lundi 23 avril 2018

Macron en Amérique

Emmanuel Macron et son épouse seront chez George Washington ce lundi soir 23 avril pour répondre à l'invitation de Donald Trump. Le programme est serré, comme Macron les aime, et vous pouvez le consulter ici.

Courtoisie de Paris-Match
La presse américaine cherche à comprendre la relation amicale entre les deux hommes que tout oppose. L'article de Lauren Collin dans The Newyorker (clac) résume assez bien ce paradoxe que seul un pragmatisme poussée aux limites du raisonnable peut expliquer du côté français. Il faut maintenant faire un peu de géostratégie pour éclairer notre relation aux Etats-Unis.

Comme le dit Hubert Védrine souvent, la France est plus grande dans les yeux étrangers qu'elle ne toise dans les yeux des Français. Mais elle a aussi ses limites dans ses capacités militaires qui renforcent ou diminuent ses propositions et tantôt ses menaces. Par son histoire, la France est un des pays emblématiques de l'Occident avec la Grande Bretagne et les Etats-Unis. A ce titre, elle participe donc de sa décadence depuis le reflux des anciens empires, reflux définitivement terminé par la résurrection du plus vieil empire du monde, la Chine.

La Chine est le panda de quatre cent livres dans un coin de la pièce des négociations internationales, partie prenante ou pas. Tout se décide en fonction d'elle, rarement avec elle, souvent contre elle. Sauf accident social ou financier toujours possible, la taille de l'ours à l'horizon de vingt ans a de quoi faire peur. En face d'elle, l'Europe est devenu le "pays des vieux". Jadis primordial dans les sciences pures et appliquées, mère des guerres et des lois, elle est surpassée dans tous les compartiments du jeu mondial sauf... dans les parfums, la bière, l'aviation civile, les paquebots de luxe, les satellites, les missiles et les canots Riva. Prenons quelques exemples de ces dépassements en côte : le rail à grande vitesse est désormais chinois ou japonais, le moteur essence haute compression est japonais, la robotique est japonaise, le développement informatique est américain, la sidérurgie est chinoise ou coréenne, les armes d'ultra-pointe sont américaines. L'Asie du Sud-Est et orientale n'ont plus besoin des produits ou savoir-faire européens dans des pans entiers de l'économie qui vont du BTP, à l'automobile, du traitement des eaux aux énergies durables, de la construction navale aux nouvelles techniques de communication, sans parler de ce qui fut longtemps un fleuron européen : les universités. Les leurs ont dépassé les universités britanniques et allemandes. Seul bémol, la caporalisation des études supérieures en Asie bride la créativité alors que le désordre européen la stimule.


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Certes l'Europe ne disparaît pas, mais elle n'impressionne plus le reste du monde. Elle est perçue d'abord comme une destination de voyages inoubliables et un centre de production de biens sophistiqués typés "Europe" mais pas nécessairement vendables partout. Même aux Etats-Unis, qui furent longtemps friands de qualité européenne, on n'attend rien de l'Europe actuelle sauf du vin. Aussi Macron aura bien du mal à convaincre Trump de le suivre en quelque domaine que ce soit, car si l'Europe pèse peu dans l'esprit du mogul newyorkais, la France n'est qu'une partie de ce "peu". La relation Europe-USA dans l'univers mental de Trump est avant tout commerciale sinon uniquement. Il regarde les tableaux (d'une seule page) fournis par le Département du Commerce et surligne les postes où l'Amérique perd. Par camaraderie, les autres questions soulevées par le président français seront écoutées poliment et renvoyées aux experts. Reste la stratégie :

Les nœuds gordiens sont l'accord nucléaire iranien qui menace Israël et la mise en tension russe qui défie le Pentagone. Le reste ne concerne pas la France dans l'esprit des conseillers de Trump. Sur ces deux points, les présidents se sont mis d'accord pour saigner le poulet et effrayer le singe qui observe dans l'arbre ; et le poulet c'est le régime assadien qui sans doute va dérouiller au maximum quels que soient les ronds de jambe diplomatiques à l'ONU. Le bombardement occidental des installations chimiques supposées n'avait d'autre but que d'annuler le syndrome Obama de surintellectualisation des conflits. L'Occident tape désormais autant qu'il parle. Si Obama avait tapé en 2013, Poutine n'aurait jamais envahi la Crimée. Au fait, où en sont les représailles russes promises par Lavrov ? Les Russes tchatchent et tapent des pieds, pas plus ! L'autre singe est la théocratie obsolète de Téhéran que tous laissent s'épuiser en Syrie et au Yémen en attendant une révolution qui l'abattra. C'est le Levi's 501, le hard rock et le Coca Cola qui ont miné le mur de Berlin. Pareil en Iran.


Avec la fleurdelis de Louis XVI peut-être ? (courtoisie ABC News)

Restent les sujets chics. Du climat, les néo-cons n'ont cure et Trump n'y comprend rien. Les menaces de guerre commerciale par les droits de douane ne sont pas prises au sérieux à la Maison Blanche, d'autant que ses adversaires les plus convaincants sont des universitaires sans pétrole. Trump a décidé d'exiger beaucoup pour une exemption des nouveaux droits comme en fait l'expérience Shinto Abe qui rentre bredouille des Etats-Unis.
Quelle voie reste-t-il à Macron pour rapporter quelque chose à son retour ? Le nihil obstat sur une défense européenne. Bien sûr, les Américains assortiront leur bénédiction probable d'un privilège de fournitures d'armes (comme c'est le cas aujourd'hui) et donneront des apaisements aux anciens pays du bloc soviétique qui sont à fond contre la fermeture du parapluie atomique américain. A ceci près, que la chancelière allemande a parlé ces jours-ci de l'Alliance atlantique comme d'un joyau précieux à soigneusement préserver. Que voulait-elle dire à son visiteur ? Qu'elle était contre un détricotage de l'OTAN ? Si Emmanuel Macron ne rapporte rien de neuf dans la relation transatlantique, il ne rapporte rien du tout. Enfin, au fond ! Car sur la forme, les communiqués ronfleront de bonne humeur et d'avancées "historiques".


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