dimanche 18 novembre 2018

En attendant l'oracle...

Si j'étais président de la république j'aurais pris le temps de lire notre Constitution et compris à la fin du 5è article que tous les problèmes de mes prédécesseurs venaient justement d'une forfaiture qui a consisté à réunir tous les pouvoirs, même les plus triviaux, dans les mains du titulaire. La Constitution dispose que « Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État...». Il est donc l'arbitre des effets produits par la politique du premier ministre qui conduit l'Etat en application de ses propres pouvoirs constitutionnels (art.20 et s.).

En respectant le paradigme original, monsieur Macron aurait pu apparaître à la télévision samedi soir à 21 heures pour demander publiquement au cabinet Philippe de revoir sa copie de la transition écologique pour les trois années à courir jusqu'à la fin du quinquennat et pour lui proposer l'inversion des tâches qui privilégierait les mesures de saine économie et de purification de l'air avant que de passer à l'écologie punitive en fin de processus s'il devait contraindre pour faire aboutir une réforme essentielle.

Mais M. Macron s'est mouillé depuis le premier jour dans la politique du quotidien et les désagréments de la campagne des gilets jaunes contre lui le laissent à nu. Il voulait tout faire, dire et trancher, il est bloqué, non par les institutions, mais par la "résistance populaire" qui a cessé d'entendre et comprendre. Nous sommes en démocratie crient les docteurs de la loi, le président a cinq ans pour déployer sa politique et sa légitimité procède de l'élection de mai 2017. Oui, sauf que les "gens" n'entendent plus la rengaine démocratique chantée par la bourgeoisie aux affaires : « vous avez voté pour nous, on fait ce que l'on veut !» Or les citoyens peuvent assez simplement gripper les rouages, mais nous nous dispenserons de le leur expliquer pour ne pas apparaître sur les radars de la Stasi. Ceux de Tarnac vont s'en charger :-)

Un observateur professionnel mais pas moins payé au mois a déclaré sur une chaîne de désinformation que le voyage au Reichtag aujourd'hui ressemblait un peu à celui de Baden Baden en mai 68. Squeezé au plan intérieur, le président part se faire reluire devant le Bundestag au titre de l'écrasement des armées allemandes de 1918 pour verser dans les chopes le sirop de la réconciliation. Ce dont tous se tapent là-bas, leurs problèmes étant plus prégnants que la commémoration de leur double humiliation. En son absence, les ministres à Paris sont tétanisés et se taisent*. L'oracle sera de retour ce soir.

Musardant hier soir sur mon écran plat à 20% de TVA, j'ai aperçu celle qui a lancé la pétition contre la hausse des carburants, Priscillia Ludosky. Visage net, grande maîtrise, ne coupe pas la parole à la pie bavarde élue de Paris que le parti majoritaire a délégué pour promouvoir la transition technocratique, elle écoute et répond d'une phrase, complète, précise, documentée, assassine. Impressionné ! On aura retenu que les pouvoirs publics sont allés au plus facile finalement, par paresse ou arrogance, sans creuser de vrais problèmes polluants mais plus difficiles à résoudre que d'assommer simplement de taxes le citoyen qui roule. Qui a pensé une transition juste et durable ? Qui serait capable de l'expliquer ? Le président s'est disqualifié, le premier ministre sent le sable mou sous ses pieds et pense à la belle métropole du Havre comme un autre rêvait de Lyon, le ministre en charge de Rugy est au climax du principe de Peter. La communication est en panne puisqu'elle n'imprime plus, et les Européennes arrivent !

C'est dans cinq mois que la conséquence de l'autisme gouvernemental va apparaître. Sauf révolte générale à tous motifs ou pour seulement le plaisir gaulois de foutre le bordel, le divorce et partage de la nation va se lire dans les urnes. Le débordement des partis va déclencher une boucherie politique pendant la campagne électorale pour capter le mécontentement qui sauvera la prébende à Strasbourg. Les listes d'opposition systématique ont, pour le moment, le vent en poupe comme d'ailleurs dans bien d'autres pays européens. Si les partis de la négation font un vrai score au parlement européen, ce seront autant de sièges en moins pour les partis du ronronnement démocratique et par conséquent des majorités à requalifier pour les débats à venir, dont les principaux sont l'élection du président de la Commission avec les mesures de sauvegarde découlant du Brexit, sans parler évidemment d'élargissement de l'Union.

Quand le jeune général Buonaparte se saisit d'un drapeau régimentaire de la 51è Demi-Brigade d'infanterie, il force le pont de bois d'Arcole mais tombe au marais à la merci des Autrichiens. L’adjudant-chef Belliard et les grenadiers de la 51ème l'arrachent à son funeste destin et permettent pour les deux jours qui suivent l'expression de son génie tactique ; la bataille d'Arcole ne fait que commencer. Qui peut faire la liste de ceux du gouvernement actuel qui se jetteront dans le marais pour sauver le général en chef, à part Benalla bien sûr mais ils l'ont viré. Nous sommes en démocratie, le maillon faible suscite invariablement l'évaluation par chacun de ses propres chances de se mieux placer voire de succéder. C'est le régime qui veut ça, le régime de l'envie, le régime du combat politique permanent. L'accueil au Bundestag n'aura aucun impact, ni mémoriel, ni diplomatique. Le cirque recommence lundi matin où tous attendent le lion devenu vieux.


(*) PS de 22:00 - La prestation d'Edouard Philippe chez Laurent Delahousse au journal de 20h de FR2 confirme qu'il est ligoté dans la dialectique de l'Elysée sans pouvoir dépasser les banalités d'usage qui ont été convenues par la cellule de crise. Les éléments de langage sont les mêmes que ceux employés par François de Rugy et Christophe Castaner, une volière de perroquets. Cette robotique du déni ne peut que conforter le mécontentement des laissés pour compte. Le pouvoir n'aura évité aucune erreur.

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