lundi 5 novembre 2018

Notes jetées sur la Grande Guerre



Sans doute est-ce l'un des derniers billets Royal-Artillerie sur la guerre de 14-18. Nous avons été fidèle aux rendez-vous du Onze-Novembre avec des évocations que nous jugions moins connues, sur les unités qui nous touchaient de plus près - le 122èRI, le 129èRI, le 7èBCA - ou des billets techniques sur le canon de 75 ou le tank Renault. Ces billets sont libellés "1111" ; il y en a douze avec celui-ci. Nous ferons un article spécial le jour même de l'Armistice. Aujourd'hui nous laissons libre cours à nos pensées qui vagabondent.

Les commémorations officielles s'attachent, pour ce que nous voyons de leurs préparatifs sur Internet, à n'oublier personne. La guerre ne fut pas qu'une affaire entre les Français et les Allemands, dit le général Irastorza, président du Centenaire. Merci de nous prendre pour des idiots. Qui ignore encore que cette guerre fit s'affronter les empires thalassocratiques aux empires centraux sans oublier de nombreux alliés de part et d'autre ? D'où son nom de "Grande Guerre". Sait-on que le Japon nous fournissait des bateaux et qu'une flottille nippone épaulait les Anglais en Méditerranée ? Mais à vouloir n'oublier personne, on minimise de beaucoup la gloire et le respect dus à nos soldats.



La cause de la capitulation allemande fut d'abord et avant tout la tenue au feu des troupes métropolitaines et impériales franco-britanniques lors des épisodes décisifs déclenchés par l'état-major allemand. Que tout le monde ailleurs ait fait son devoir ne doit jamais faire oublier que c'est baïonnette au canon que fut acquise cette victoire, avec deux mains et sur deux pieds.

Aparté : Nous ne parlons pas des fusillés pour désobéissance : 639 exécutions sur 8.194.500 mobilisés, 1.457.000 morts (source) et deux fois et demi autant de blessés, montrent à l'évidence que cette page de la guerre a été instrumentalisée pour servir à des fins de propagande anti-militariste, toujours par les mêmes. Et ce pauvre Hollande de demander qu'on ne les oublie pas !

L'autre point que je voudrais évoquer est la contribution américaine. Nous, Français, les avons formés et équipés quand ils ont débarqué, et ils se sont bien battus. Mais ce n'est pas sur le terrain que leur contribution fut la plus positive même si tout renfort fut bénéfique dans l'offensive. C'est chez eux ! L'enrôlement général des jeunes gens sur la côte Est des Etats-Unis était bien sûr épié par le renseignement allemand. Quand les camps d'instruction étaient pleins, ils se vidaient sur des bateaux en partance pour Brest ou Saint-Nazaire et ils se remplissaient aussitôt pour le prochain convoi. Les états-majors centraux comprirent dès 1917 que retourner la situation sur le front occidental devenait impossible chaque jour un peu plus et les plans de guerre devinrent contradictoires dans les projections des stratèges allemands.

Sammies en 1918

A cet égard, on feint d'ignorer le désordre intérieur à l'empire boche. Les grèves générales sont documentées à Berlin, Hambourg et Kiel, Bochum, Cologne, etc. C'est un soulèvement qui se développa sur les traces de la révolution russe de 1917, jusqu'à Munich. Les nouvelles fusaient jusqu'au front, un monde à l'arrière s'écroulait et bientôt vivres et munitions arrivaient mal. La démoralisation des troupes était enclenchée. Si la vieille discipline germanique faisait encore illusion, les traces laissées par l'ennemi dans sa retraite montraient le découragement des unités au contact et la perte de sens de ces combats. Les marins se mutinèrent dans les ports de la Baltique. L'empereur fut chassé par une révolution qui ne disait pas son nom (à ce moment-là) et qui déboucha sur la capitulation, comme la révolution russe avait abouti à l'armistice de Brest-Litovsk en décembre 1917. En fait, les armées austro-allemandes étaient dans la tenaille des offensives puissantes des alliés sur le front de l'Ouest et des insurrections populaires sur le front intérieur, sans parler bien sûr du capital humain disparu au front.

L'empire allemand sans empereur fut brisé en morceaux. Nous n'avons pas convaincu nos alliés de le démembrer, ce qui aurait sauvé la suite de l'histoire. Ils ont jugé que trop de puissance française en Europe occidentale irait contre leurs intérêts. Le Foreign Office voulut protéger les équilibres traditionnels continentaux afin que dans l'avenir nul ne soit en capacité de lui nuire. Il sut vingt ans plus tard qu'il avait complètement tort et que cette politique allemande aurait pu conduire à la disparition pure et simple de la Grande Bretagne.




Il faudrait maintenant évoquer ces "militaires" qui furent par la suite oubliés bien qu'ils aient payé le prix fort dans ce conflit : nos chevaux, nos mulets et nos chiens. Il est mort sur le front de France presque autant d'équidés que de soldats ! Sauf dans les troupes britanniques où le rapport au cheval était celui de partenaire à partenaire, la monture était considérée comme un vecteur d'arme comme un autre, et la cavalerie française n'était pas la mieux disposée envers ses effectifs. Dans les échanges interalliés de 1914 on s'aperçut que le dos des chevaux français étaient en très mauvais état car nos cavaliers de si belle prestance ne daignaient pas mettre pied à terre quand le service n'exigeait pas d'être monté. Ils crevaient leur chevaux sous eux et comptaient sur la remonte. Cela dépendait aussi des armes et de leurs traditions différentes, cuirassiers, hussards, dragons, chasseurs...

Quand les Anglais débarquèrent dans les Flandres, les unités françaises furent surprises de voir arriver avec eux tant de vétérinaires et des infirmeries de campagne dédiées aux chevaux. Les archives du War Office signalent que le corps médical britannique traita 725216 chevaux pendant toute la guerre pour blessures, gazages et maladies et qu'il en sauva 529064 (c'est beau l'administration). Les chevaux réformés furent retirés du front par tous moyens adaptés à leur état et même par train, péniches et barges aménagées, ce dernier moyen étant le plus commode pour les chevaux blessés par l'artillerie.

S'il est beaucoup de monuments commémorant la cavalerie, il en est peu, sauf dans l'empire britannique, à commémorer le cheval en guerre, à l'exception du monument aux morts de la 2ème Division de Cavalerie de Luneville qui a recensé les chevaux en garnison morts pour la France en même temps que les hommes :

Morts au Champ d'honneur : INSOLENT MERCREDI COMIC TAPAGEUR GIL BLAS LE ROUDIEN NAUDET BUFFALO LAGARDE GERMINAL ALLEGRO FERNANDEZ ISOLA NINIVE FRANC-TIREUR CARDINAL FERNANDEZ BOBY KALIF LATTE BEAUSÉJOUR ST BRICE MANON BOYARD FRIPON II ATTILA COQUETTE XIX VIGILANTE YVETTE BAMBEZ JOUG LETTES IMPOSANTE DEMEMONT FOKENNY KLAUSSE DUCHESSE GALANTE ISOLA MYLORD EPINETTE MISTINGUETTE MONTMIRAIL COMMEGNE IMPOSTEUR JIL ST FORT KALIPSO KETTANNNE ATTENDU REVEIL REINUS COCO III MARGOT DECOUSSE BLANC-BEC VAPEUR AMITIE INDICIBLE PIMPOLETTE AGARETTO MAROC FAUVETTE PIROUETTE LEDA LA ROCHELLE FAISAN MIKADO CARDINAL JAVELINE BELRET FERNANDEZ - Blessés au Champ d'honneur : ALLEGRO MORGAN DEMOISELLE JULIETTE LA FROUSSE SAPAJOU MILARD BANDIT IV PNEU


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