dimanche 23 juin 2019

Les caprices du petit Csar

Le Kremlin, en toute omnipotence, cesse les vols Aeroflot et consorts vers Tbilissi à compter du 8 juillet prochain pour punir les foules géorgiennes de ne pas l'aimer ! De quoi s'étonner, après qu'il ait retranché vingt-pour-cent de leur territoire internationalement reconnu au motif fabriqué de l'appel à l'aide de minorités opprimées ! Ça avait servi dans les Sudètes en 1938, ça a failli marcher dans les Etats baltes en "protection" des pieds-noirs russes, ça fonctionne en Crimée tant que Moscou pourra subventionner une économie stérile, ça a ruiné le Donbass ukrainien, véritable tonneau des Danaïdes de l'orgueil !

Les origines de cette hystérie de l'encerclement sont connues. Le site islandais The Saker fait une longue analyse autour de la guerre de Géorgie de 2008 (traduite par sa succursale française) dont on peut retenir cette section, la seule objective à notre avis :

« La Russie post-1991 est essentiellement un nouveau phénomène qui est sorti, après un accouchement difficile, des cendres de l’Union soviétique après une décennie et plus de chaos et d’effondrement. Pour résumer, après la dissolution de l’Union soviétique par ses élites [...] et la division du gâteau soviétique en petites portions, la Russie s’est trouvée dans la main de dirigeants impitoyables et totalement corrompus. L’époque d’Eltsine marque le point le plus bas de toute l’histoire de la nation russe ; même la Seconde Guerre mondiale n’a pas provoqué autant de chaos et de destructions en Russie que 9 ans de démocratie. Il n’a fallu que très peu de temps pour que l’ancienne superpuissance soviétique soit réduite à l’état de pays failli. Deux forces alliées très proches ont été essentielles dans ce processus, l’une à l’intérieur, les oligarques, et l’autre à l’extérieur : les États-Unis. »

Le site islandais propose une belle carte en relief de la guerre de Géorgie que nous ne résistons pas à vous faire partager :



Mais le défi est-il sur les marches de l'empire russe ?

Clairement oui, mais pas dans sa version otanesque. Le défi est sur le différentiel de développement qui va se constater dans quelques années dans les territoires russes mitoyens des territoires libres. La gabegie et la corruption endémiques à l'âme russe auront vite fait de ruiner tout effort de développement en fenêtre de l'empire, d'autant plus vite que les investissements étrangers sont freinés par les sanctions internationales. Ainsi entendra-t-on une fois de plus la babouchka de Kaliningrad confier à un micro non autorisé que tout ce qu'il y a de bien à Kaliningrad fut construit par les Allemands (fragment d'un reportage de 2005 dans l'enclave pour les 750 ans de fondation de la ville) !
On sait depuis lors que les habitants de l'enclave n'ont rien à f... de Moscou. Il n'a pas été difficile pour Ouest-France de trouver récemment quelqu'un dans cet état d'esprit (clic).

Ce désaveu national à la marge par le développement comparé va infuser lentement sur tous ces territoires, puis démoraliser les populations au contact de l'Ouest jusqu'à priver Moscou de tout soutien, mais le plus préoccupant est que l'équipe de kagébistes au Kremlin est incapable de faire autre chose que la guerre et encore par milices interposées. Depuis des décennies, ces gens ont montré leur incapacité à transformer une économie de rentes minières à l'africaine en une économie agro-industrielle, au moins auto-suffisante. Si vous trouvez un produit russe au supermarché, téléphonez-moi !

Ce que ne veulent pas accepter les thuriféraires français du Kremlin - quel crève-cœur de voir toute cette droite dite souverainiste embrasser les genoux du tyran au simple motif qu'il va à l'église et paie l'addition au restaurant ! - c'est que la Russie de Poutine est devenue un Etat policier gouverné par le FSB, avatar augmenté du défunt KGB.
Alors que l'Agence de jadis était en URSS un service puissant de sécurité de l'Etat, mais dirigé le plus souvent par un cadre supérieur du Parti soviétique, service qui se bornait à transmettre des rapports de police (police et basse police) au Politburo ; sous l'empire poutinien, l'Agence est devenue l'Etat lui-même. Les équipes ex-KGB du Kremlin ont noyauté tous les ministères, les gouvernorats, les présidences dans le but unique de protéger le régime nouveau de toute contestation dangereuse. Les cages sont pleines, à quand les cimetières ?

En conclusion, la seule réponse du monde libre aux caprices de Vladimir Poutine est le développement à outrance des marches, sans donner prétexte à des opérations de protection des minorités russes ! Délicat mais imparable à moyen terme. Joueur d'échecs, il le sait !

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