lundi 21 août 2017

Actualité et illusion capétiennes

Le Camp 2017 Maxime Real Del Sarte commence aujourd’hui au château d’Ailly (près de Roanne) avec pour thème l’avènement du projet capétien pour la France. Si comme le proclame l’Action française dans son annonce, le projet capétien ordonne la souveraineté et la civilisation françaises pour garantir le bien commun, l’affaire est de grande audace et il faudra une forte jeunesse militante pour le porter ; l’école de pensée de la vieille maison est la seule équipée intellectuellement pour promouvoir ce redressement de plus en plus urgent. S’il s’agit de renouer à l’occasion le fil dynastique coupé par le comte de Chambord, il y a méprise, c’est tout l’objet de cet article de rentrée.

L’éloignement des vacances m’a créé un flash : inutile de creuser, il n'existe pas de rois souterrains, ou bien ils ne remontent jamais en surface. Où que l'on cherche, les vieux rois* n'ont pas d'héritiers, juste des descendants, parfois empêtrés dans des manteaux trop grands. On ne naît pas "roi de France", on ne le devient pas par acclamations ni par la désignation d’un aréopage d’historiens complaisants, seule l'onction crée le roi Très-Chrétien en France. C'est carrément spécial, même un agnostique endurci comprend cela. La multitude devait assimiler la verticalité céleste du pouvoir et craindre son roi autant que son Dieu. Douter de l’Un entamait l’autre. On ne devine à ce jour aucun prétendant en capacité de ramasser l’étendard, surtout que nul ne saurait où aller le prendre. L'embourgeoisement des maisons princières a consommé leur antique grandeur, le de jure est une falsification de partisans. Quand « Le Mort saisit le Vif » si la main du mort ne trouve que le vide, on entre au néant et les compteurs sont réinitialisés**. Les rivages du renouveau sont en vue.

Les vieux rois sont morts d’être devenus des hommes. La tradition franque les avaient élevés au rang de demi-dieux (Ases) qui se laissèrent pousser les cheveux comme le leur avaient appris les moines à la lecture de l'ancien testament. Sous la guenille mortelle de la brute résidait le corps astral de leur éternité. Pure magie, mais de haut niveau ! Plus de mille ans passèrent, les rois finirent d’eux-mêmes par douter et disparurent, emportant l'éternité avec eux ; il nous en reste leurs chroniques et des souvenirs reconstruits.

Louis XV par Welper (ca.1770)
Le dernier grand roi de tradition chez les aînés de France fut le Bien Aimé. Il se maintint au-dessus des lois morales et politiques de son siècle, absolument. Sur le tard malgré tout, il avait saisi l’impérieuse nécessité de réformes profondes comme en réclamaient tous les économistes depuis Vauban. Sa mort ouvrit l'époque des hésitations d'une race affaiblie conduite au dais par les lois fondamentales d’un royaume finalement anachronique. La nation et le roi allaient divorcer (dès avant la Révolution), l'un ne comprenant pas l'autre et l'autre ne reconnaissant plus l'un comme son tout. La suite ne fut que soubresauts d'un modèle à l’agonie qui implosa en 1873 pour disparaître à jamais. Le projet capétien s'est terminé inachevé par construction interne. Aucune rupture de paradigme n’a permis d’exposer l’offre politique monarchiste depuis lors. Ses propres lois l’ont tué. Le projet dans ses objectifs reste une ambition louable qui ne peut être portée par ceux qui s’en réclament propriétaires sans autres titres que de naissance, pour lesquels nous avons déjà payé cher.

Nous parlons de familles déposées (certaines plusieurs fois) dans l'incapacité de se rétablir par elles-mêmes et - c'est un secret - n'y tenant pas plus que ça dès qu'on leur parle de s'y mettre pour de vrai. Les descendants acceptent la coagulation de supporters autour des aînés de branche qui agrègent une cour avide d'honneurs que le régime en place ne leur donnera pas. On fait des comtes, on nourrit l'audience de proclamations avantageuses du prince en charge – le rappel de sa légitimité dynastique est incontournable dans chaque texte même le plus anodin. Mais reclus pour l'été, loin du tapage, le royaliste de toujours mesure l'étendue de la supercherie mondaine ; ces personnalités, même sympathiques, n'ont pas la carrure requise ni les espérances financières qui la suppléeraient pour faire aboutir un projet de ré-instauration de la monarchie. C'est donc perdre son temps avec eux, flouer les lecteurs pour notre part, tromper son monde pour ceux qui appellent des cotisations dans ce seul but.

On peut les comprendre aussi, nos princes. Leurs mœurs plébéiennes et le modeste cursus de chacun – à la notable exception du défunt prince Alphonse d’Espagne (1936-1989) – leur laissent deviner que la presse opposée au projet monarchique ne mettrait pas trois jours à les abattre s'ils manifestaient publiquement une volonté de reconquête du pouvoir. Ne leur donnons pas de gages en y abondant ! C’est mort de chez mort ! On peut reprendre tout de zéro, mais il reste les objectifs « capétiens » qui ont, eux, survécu aux rois. Ainsi les participants au camp pourront suivre (clic) des lectures sur la philosophie post-moderne (Bousquet), la culture française (Stalker), la vraie place de la France dans le monde (Saint-Prot), une nouvelle politique française en Afrique (Lugan), la guerre économique qui ne dit pas son nom (Harbulot), le coup d'état des juges (Meuse) et le populisme et ses dérives par le président du comité directeur de l'Action française, Stéphane Blanchonnet ...

(Table de Winchester)

Dorénavant le blogue Royal-Artillerie parlera de cent choses, des objectifs capétiens et des rois, et plus rarement des « princes en attente ». Il est temps de mettre les pendules à l'heure de l'avenir, ils n’y sont pas inscrits, ça m’a sauté aux yeux à l’insu de mon plein gré. Vienne un jour le roi nouveau !


(*) Aussi étonnant que cela paraisse, l'expression est de Nicolas Sarkozy qui chercha un moment à se mettre en perspective comme plus tard s'y essaiera Emmanuel Macron.

(**) C’est la thèse interruptive de Sixte-Henri de Bourbon Parme exposée ici.

9 commentaires:

  1. j'ai eu une impression similaire en voyant Felipe sur les Remblas barcelonnais avec sa bougie. Mon impression a été: A part faire le bobo pleurnichard comme les autres, avec des bougies, des peluches et des fleurs a quoi sert il ? Un peu comme le Pape qui fait lire des messages lénifiants dans des cérémonies compassionnelles. A part ça, nada. Je ne parle même pas du jogger marseillais ou du crypto-centenaire qui conduit notre police dépassée! L'ancien monde est en train de crever et aucun leader nulle part pour préparer l'age de fer qui arrive!

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    1. Felipe VI ne gouverne pas mais il réunit son peuple, et Dieu sait si le peuple espagnol est divers et varié.
      Plus généralement notre réponse aux attaques islamiques est sous-calibrée parce que nous avons construit un Etat où le droit est le nouveau dieu, donc tabou. Pierre Conesa l'a parfaitement analysé : les pouvoirs publics n'attaquent pas l'idéologie salafiste au principe de la liberté de penser ; d'un autre côté, ils sont à l'affût du moindre mot de travers émis par le Front national (la fournée de JMLP) ou par Dieudonné (shoananas).
      Ce qui est problématique aussi est le silence sépulcral des princes que nous aimons :)

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  2. je suis pourtant un royaliste convaincu (et un admirateur hispanophile) mais je me pose des questions sur la monarchie espagnole : J'ai été en Catalogne cet été et que ce soit à Barcelone ou en dehors j'ai rarement vu des drapeaux espagnols. Mais de partout des drapeaux catalans, surtout dans la version indépendantiste (avec l’étoile) Dans la revendication et l'affirmation identitaire on dirait une Corse de 6 millions d'habitants! L'an dernier j’étais au Pays Basque, et de San Sebastien à Bilbao je n'y ai vu que des drapeaux basques et jamais de symboles de l'hispanité. Je ne critique ni le Roi ni la fonction mais on en voit les limites dans le cadre de la "démocratie". Et ce qui est valable en Espagne le serait sans doute en France. La tentation césariste est grande!

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    1. Je ne suis pas revenu en Espagne depuis le mois d'août 2008. L'Espagne est une fédération. Les pouvoirs locaux sont importants, ce qui alimente l'illusion indépendantiste au Pays basque et en Catalogne. Le problème tout bête est que les deux langues provinciales sont des "dialectes" que personne ne parle au-dehors (et c'est un Occitan qui vous le dit). Il n'y a pas non plus de spécificités basques ou catalanes marquées pour le reste du monde. Dans le concert des nations, ce seront deux petits poucets que personne n'écoutera, comme Malte ou l'Ecosse.
      Je pense que la Maison d'Espagne a pris le parti de supporter deux enfants turbulents dans une famille compliquée sans trop se faire de soucis.
      Les deux "locomotives" espagnoles ont bien ralenti de par la mondialisation. En dehors des voitures sous licence française ou allemande, citez moi un produit manufacturé en vente dans la grande distribution européenne, à part l'eclairage ou les chaussures ?

      Le krach de 2008 a montré qu l'économie espagnole était surtout une énorme bulle immobilière (j'ai visité des villes fantômes au sud de Madrid) et reposait plus sur la demande que sur l'offre. Ils sont forts dans l'alimentaire, c'est tout. Et cerise sur le gâteau, les provinces rebelles sont surendettées. Indépendantes elles n'auront même pas accès au marché des bons d'Etat sans adossement à l'Espagne.

      Felipe VI est un roi instruit et informé ; il mise sur les réalités. Mais bon, ça peut péter aussi, comme ici.

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    2. Sur l'autre question, c'est effectivement un défi très aventureux que de marier une démocratie d'étage régalien et une monarchie exécutive. Adeline avait fait une ébauche intéressante mais la transformation du parlement m'est apparue trop compliquée pour vendre ce nouveau régime à l'Opinion. Il y a du travail de conception à faire sans perdre de vue l'approbation incontournable du corps électoral, avant ou après.
      Mettons-nous en mode recherche :)

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  3. Le fil est vraiment coupé, vous avez raison de le rappeler, et les périodiques tentatives d'acclimater la république au passé de la France, par voie de repentance vis-à-vis de la Vendée par exemple, n'y changeront rien.
    Chez les royalistes, certains ont longtemps pensé et continuent de la faire que la patience servait un avenir, pas forcément immédiat. Il faut bien alors que l'intervalle, politiquement vide presque par nécessité, soit rempli des seules intentions de la culture et de la mémoire.
    Ceci étant, la prestation par l'absence, des princes, reste difficile à tenir. Vous le pointez justement, une bonne part de la faute en revenant aux entourages.
    La république ne se risquera pas d'offrir un trône à la France, il faudra bien que le prince, le roi nouveau que vous appelez, soit apte à susciter l'événement ou à s'y introduire. S'il établit son système, gardera-t-il ensuite le trône pour lui et ses descendants ? Pas sûr ! S'il faut en croire vos billets, qui reviennent toujours à l'oeuvre capétienne, les Français retrouveront, après s'être étourdis au mirage global, et peut-être seulement après ces phases, la vibration nationale bien sentie et bien comprise, et par l'effet de balancier. Le restaurateur pourra éventuellement alors se tourner vers un Capétien, s'il en trouve un bien pourvu, et âge et caractère. C'est de toutes façons en plusieurs rondes que la réconciliation se fera, et elle ne peut se décréter ni se tirer aux cheveux de l'illusion, par exemple, d'un retour de cendres (de Charles X...).

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    1. La République, c'est en réalité une partie de la haute bourgeoisie qui tranche et coupe pour le reste de la nation. On l'a vu dernièrement par la promotion qu'elle fit victorieusement d'un inconnu qui présente bien, Emmanuel Macron. Ces gens n'ont pour principe que leur propre perpétuation et aucunement l'envie de passer le relais, sauf sous la forme décorative d'une monarchie scandinave, attendu qu'ils conserveraient nonobstant manettes, banque et presse.
      C'est plutôt par la conversion des foules qu'on y arrivera mais il faut un logiciel adapté. Il est à coder, pour le moment rien ne marchera car obsolète, complètement.
      Merci pour ce commentaire (trop rare).

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    2. Comme vous le mentionnez, le prétendant devra être "pourvu". Autant dire après la revue d'effectif que la page est blanche. Des dynasties qui ont régné sur le territoire de la Gaule cisalpine, il n'en perdure que deux, les Capétiens de la la branche de Bourbon déclinée en plusieurs maisons, toutes déposées par leur propre peuple, et les Bonaparte vaincus fors l'honneur dans les guerres étrangères. La dynastie intéressante, hélas éteinte, était la dynastie angevine des Plantagenêts pour son projet maritime de Manche - mer intérieure.

      Royal-Artillerie a plusieurs fois décliné les qualités, nécessaires au XXI° siècle, d'un prétendant crédible. On ne va pas y revenir aujourd'hui.

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  4. Réponse déceptive à Charles Barbanes du CRIL17: quelques réactions louant la "lucidité" du Piéton signalent que le roi nouveau est attendu mais rien n'indique hélas qu'il ait commencé son voyage vers nous.
    Je le remercie de sa citation de Bossuet que je repique ci-dessous :
    Le plus grand dérèglement de l’esprit, c’est de croire les choses parce qu’on veut qu’elles soient, et non parce qu’on a vu qu’elles sont en effet
    Nos esprits sont alors bien trop déréglés.
    Merci.

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