Au moment où les chaînes d'infox savourent avec gourmandise la baisse statistique de la mobilisation, la revendication des gens qui portent des gilets jaunes a muté du gasoil au référendum d'initiative citoyenne (RIC). Cinq semaines de ronds points ont dégagé une conscience collective qui a déniché la source de toute cette misère : la bride laissée sur le cou de la nomenklatura par le "peuple souverain". Quelle que soit la mobilisation dans le froid et la pluie, le verglas par endroit, la colère exprimée dehors ou dedans reste dans le cœur de chacun et ne diminuera pas de sitôt. Notre classe politique a abandonné les gens à la technostructure parisienne contre la protection de ses propres privilèges (par exemple allocations chômage exorbitantes des députés battus, etc). L'argent public sert d'abord la noblesse d'Etat puis les élus de métier à travers charges juteuses et prébendes. Si les dépenses sociales peuvent faire l'objet d'ajustements pour que le pays entre au chausse-pied dans les critères de Maastricht, les dépenses de commandement et contrôle ne sont jamais entamées, même quand le budget est en déficit catastrophique. On gratte sur le gueux ce qui manquerait au seigneur. Ce temps est fini, les politiques français ne le savaient pas, comme l'avait montré François Fillon le naïf, immoral peut-être mais légal certainement. Le mouvement les pousse sous les lanternes et ce n'est pas pour y voir plus clair !
Ecoutons Priscillia Ludosky et Maxime Nicolle devant la salle du Jeu de Paume à Versailles. Il y a tout, même Amazing Grace à la fin (mais la prise de son est dans la rue, donc on capte le brouhaha de la circulation). Cette déclaration a été reprise et censurée par des chaînes avec de larges coupures pour ne pas froisser les actionnaires. Je ne cautionne pas tout mais c'est bien déroulé :
Si vous voulez la lire à tête reposée, nous vous engageons à cliquer sur le l'allocution au format .pdf.
Si le collectif La France en colère n'appelle pas à la VIè République ça y ressemble fort tant le modèle courant est en défaut dans tous les compartiments du jeu, et ce malgré une presse de milliardaires dont le gouvernement n'est que le fondé de pouvoir. On se croirait revenu sous la monarchie de juillet avec la Forge et la Banque qui dictaient la politique du cabinet de Louis-Philippe. On sait comment ça s'est terminé. Le roi, la canaille aux trousses, devenu Mister Smith, embarque enfin sur la malle anglaise du Havre !
Rien n'est discret, caché, mal connu, mal compris dorénavant. La dérive ploutocratique du régime qui ne tracassait que les esprits éclairés, est maintenant établie dans l'esprit du citoyen lambda. Les gens parlent sur les ronds-points depuis cinq semaines, ils lisent des trucs sur Facebook, ils ont assimilé ce que Priscillia Ludosky et Maxime Nicolle ont si bien expliqué. L'enfumage habituel des cercles de pouvoir ne sert plus à rien. Les gens ne croient plus le pouvoir, n'ont aucune confiance dans les matriarches des chaînes d'information, et ce ne sont pas les bricolages annoncés par le président Macron, coincé dans la pièce avec le gorille jaune de neuf cent livres, qui leur feront baisser les yeux. Alors quoi ?
La noblesse d'Etat est clairement désignée à la vindicte populaire. Députés et sénateurs sont récusés, malheur aux scandales parlementaires de demain matin. Seuls restent en piste les maires ! Ils sont le dernier fusible de la République. Vont-ils se charger de la pacification et de l'écoute ? Oui, pour la plupart, mais sans décision fracassante du pouvoir central ils n'iront pas loin. Quelles pourraient être ces décisions ?
La plus simple est la réforme parlementaire en accéléré avec injection de proportionnelle dans le scrutin législatif ; si les chambres rechignent : dissolution de l'Assemblée nationale et mise en débat d'une révision parlementaire drastique avec une chambre basse à 300 députés élus à la proportionnelle, un sénat des territoires à 100 et un Conseil économique et social à zéro. Reste la réorganisation de l'Etat ventripotent et le recentrage sur le régalien, ce que les gilets jaunes ont bien compris en opposant la charge fiscale écrasante et la gabegie publique dans des domaines non essentiels. Copains & coquins, disait-on jadis du RPR. Tout porte à croire qu'on a fait de grands progrès depuis.
Il faudra ensuite reconstruire la démocratie représentative avec une dose de démocratie directe à la suisse, et même si le terme ne colle pas exactement au processus, il s'agira d'une constituante qui ne dit pas son nom. Le pouvoir central serait bien inspiré de démarrer immédiatement ces consultations dans chaque département et de monter à la synthèse région par région. Peut-être décentraliserons-nous en chemin ! Sans quoi, tout est possible, jusqu'au branchage, si d'aventure le mépris de classe l'emportait. Il n'est as sûr que ce pouvoir soit sage.