Il y aura trente ans aujourd'hui que Serge Gainsbourg est mort. Du foie, à l'âge de 62 ans. Il demeure une des ressources radiophoniques les plus diffusées dans le poste, ce qui maintient son souvenir dans l'esprit du populaire et cela durera longtemps. Lucien Ginsburg (1928-1991) a traversé une bonne partie du siècle le plus meurtrier de l'histoire en ne ratant aucune séquence. Fils de réfugiés russes juifs passés par Odessa, Istanbul et Marseille, le titi parisien ne loupera pas l'étoile jaune et vivra l'Occupation en danger ; ce qui créera quarante-sept ans plus tard l'album Rock Around the Bunker où il règle ses comptes avec le nazisme. Enfant de la balle, il sera mauvais élève, peintre méconnu autant que bidasse moyen et plein d'autres emplois, mais toujours bon camarade. Pour ce que j'en avais vu, il était même gentil avec les inconnus, avec qui il partageait aux heures d'embauche la corbeille à croissants au bar du coin (Richelieu-Petits-Champs). C'était jadis la marque des hommes "classe" en croisé banquier trois-pièces sur mocassins blancs Repetto, col ouvert : "Monsieur !"
Incorporé au régiment d'Enghien (93è RI), caserné alors au quartier Charras de Courbevoie d'où les Gardes Suisses partirent pour les Tuileries s'y faire massacrer un certain 10 août 1792, Lucien a fait son temps comme tout un chacun entre gnouf et corvées (il faisait le mur pour sauter sa copine), avant de replonger dans une vie de subsistance à petits métiers, jamais loin de son pianiste de père, Joseph. Puis la trentaine venue, il devint compositeur-parolier-interprète qui sut placer ses chansons dans la voix de chanteuses connues, acquérant à leur remorque une certaine renommée. Il ira jusqu'au bout de sa revanche sur la camarde, grandiose et terrible aussi ! Sa page de la Wikipedia est longue comme un rouleau de la Mer morte. Il la mérite (clic).
Gainsbourg repose au Montparnasse entre Baudelaire et Sartre. Il eut un enterrement de satrape comme beaucoup dans sa profession en ont rêvé. Avec "sa gueule de métèque" aurait pu dire Moustaki, l'homme à la tête de chou les a toutes eues avec un piège à filles prometteur. Et de ces toutes (la liste est discourtoise), c'est Bambou que j'avais préférée... parce qu'en plus de son charme vénéneux sino-germain, elle venait de la DDASS et fut sa veuve.
La production de Serge Gainsbourg est fournie et ses meilleurs titres sont sans doute L'histoire de Melody Nelson et pour Anna Karina Sous le soleil exactement, avec une mention particulière pour Fuir le bonheur qu'il avait écrit comme cadeau de rupture à Jane Birkin. Mais pour marquer cette journée du souvenir, j'ai choisi entre cent airs, Aux armes et caetera, l'hymne national tropicalisé, pure provocation qui souleva la bronca d'anciens parachutistes énervés, lesquels me firent bien rire quand l'ignoble vint sur l'avant-scène à Strasbourg chanter "leur" Marseillaise pour les mettre au garde à vous. Pour une fois, nous n'ajouterons pas les paroles à la suite, juste l'image du manuscrit de Rouget de l'Isle que Gainsbourg avait emporté de haute lutte aux enchères en 1981.
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Postscriptum
RépondreSupprimerParis-Match a l'élégance de republier en ligne et sans abonnement son reportage du 2 mai 1991 (n°2188) sur les dernières semaines de Serge Gainsbourg à Vezelay où il passa des jours heureux chez Marc Meneau, patron de l'hôtel-restaurant l'Espérance à Saint-Père. Reportage émouvant où je retrouve l'homme délicat que j'avais croisé et dont la gentillesse m'avait surpris :
Gainsbourg, ses derniers jours de bonheur (clic)
J'aime beaucoup Gainsbourg et son titre Aux armes et Caetera, c'est du génie !
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