Je prends le risque. Même si celle de Troie fit mentir Jean Giraudoux, la guerre de Kiev n'aura pas lieu. Le format Normandie-Niemen (NN) va l'engouffrer dans un tunnel diplomatique dont nul ne sait les conséquences... à l'Ouest. Certes, il serait facile de feuilleter l'histoire pour désigner l'Ukraine comme les Sudètes du petit tsar et les accords gaziers russo-allemands, le pacte Molotov-Ribbentrop. Mais deux acteurs du quadrille NN ne veulent pas se battre, laissant les deux autres comme chiens de faïence sur le manteau de la cheminée. Le plus important est Olaf Scholz qui a décidé qu'il n'irait pas sur la pente glissante d'une opération Barbarossa Reloaded. Le second est le comique-président Zelensky qui a l'intime conviction de s'entendre à la fin entre anciens amis avec Gazimir Poutine, même s'il hurle au charron (c'est un acteur). Ce "doute métaphysique" enrage les saber-rattlers de l'anglosphère qui instrumentalisent sans vergogne la crise géopolitique européenne à compenser leurs déboires de politique intérieure. Boris Jonhson n'est plus que l'ombre du clown hirsute et triomphant qu'il fut au débarquement de Theresa May (il faut lire la presse anglaise en ligne); ses palinodies ne font plus rire personne en Angleterre, les enquêtes sur les pots de départ ou d'anniversaire, pendant le confinement et le deuil de la reine, avancent. Le Brexit est devenu un joyeux bordel dans les mains d'incapables, et tout le Royaume-Uni les dénoncent comme de super-connards.
Joe Biden quant à lui, descend l'escalier du désastre des élections de mid-term qui verra le Parti de l'Âne perdre de sa superbe dans les deux chambres du Congrès de Washington. Pressé par l'horloge biologique, il a précipité le travail législatif et n'a pas sû mater ses Insoumis, lesquels ont horripilé de leur brocante socialiste le camp républicain. On peut ajouter que la campagne politique ininterrompue de Donald Trump est particulièrement déloyale et peu digne, venant d'un ancien président ; mais deux procureurs de New York s'affairent aux affaires et vont le faire tomber du côté qui penche, le côté fiscal comme Al Capone.
Joe Biden n'est pas fou au point de déclencher une guerre européenne pour remporter les Mid-Terms et continuer l'aventure de sa vie (il a parlé de se représenter en 2024); mais il peut subir une crise d'hypothermie politique et laisser passer des ordres dangereux mal-compris. Il gaffe en continu ! Alors que nous reste-t-il ?
Les chancelleries françaises et allemandes sont parfaitement à l'aise pour analyser tenants et aboutissants de la paranoïa poutinienne. Elles l'ont déjà fait. Poutine et Lavrov, son Raspoutine, ont fait une erreur majeure en balayant toute négociation avec les pays d'Europe occidentale, privilégiant la confrontation "d'homme à homme" avec le patron de l'Alliance atlantique. Ce statut de grande puissance mondiale obtenu de haute lutte n'est pas tenable pour une économie du niveau celle de l'Espagne parce que le tonnage d'acier en mouvement et le chantage aux matières premières n'y suffira pas longtemps. Mobiliser des divisions en rase campagne pendant des semaines, faire tourner les escadres et voler des bombardiers et gros-porteurs a un prix, un prix très élevé en intendance, logistique et usure nerveuse des troupes et des états-majors. Ce que peut faire la Chine, deuxième économie mondiale adossée à 1,4 milliards d'habitants, la Fédération de Russie, peinant à administrer un vaste empire des neiges sur onze fuseaux horaires avec seulement 0,146 milliard d'habitants, ne peut le faire.
Discuter avec l'Allemagne, la France et l'Italie aurait été certainement plus fructueux pour le Kremlin. Non qu'ils auraient cédé sur l'essentiel, mais auraient su trouver des accomodements latéraux préservant la face des excités. Et l'essentiel, c'est quoi ?
Contrairement aux pharisiens à principes, l'essentiel n'est pas le droit international qui n'est institué que pour être violé, mais c'est la paix du gaz et l'orgueil de l'ours, pour ne pas dire la vie des gens. Ce qui font profession de juriste international vont avoir une rupture d'anévrisme, mais qu'ils sortent du chapeau les séquences d'apaisement que ce fameux droit international a suscité en temps de crise ! Il n'y en a pas. C'est de la décoration (comme les lois fondamentales du royaume). On peut donc s'asseoir sur deux concepts mais on peut menacer en même temps sur deux frontières.
Les deux concepts brandis par le Département d'Etat sont la porte ouverte de l'OTAN et l'ukrainéité de la Crimée. Je me souviens parfaitement qu'après la dissolution du Pacte de Varsovie, Bill Clinton s'était opposé à la candidature des quatre de Visegrad. Mais avant de continuer, faisons un sort à la légende de l'élargissement sournois de l'Otan vers l'Est sous la période Gorbatchev que l'Occident aurait trompé : les discussions diplomatiques concernaient alors le statut de l'Allemagne un jour réunifiée et le déport de la frontière atlantique de l'Elbe à la ligne Oder-Neisse. L'URSS existait toujours, avait trois cent mille hommes en RDA, et le Pacte de Varsovie, contenant entre autres les pays de Visegrad, était toujours en activité (relire le Diplodocus). C'est après l'effondrement de l'URSS que ça a bougé. Accueillir les pays de l'Est ? Bill Clinton y voyait un puits sans fond pour la rénovation en dollars d'une énorme casse militaire rouillée, avec pour seul avantage de crisper les futures autorités russes desquelles on attendait des accords d'investissements lourds en Russie libre. Entre deux "cigares", il avait vu clair ! Mais l'insistance de la Pologne d'abord, actionnant un lobbying efficace sur la côte est, permit de forcer la porte de l'OTAN, et suivirent les autres du groupe précité, bien conscients que la situation nouvelle ne resterait pas si calme en Europe orientale quand l'écume de l'effondrement soviétique aurait disparu. En fait, comme sous l'avons trop souvent dit sur ce blogue, l'élargissement de l'OTAN vers l'Est est le résultat d'une avancée des pays libérés par l'URSS vers l'OUEST, mais pas d'une politique délibérée d'endiguement de la Fédération de Russie, même si l'accession au pouvoir d'un lieutenant-colonel binaire du KGB d'un mètre 65 a fini par rafraîchir l'ambiance.
Donc la "porte ouverte de l'OTAN" est un concept relativement récent, comme en inventent régulièrement les gnomes en soupentes pour organiser le monde à leur main. On peut très bien dire que le concept a vieilli et finlandiser l'Ukraine avec des garanties physiques sérieuses au sol. Pour commencer, le Donbass doit retourner sous la souveraineté de Kyiv dans une fédération des provinces relativement autonomes. C'était en filigrane dans l'accord de Minsk. Des accords commerciaux avec l'Union européenne doivent être possibles (sur le modèle turc) et toute intégration peut prévoir la participation de la Russie à la table de négociation (compter dix ans de travail intense !). En contrepartie, les forces russes doivent reculer à bonne distance de la frontière ukrainienne et cesser les manœuvres à portée d'artillerie. Les attaques cybernétiques doivent cesser et les usines à trolls russes, fermées.
La Crimée historique fut tout (tatare, ottomane, russe) sauf ukrainienne. Elle est composée de deux entités: la municipalité de Sébastopol qui est une ville à statut fédéral comme Moscou et Saint-Pétersbourg (elles ne sont que trois), avec la base navale impériale des mers chaudes ; et le désert de Crimée gouverné par Simféropol. Ce désert de Simféropol sans eau ni ressources pourrait entrer dans une fédération ukrainienne avec la République Populaire de Lougansk et la République Populaire de Donetsk. La presqu'île de Crimée est accédée par un pont mixte fer-route au-dessus du détroit de Kertch qui termine la mer d'Azov baignant les côtes des deux adversaires. Il y a donc matière à parler ensemble de choses concrètes et développables. Mais comme on ne peut compter sur la bonne foi perpétuelle russe que célèbrent chez nous les agents d'influence du Kremlin incroyablement nombreux ces jours-ci, il s'agit de mettre en scène, sans pour autant les actionner, des menaces implicites sur deux frontières sensibles de la Fédération de Russie : la triple frontière balte avec les eaux de la Baltique orientale au nord-est de Gotland ; la frontière polono-russe de l'enclave de Kaliningrad. Comme souvent dit ici, il faut faire une offre de développement conjoint de l'enclave russe située au sein de l'Union européenne, et le faire savoir au peuple russe pour lui montrer que l'Occident n'est pas l'ogre décrit par le parti de Poutine.
En résumé, l'Europe occidentale doit reprendre la main en douceur - que Macron et Poutine se parlent, c'est très bien - contre l'instrumentalisation anglo-américaine et l'hystérie polonaise du PiS. On ne doit pas craindre la "révolte" des PECOs qui, sans l'Union, ne sont que des bantoustans allemands. Alors oui, il se joue gros dans le format Normandie, mais j'ai un doute sur la finesse d'approche de notre danseur de claquettes.
Joe Biden quant à lui, descend l'escalier du désastre des élections de mid-term qui verra le Parti de l'Âne perdre de sa superbe dans les deux chambres du Congrès de Washington. Pressé par l'horloge biologique, il a précipité le travail législatif et n'a pas sû mater ses Insoumis, lesquels ont horripilé de leur brocante socialiste le camp républicain. On peut ajouter que la campagne politique ininterrompue de Donald Trump est particulièrement déloyale et peu digne, venant d'un ancien président ; mais deux procureurs de New York s'affairent aux affaires et vont le faire tomber du côté qui penche, le côté fiscal comme Al Capone.
Joe Biden n'est pas fou au point de déclencher une guerre européenne pour remporter les Mid-Terms et continuer l'aventure de sa vie (il a parlé de se représenter en 2024); mais il peut subir une crise d'hypothermie politique et laisser passer des ordres dangereux mal-compris. Il gaffe en continu ! Alors que nous reste-t-il ?
Les chancelleries françaises et allemandes sont parfaitement à l'aise pour analyser tenants et aboutissants de la paranoïa poutinienne. Elles l'ont déjà fait. Poutine et Lavrov, son Raspoutine, ont fait une erreur majeure en balayant toute négociation avec les pays d'Europe occidentale, privilégiant la confrontation "d'homme à homme" avec le patron de l'Alliance atlantique. Ce statut de grande puissance mondiale obtenu de haute lutte n'est pas tenable pour une économie du niveau celle de l'Espagne parce que le tonnage d'acier en mouvement et le chantage aux matières premières n'y suffira pas longtemps. Mobiliser des divisions en rase campagne pendant des semaines, faire tourner les escadres et voler des bombardiers et gros-porteurs a un prix, un prix très élevé en intendance, logistique et usure nerveuse des troupes et des états-majors. Ce que peut faire la Chine, deuxième économie mondiale adossée à 1,4 milliards d'habitants, la Fédération de Russie, peinant à administrer un vaste empire des neiges sur onze fuseaux horaires avec seulement 0,146 milliard d'habitants, ne peut le faire.
Discuter avec l'Allemagne, la France et l'Italie aurait été certainement plus fructueux pour le Kremlin. Non qu'ils auraient cédé sur l'essentiel, mais auraient su trouver des accomodements latéraux préservant la face des excités. Et l'essentiel, c'est quoi ?
Contrairement aux pharisiens à principes, l'essentiel n'est pas le droit international qui n'est institué que pour être violé, mais c'est la paix du gaz et l'orgueil de l'ours, pour ne pas dire la vie des gens. Ce qui font profession de juriste international vont avoir une rupture d'anévrisme, mais qu'ils sortent du chapeau les séquences d'apaisement que ce fameux droit international a suscité en temps de crise ! Il n'y en a pas. C'est de la décoration (comme les lois fondamentales du royaume). On peut donc s'asseoir sur deux concepts mais on peut menacer en même temps sur deux frontières.
Les deux concepts brandis par le Département d'Etat sont la porte ouverte de l'OTAN et l'ukrainéité de la Crimée. Je me souviens parfaitement qu'après la dissolution du Pacte de Varsovie, Bill Clinton s'était opposé à la candidature des quatre de Visegrad. Mais avant de continuer, faisons un sort à la légende de l'élargissement sournois de l'Otan vers l'Est sous la période Gorbatchev que l'Occident aurait trompé : les discussions diplomatiques concernaient alors le statut de l'Allemagne un jour réunifiée et le déport de la frontière atlantique de l'Elbe à la ligne Oder-Neisse. L'URSS existait toujours, avait trois cent mille hommes en RDA, et le Pacte de Varsovie, contenant entre autres les pays de Visegrad, était toujours en activité (relire le Diplodocus). C'est après l'effondrement de l'URSS que ça a bougé. Accueillir les pays de l'Est ? Bill Clinton y voyait un puits sans fond pour la rénovation en dollars d'une énorme casse militaire rouillée, avec pour seul avantage de crisper les futures autorités russes desquelles on attendait des accords d'investissements lourds en Russie libre. Entre deux "cigares", il avait vu clair ! Mais l'insistance de la Pologne d'abord, actionnant un lobbying efficace sur la côte est, permit de forcer la porte de l'OTAN, et suivirent les autres du groupe précité, bien conscients que la situation nouvelle ne resterait pas si calme en Europe orientale quand l'écume de l'effondrement soviétique aurait disparu. En fait, comme sous l'avons trop souvent dit sur ce blogue, l'élargissement de l'OTAN vers l'Est est le résultat d'une avancée des pays libérés par l'URSS vers l'OUEST, mais pas d'une politique délibérée d'endiguement de la Fédération de Russie, même si l'accession au pouvoir d'un lieutenant-colonel binaire du KGB d'un mètre 65 a fini par rafraîchir l'ambiance.
Donc la "porte ouverte de l'OTAN" est un concept relativement récent, comme en inventent régulièrement les gnomes en soupentes pour organiser le monde à leur main. On peut très bien dire que le concept a vieilli et finlandiser l'Ukraine avec des garanties physiques sérieuses au sol. Pour commencer, le Donbass doit retourner sous la souveraineté de Kyiv dans une fédération des provinces relativement autonomes. C'était en filigrane dans l'accord de Minsk. Des accords commerciaux avec l'Union européenne doivent être possibles (sur le modèle turc) et toute intégration peut prévoir la participation de la Russie à la table de négociation (compter dix ans de travail intense !). En contrepartie, les forces russes doivent reculer à bonne distance de la frontière ukrainienne et cesser les manœuvres à portée d'artillerie. Les attaques cybernétiques doivent cesser et les usines à trolls russes, fermées.
La Crimée historique fut tout (tatare, ottomane, russe) sauf ukrainienne. Elle est composée de deux entités: la municipalité de Sébastopol qui est une ville à statut fédéral comme Moscou et Saint-Pétersbourg (elles ne sont que trois), avec la base navale impériale des mers chaudes ; et le désert de Crimée gouverné par Simféropol. Ce désert de Simféropol sans eau ni ressources pourrait entrer dans une fédération ukrainienne avec la République Populaire de Lougansk et la République Populaire de Donetsk. La presqu'île de Crimée est accédée par un pont mixte fer-route au-dessus du détroit de Kertch qui termine la mer d'Azov baignant les côtes des deux adversaires. Il y a donc matière à parler ensemble de choses concrètes et développables. Mais comme on ne peut compter sur la bonne foi perpétuelle russe que célèbrent chez nous les agents d'influence du Kremlin incroyablement nombreux ces jours-ci, il s'agit de mettre en scène, sans pour autant les actionner, des menaces implicites sur deux frontières sensibles de la Fédération de Russie : la triple frontière balte avec les eaux de la Baltique orientale au nord-est de Gotland ; la frontière polono-russe de l'enclave de Kaliningrad. Comme souvent dit ici, il faut faire une offre de développement conjoint de l'enclave russe située au sein de l'Union européenne, et le faire savoir au peuple russe pour lui montrer que l'Occident n'est pas l'ogre décrit par le parti de Poutine.
En résumé, l'Europe occidentale doit reprendre la main en douceur - que Macron et Poutine se parlent, c'est très bien - contre l'instrumentalisation anglo-américaine et l'hystérie polonaise du PiS. On ne doit pas craindre la "révolte" des PECOs qui, sans l'Union, ne sont que des bantoustans allemands. Alors oui, il se joue gros dans le format Normandie, mais j'ai un doute sur la finesse d'approche de notre danseur de claquettes.
Postscriptum du 22.02.2022
En ordonnant à ses troupes d’entrer dans les territoires séparatistes du Donbass dans la nuit du lundi 21 au mardi 22 février, Vladimir Poutine a déchiré les Accords de Minsk, détruit le Format Normandie, et provoqué une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ ONU. La diplomatie européenne est en échec et le binôme franco-allemand retiré du jeu de l'oie. La main repasse à Washington.
En ordonnant à ses troupes d’entrer dans les territoires séparatistes du Donbass dans la nuit du lundi 21 au mardi 22 février, Vladimir Poutine a déchiré les Accords de Minsk, détruit le Format Normandie, et provoqué une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ ONU. La diplomatie européenne est en échec et le binôme franco-allemand retiré du jeu de l'oie. La main repasse à Washington.
Sur son blog "La voie de l'épée" le colonel Goya doute d'une attaque russe massive contre l'Ukraine et termine son article ainsi :
RépondreSupprimer"Quand les Russes veulent réellement combattre, ils ne s’agitent pas auparavant pour convaincre Congrès et opinion publique comme aux Etats-Unis. Quand ils s’agitent, c’est qu’ils veulent obtenir des gains diplomatiques. Mais il peut arriver que l’on finisse par rompre avec les habitudes. Le déploiement dans les semaines à venir de nombreux hôpitaux de campagne, une ressource rare que l’on ne peut maintenir très longtemps sans être utilisée, sera le vrai indicateur que Vladimir Poutine envisage de verser beaucoup de sang."
Une source occidentale généralement bien informée signale que les forces russes ont approvisionné des poches de sang au niveau des groupements tactiques mixtes sur le front ukrainien.
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