jeudi 14 septembre 2006

Une diplomatie refondée

Après avoir critiqué la "diplomatie souverainiste" que Paul-Marie Coûteaux a promu dans le trimestriel Les Epées n°20 sous le titre "Une politique de rechange", nous arrivons aux propositions.
Il est loin le temps de l'omniprésence française sur les théâtres diplomatiques du monde, où les choses et les gens se réglaient en français. Il reviendra peut-être un jour. En attendant notre insurgence par l'inlassable industrie des générations futures cherchons que faire pour relever immédiatement notre diplomatie.
Mon parti-pris est de nous économiser la colère du constat ; ou le résultat de l'autopsie si vous préférez.
Partons de zéro.

Quels sont les atouts de la France vis à vis du monde extérieur, et parmi eux, ceux qui peuvent être adossés à des positions intérieures solides ? Nous verrons aussi tous les inconvénients de nos manques et de nos défauts. Il suffit de parler à nos amis et à ceux qui le sont moins.
En tête - l'industrie du luxe (le Papou sait que Chanel 5 est fait en France même s'il ignore tout à fait où ça se trouve)

Puis, plus ou moins dans l'ordre de fréquence des citations :
- la culture classique (et tous les arts, jusques et y compris l'école impressionniste) et l'attrait touristique;
- la gastronomie et la viticulture;
- la philosophie des Lumières (ça ne nous arrange pas beaucoup, nous) et tout le XVIII° siècle en général;
- l'industrie de pointe, l'aéronautique (Concorde) et le spatial (Ariane);
- l'industrie nucléaire (ITER nous renforce bougrement en prestige même si nous devons repartager beaucoup derrière);
- l'industrie ferroviaire (le TGV).
Et dans un second train de citations on va trouver pêle-mêle, l'armement, les French Doctors, la langue française (grec mathématique moderne), la Légion Etrangère, le non-alignement (grâce à De Gaulle), les joueurs de foot (Zidane, Henry), l'Institut Pasteur.
Curieusement absents : l'industrie navale, hors de France on ignore que le Queen mary 2 vient de Saint-Nazaire ; l'industrie céréalière et laitière ; l'industrie automobile (sauf à citer Citröen et ses suspensions) ; les sports d'hiver ; l'industrie pharmaceutique; le bronze-culs méditerranéen (l'Italie et l'Espagne font plus grand que nous dans le genre) et la bancassurance.

Maintenant que nous manque-t-il pour soutenir nos ambitions historiques ?
- Les moyens budgétaires. Nous en sommes à servir la Dette Publique avec le déficit qui la creuse !
- Une armée à longue portée, et l'escadre qui va avec (ne parlons même pas de la frilosité d'engagement des Etats-Majors et du commandant suprême);
- La solidité de notre coalition de clients qui sont tous à vendre pour une valise de dollars en Suisse;
- Des communautés expatriées nombreuses et soudées;
- Quelques succès diplomatiques, même modestes.

On aperçoit déjà que notre axe d'efforts tendra vers le qualitatif plutôt que vers le quantitatif. C'est de l'humour mais pas seulement.
La France peut avoir une influence décisive dans le monde, en privilégiant les hautes sphères de l'excellence à travers sa diplomatie. L'effort sera énorme au niveau consulaire, me dit-on dans l'oreillette. Certains pays sont déjà prêts à nous écouter si nous sommes sérieux. La Chine nous désigne sous le nom de Fa Guo, ce qui veut dire le Pays de la Loi !

la Justice par Raphaël
I.- Prenons donc en compte le droit international et ses évolutions en tous domaines et pas seulement dans les compartiments qui nous touchent. Précédons le mouvement pour une fois. Nous avons les compétences même si elles sont rares, et peu entendues si elles ne travaillent qu'en français. Dans quelque temps notre voix dans les enceintes internationales sera écoutée plus attentivement. Triplons, quadruplons les chaires de droit international, et que nos universitaires publient sans freins, harcèlent les instances judiciaires, contestent leurs jugements, élaborent des jurisprudence, noient le domaine carrément. C'est moins cher qu'un porte-avions et ça ne coule pas !

fjord en péril
II.- Un autre axe de rayonnement est la qualité de vie. Nous actionnons ici trois atouts, la gastronomie et viticulture, le luxe, les arts, en sus de notre agriculture que l'on peut instrumentaliser dans cette direction (on le fait déjà dans une structure séparée du Quai d'Orsay). Devenons donc les champions de la sauvegarde de l'environnement. Il est irritant de voir le flambeau saisi par la Nouvelle Zélande, justement par ceux qui ont peu d'efforts à faire au-delà de la méthanisation de l'air ambiant par un cheptel pléthorique ! Nous pourrions être un puissant laboratoire d'idées, ce qui équilibrerait notre affichage atomique, et serions sûrs d'être pré-éminents quand les conditions de survie de la planète seront discutées au plus haut niveau. Il paraîtrait que le jour du grand forum se rapproche à grand pas d'après Al Gore. L'environnement est accessoirement un formidable réservoir d'emplois.

pays francophones
III.- Voulons-nous un troisième axe pour être tout à fait cartésiens ?
Choisissons dans nos atouts la culture, le tourisme, les arts et ficelés avec le non-alignement, mettons-les au service de la francophonie. C'est le seul projet bien entamé, mais il prend de la bande, faute de moyens et d'enthousiasme. La francophonie ne pourra véritablement jaillir comme l'autorise la qualité universelle de la langue-porteuse que si l'on avance sur une base de réciprocité. C'est Boutros Boutros Ghali, ex-secrétaire général de cette vénérable institution, qui le recommandait. Promouvoir l'arabe classique en France déclenchera une promotion du français classique en Egypte. Faisons-le aussi avec le mandarin, le japonais, ou le malais, dans des programmes d'échange ambitieux avec des pays capables de financer leur quote-part. La langue est le fourrier de tout le reste, mais on ne peut plus l'imposer comme au XIXè siècle avec un fusil chassepot. Il faut ruser !

Pour mobiliser notre diplomatie sur ces axes et compte tenu des moyens disponibles, il est probable qu'il nous faudra démonter une partie de notre réseau actuel, abandonner des domaines qui ne rapportent rien ni en prestige, ni en audience, ou pire qui nous desservent ; et nous recentrer sur les cibles qui résonnent bien quand on les touche. Il est présomptueux de commencer une liste des branches mortes, mais une piste de réflexion serait de constituer un réseau Union européenne qui rassemblerait à peu de frais les intérêts de tous sur des destinations exotiques de peu de retour sur investissement. Le Vatican ? La Bolivie ? On pourrait mêrme confier la clé de ces ambassades communes à Malte et à Chypre, qui ont conservé le génie de la négociation orientale. A poser aussi la question de la pertinence des ambassades réciproques au sein de l'Union européenne à l'époque du portable !
Nous renforcerions alors nos positions dans les zones stratégiques sur les trois axes précités.

Et l'excellence cultivée partout comme des champignons de Paris nous garantira sans doute de conserver notre siège décisif aux Nations Unies.
Même pauvre et malade, on ne jette pas le professeur !

Il ne reste plus maintenant qu'à lancer notre "trois-mâts" sur l'océan des nations. C'est ce que nous aborderons dans le troisième et dernier volet.

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