La Grande Guerre a nourri des écrivains qui par elle devinrent grands à leur tour. Nous évoquons aujourd'hui les récits célèbres que la littérature a produit dès la fin des hostilités. On les trouve encore en bouquinerie ou sur des sites spécialisés dans les vieux livres. Achetez-les, c'est de première main. Mais on ne peut faire cet article sans signaler que la guerre a tué plus de cinq cent écrivains français derrière Charles Péguy, Alain-Fournier, Guillaume Apollinaire, Léon de Montesquiou, Victor Ségalen, Ernest Psichari, Augustin Cochin etc. Ils ont une plaque au Panthéon.
A l'intention des jeunes lecteurs, il ne faut pas lire trop tôt cette production littéraire qui peut mettre en tête des cauchemars tenaces. Rares sont ceux qui mobilisés ou engagés en 14 en sont ressortis indemnes, ils ont aussi passé à la postérité l'horreur et la terreur en même temps que les qualités guerrières et la gloire. Le premier écrivain-combattant qui vient à l'esprit est Roland Dorgelès avec Les Croix de Bois. Ce "roman" est une succession de nouvelles qui campent soit une situation particulière, soit un caractère de soldat. Il fut reçu à l'époque par les anciens combattants comme parfaitement cadré et juste.
Le volontaire Henri Barbusse de tempérament cévenol (réfractaire) transmit son expérience des tranchées (à 40 ans) dans Le Feu, journal d'une escouade. Il s'agit de la mise en forme de son carnet de marche, gratté en 1915 et 1916, rédigée dans son lit d'hôpital à Chartres. Admirateur de la Révolution russe, mort à Moscou, bien des communes de la couronne rouge parisienne donnèrent son nom à des rues. Ce qui n'enlève rien à la qualité de l'œuvre et le niveau d'effroi qui s'en dégage.
Le pacifisme de Jean Giono se fondera sur sa traversée de la guerre qu'il relate dans Le grand troupeau. Sans aucun esprit belliqueux mais discipliné, il sera de tous les coups qui évoquent la dureté des temps, Les Eparges, Verdun, Noyon, Saint-Quentin, la Somme, l'offensive Nivelle au Chemin des Dames. Il a le droit de dire ce qu'il veut !
Le volontaire suisse de la Légion étrangère Blaise Cendras écrira La main coupée qu'il a perdue lors de la grande offensive de Champagne en 1915. Jean Paulhan pour Le Guerrier appliqué au 9è Zouaves est incontournable. Le style en plus.
Le capitaine Emilio Lussu est le plus connu des écrivains-combattants italiens. Mobilisé dans la Brigade sarde Sassari, il participe au Verdun italien, le Mont Zebio, qui lui inspirera son chef d'œuvre Un anno sull'Altipiano. Tempérament affirmé, il affrontera les chemises noires l'arme au poing et s'évadera de sa bastille des îles Lipari. L'autre italien est le volontaire lombard Carlo Emilio Gadda. Fait prisonnier à Caporetto, il racontera sa guerre et sa captivité au Hanovre dans son Giornale di guerra e di prigionia. Mais c'est son œuvre "civile" d'un style si spécial qui le fera entrer ensuite dans la légende, à côté de pointures comme Proust.
On sait que les Anglais ont beaucoup "donné" à la Grande Guerre, chez nous sur la Somme où tant disparurent, aux Dardanelles et au Proche Orient. S'il faut un jour lire Les Sept piliers de la sagesse du colonel Lawrence dit d'Arabie, on doit citer un auteur-combattant qui fit carrière, Alan Alexander Milne, le créateur de Winnie L'ourson. Enrôlé en 1915 comme sous-lieutenant au 4th Battalion du Royal Warwickshire, il est grièvement blessé en 1916 à l'offensive anglaise sur la Somme. Rétabli mais fragile, il entrera au contrespionnage et y rédigera la propagande du Mi7 au War Office. La Somme lui fera publier Peace with Honour, un brûlot pacifiste qui ne l'empêchera pas de rempiler comme capitaine dans la British Home Guard, chez lui à Hartfield, demandant à ses subordonnés de l'appeler Mister Milne.
On ne peut faire l'économie d'Orages d'acier d'Ernst Jünger, lieutenant dans les troupes d'assaut, peut-être le plus technique des récits, qui laisse peu de place à la dramatisation. C'est aussi un amoureux de la France et des Français.
Reste à signaler pour finir le fameux roman pacifiste de l'abbé Erich Maria Remarque A l'ouest, rien de nouveau que les nazis brûleront comme décadent. On en fera des films !
La liste des écrivains combattants est longue, à la hauteur du retentissement de cette première guerre mondiale. la Wikipedia donne une liste d'auteurs que vous pouvez consulter en cliquant ici, sinon le site éponyme en cliquant là.
Un livre hors de la tranchée littéraire mais difficile à trouver donne un éclairage saisissant de la guerre de l'ombre. C'est l'ouvrage posthume Mes souvenirs du Commandant Ladoux, recueillis par Marcel Berger. Patron du 5è Bureau à Paris puis du 2è Bureau au GQG, il dénichera Mata-Hari et bien d'autres espions qu'il fera fusiller, en particulier ceux basés au pays basque espagnol. Selon sa veuve, il a été liquidé à distance à Cannes en 1933 par l'Abwehr ou par le Sicherheitsdienst nazi, au moyen d'un paquet de photos toxiques que lui envoyait une "vieille connaissance allemande", Mademoiselle Doktor, mais dont les encadrements avaient été sans doute traités aux streptocoques ou une autre saloperie qui se logea dans les sinus. Peut-être s'était-il moqué exagérément de l'adversaire dans trois romans d'espionnage qu'il avait fait paraître au Masque après la guerre ? Il agonisa cinq jours. On ne connaissait pas le polonium à l'époque.
Nous ne pouvons pas nous quitter sans évoquer celui dont on parle le plus ces jours-ci. Maurice Genevoix. Mobilisé comme sous-lieutenant de réserve au 106è RI de Châlons, il est rapidement sur la Marne puis remonte sous Verdun. Ce sera d'ailleurs le titre du premier volume de la série de cinq qui composera sa contribution majeure à l'histoire de la Grande Guerre Ceux de 14. Une prose linéaire, précise, chirurgicale. pas d'emphase, la réalité suffit amplement ! Blessé grièvement aux Éparges en 1915, il perdra l'usage de sa main gauche.
A l'intention des jeunes lecteurs, il ne faut pas lire trop tôt cette production littéraire qui peut mettre en tête des cauchemars tenaces. Rares sont ceux qui mobilisés ou engagés en 14 en sont ressortis indemnes, ils ont aussi passé à la postérité l'horreur et la terreur en même temps que les qualités guerrières et la gloire. Le premier écrivain-combattant qui vient à l'esprit est Roland Dorgelès avec Les Croix de Bois. Ce "roman" est une succession de nouvelles qui campent soit une situation particulière, soit un caractère de soldat. Il fut reçu à l'époque par les anciens combattants comme parfaitement cadré et juste.
Le volontaire Henri Barbusse de tempérament cévenol (réfractaire) transmit son expérience des tranchées (à 40 ans) dans Le Feu, journal d'une escouade. Il s'agit de la mise en forme de son carnet de marche, gratté en 1915 et 1916, rédigée dans son lit d'hôpital à Chartres. Admirateur de la Révolution russe, mort à Moscou, bien des communes de la couronne rouge parisienne donnèrent son nom à des rues. Ce qui n'enlève rien à la qualité de l'œuvre et le niveau d'effroi qui s'en dégage.
Le pacifisme de Jean Giono se fondera sur sa traversée de la guerre qu'il relate dans Le grand troupeau. Sans aucun esprit belliqueux mais discipliné, il sera de tous les coups qui évoquent la dureté des temps, Les Eparges, Verdun, Noyon, Saint-Quentin, la Somme, l'offensive Nivelle au Chemin des Dames. Il a le droit de dire ce qu'il veut !
Le volontaire suisse de la Légion étrangère Blaise Cendras écrira La main coupée qu'il a perdue lors de la grande offensive de Champagne en 1915. Jean Paulhan pour Le Guerrier appliqué au 9è Zouaves est incontournable. Le style en plus.
Le capitaine Emilio Lussu est le plus connu des écrivains-combattants italiens. Mobilisé dans la Brigade sarde Sassari, il participe au Verdun italien, le Mont Zebio, qui lui inspirera son chef d'œuvre Un anno sull'Altipiano. Tempérament affirmé, il affrontera les chemises noires l'arme au poing et s'évadera de sa bastille des îles Lipari. L'autre italien est le volontaire lombard Carlo Emilio Gadda. Fait prisonnier à Caporetto, il racontera sa guerre et sa captivité au Hanovre dans son Giornale di guerra e di prigionia. Mais c'est son œuvre "civile" d'un style si spécial qui le fera entrer ensuite dans la légende, à côté de pointures comme Proust.
On sait que les Anglais ont beaucoup "donné" à la Grande Guerre, chez nous sur la Somme où tant disparurent, aux Dardanelles et au Proche Orient. S'il faut un jour lire Les Sept piliers de la sagesse du colonel Lawrence dit d'Arabie, on doit citer un auteur-combattant qui fit carrière, Alan Alexander Milne, le créateur de Winnie L'ourson. Enrôlé en 1915 comme sous-lieutenant au 4th Battalion du Royal Warwickshire, il est grièvement blessé en 1916 à l'offensive anglaise sur la Somme. Rétabli mais fragile, il entrera au contrespionnage et y rédigera la propagande du Mi7 au War Office. La Somme lui fera publier Peace with Honour, un brûlot pacifiste qui ne l'empêchera pas de rempiler comme capitaine dans la British Home Guard, chez lui à Hartfield, demandant à ses subordonnés de l'appeler Mister Milne.
On ne peut faire l'économie d'Orages d'acier d'Ernst Jünger, lieutenant dans les troupes d'assaut, peut-être le plus technique des récits, qui laisse peu de place à la dramatisation. C'est aussi un amoureux de la France et des Français.
Reste à signaler pour finir le fameux roman pacifiste de l'abbé Erich Maria Remarque A l'ouest, rien de nouveau que les nazis brûleront comme décadent. On en fera des films !
La liste des écrivains combattants est longue, à la hauteur du retentissement de cette première guerre mondiale. la Wikipedia donne une liste d'auteurs que vous pouvez consulter en cliquant ici, sinon le site éponyme en cliquant là.
Un livre hors de la tranchée littéraire mais difficile à trouver donne un éclairage saisissant de la guerre de l'ombre. C'est l'ouvrage posthume Mes souvenirs du Commandant Ladoux, recueillis par Marcel Berger. Patron du 5è Bureau à Paris puis du 2è Bureau au GQG, il dénichera Mata-Hari et bien d'autres espions qu'il fera fusiller, en particulier ceux basés au pays basque espagnol. Selon sa veuve, il a été liquidé à distance à Cannes en 1933 par l'Abwehr ou par le Sicherheitsdienst nazi, au moyen d'un paquet de photos toxiques que lui envoyait une "vieille connaissance allemande", Mademoiselle Doktor, mais dont les encadrements avaient été sans doute traités aux streptocoques ou une autre saloperie qui se logea dans les sinus. Peut-être s'était-il moqué exagérément de l'adversaire dans trois romans d'espionnage qu'il avait fait paraître au Masque après la guerre ? Il agonisa cinq jours. On ne connaissait pas le polonium à l'époque.
Nous ne pouvons pas nous quitter sans évoquer celui dont on parle le plus ces jours-ci. Maurice Genevoix. Mobilisé comme sous-lieutenant de réserve au 106è RI de Châlons, il est rapidement sur la Marne puis remonte sous Verdun. Ce sera d'ailleurs le titre du premier volume de la série de cinq qui composera sa contribution majeure à l'histoire de la Grande Guerre Ceux de 14. Une prose linéaire, précise, chirurgicale. pas d'emphase, la réalité suffit amplement ! Blessé grièvement aux Éparges en 1915, il perdra l'usage de sa main gauche.
En conclusion, s'il en faut une, la mobilisation générale des hommes de ce pays en août 14 incluait toutes les professions, charges et dignités. S'y ajoutèrent des volontaires, en nombre. Souvenons-nous de tous les francophiles étrangers qui individuellement n'hésitèrent pas une minute à nous rejoindre. Les empires centraux, agresseurs venus du côté obscur de la civilisation européenne, ne connurent pas ces ralliements.
Parmi les professions mobilisées, celle d'écrivain fut bien représentée et paya le prix fort quelque soit le pays. Si la masse de manœuvre mérite d'entrer tout entière dans la grande histoire des hommes, cet article particulier est un modeste hommage au talent et au courage des soldats de la plume au bout du fusil ! Ce sont eux d'abord qui, disposant de la facilité d'écriture purent saisir la matière du récit, eux qui mirent en perspective cette tragédie que nous pouvons mieux comprendre aujourd'hui. Merci.
©La Grande Guerre en dessins |