui ont envahi les trois Etats baltes en application du Pacte Staline-Ribbentrop de 1939 mais que c'est plus compliqué. Compliqué n'est pas américain, Trump demande combien coûterait au pays un blocus naval de la Russie en Mer baltique. C'est alors que tout le monde réalise que Vladimir Poutine n'a pas encore parlé.

F-35 JSF


(à suivre)
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