Les pouvoirs établis ne craignent en temps de paix que deux choses, les révoltes publiques surmédiatisées et la subversion tranquille de leur socle de valeurs. Certains, moins attentifs à leur pérennité qu'il ne faudrait, ne s'inquiètent que de l'une OU de l'autre. On peut comparer deux modèles actuels de gouvernement des peuples qui n'ont plus qu'un seul axe de surveillance de leur destin, le modèle chinois et le modèle français.
Le pouvoir chinois avait identifié deux dangers pour sa survie dans ce domaine très exposé à la critique de la "conscience internationale", la répression des laissés-pour-compte de la globalisation d'une part ; et d'autre part, la propagande des opinions nuisibles sur le Net.
Dans le premier cas, c'est affaire de maintien de l'ordre et la Conscience internationale qui se méfie des jacqueries spontanées, compatit en silence ; dans le second cas ils ne peuvent combattre l'épidémie que par le confinement des malades traités aux antibiotiques judiciaires, ce qui présuppose un corpus juridique adapté, mais qui peut servir de base solide à une dénonciation internationale.
Pourquoi donc l'administration chinoise tend-elle le bâton judiciaire pour se faire rosser ? Parce que la lutte des idées est prépondérante, et d'expérience, les communistes experts en bourrage de crâne et lavage de cerveau, connaissent la question sur le bout des doigts. Le désordre des esprits fut et reste le plus menaçant pour le régime, bien plus que les hiatus économiques qui jettent à la rue d'immense cohortes d'ouvriers licenciés par les combinats publics ou de paysans affamés par la cupidité des cadres locaux du Parti. Les idées peuvent coaguler parfois en grandes manifestations périlleuses pour un pouvoir bien établi et de nos jours elles se déplacent à la vitesse de la lumière. Nous ne citerons que deux noms qui font encore tousser dans les salons feutrés de la nouvelle Cité interdite de Zhong Nanhai : Tian An Men et Falungong.
Tian An Men ne fut pas qu'un Woodstock estudiantin en 1989 autour de la statue en carton-pâte de la Démocratie. La fièvre de la Perestroïka toucha jusqu'aux employés des corporations d'Etat et de certains ministères qui désertèrent leurs bureaux pour aller débattre et faire la fête avec les jeunes. Il y avait partout à Pékin une odeur de Mai 68. Le Parti lui-même se fracturait car Zhao Ziyang, Secrétaire général du PCC, prenait fait et cause pour les étudiants et la Réforme ! Les hiérarques de la Longue Marche firent donc monter une division blindée de province pour écraser toute cette "chienlit". De Gaulle avait eu le même réflexe en 68 mais Massu avait refusé d'activer le plan "Bâton Bleu". Le 4 juin 1989, les chars écrasèrent les chairs mais ne purent vaincre l'esprit de Tian An Men puisqu'il faut le débusquer encore sur le Web et mettre en ligne pour y parvenir des milliers de fonctionnaires zélés.
Falungong fut bien plus grave. C'est une secte puissante qui travaille dans le champ mental. La Wikipedia vous en dit plus. L'alarme fut sonnée à Zhong Nanhai quand une manifestation pacifique entoura les ministères en 1999. Le pouvoir suprême s'aperçut que nombre de cadres moyens et supérieurs des corporations et du Parti avaient adhéré. Des cellules locales de méditation, respiration, entraide philanthropique contrevenaient au principe de la grille communiste. Là encore la dérive s'observait au plan des idées, des croyances, des émotions. La répression si elle évita la barbarie de 1989, n'en fut pas moins brutale et complète. Les adeptes de Falungong furent purement et simplement désocialisés jusqu'à la mort civile.
En France c'est pareil quoique juste l'inverse. Le souci de la révolte bruyante prime celui de la subversion intellectuelle d'autant qu'on n'en ressent aucune chez les Renseignements Généraux, à part le prosélytisme islamiste.
Le pouvoir en place depuis le mois de mai se targue d'avoir gagné la bataille des idées, sans doute pour faire chic, car on voit bien que le corpus doctrinal sarkozien est très mince et le moteur de l'action gouvernementale essentiellement appuyé sur le ressort médiatique. C'est la bataille des médias que ce pouvoir a gagné, pas celle des idées.
Le champ des idées est curieusement déserté par tous depuis cette "victoire", comme si elles avaient péri dans le tumulte de la bataille électorale. Les quelques-uns qui en conservent ont rallié la ploutocratie au clairon et forment aujourd'hui quelque sorte de Conseil d'Etat privé du souverain. A côté de lui, ce sont des alibis sans idées préconçues qui vont au Conseil des ministres ; ces ministres sont pris en tenaille entre le cabinet Guéant qui siège à l'Elysée tranche et coupe, et ces commissions d'experts du Conseil d'Etat privé activant les meilleurs éléments du Parti socialiste ! Des idées ? S'ils n'en ont pas besoin pour l'instant, nous en avons, nous, de reste et de trop ! Il faut livrer !
N'entendant pas plus loin que l'idéologie libérale du Reader's Digest, notre chef d'Etat super-décontracté n'est pas attentif aux mouvements d'idées, contrairement au pouvoir chinois constipé et craintif qui les guette en permanence. Par contre l'insoumission corporatiste au programme de bonheur sarkozien total malgré nous le dérange, l'étonne, l'inquiète. Au premier frisson de grève ou de manifestation d'envergure, le gouvernement des alibis plie les gaules, s'excuse et reporte aux calendes, en privilégiant toujours la mise en scène de ses décisions de ne rien décider. On va le constater pour la réforme des régimes spéciaux qui sont une insulte au monde du vrai travail. Esquivons ! La fronde de la magistrature gronde, on va négocier peut-être sur une base indiciaire à la limite de la corruption sur les grilles de traitement, comme on le fait pour vendre à la FSU la réduction modeste des effectifs de fonctionnaires de l'Education nationale. Mais la vraie question est toujours "où est la caméra ?".
Après le conseil-spectacle de Strasbourg, MAM va jouer au ministère de la Police dans des baraques Algeco posées sur la place Bellecourt de Lyon. A quand les réunions de la Chancellerie à Fleury-Mérogis avec FR3 et les réunions du SGDN en immersion profonde avec le SIPA ? Pendant le déroulement du spectacle qui doit forcément durer cinq ans à peine d'effondrer toute l'entreprise, soyons sérieux, nous, poussons nos idées.
Le pouvoir craignant surtout l'insurrection du secteur protégé de 1995 qui a vaincu un des plus braves du sérail (A. Juppé), se désintéresse de la fermentation des esprits. Dans les revues on ne surveille que les photos. Il y a donc un boulevard pour le mental ! Le champ intellectuel disions-nous, est déserté par les activistes de la profession, tous les acteurs qui d'ordinaire s'y engagent sauf quelques purs, ont fui vers les prébendes. Ne restent en fonction que des universitaires qui compilent dans leur coin. Plus d'idées en débat qui encombreraient l'espace d'échange d'images ? C'est le moment d'être nous-mêmes : Avançons les nôtres !
Adroitement liées dans un souci de cohérence, l'expression de nos idées doit être "digeste" et diffusée au plus large, toujours dans le but d'acclimater la monarchie dans l'Opinion. Pour cela, il faut rédiger un schéma institutionnel bien argumenté, mais lisible par le vulgum pecus dont je suis - ce qui me permettra de juger le niveau de persuasion de la propagande - schéma que l'on portera à la connaissance du plus grand nombre. En l'état des contributions financières au mouvement royaliste, et pour son efficacité prouvée ailleurs, le véhicule désigné est Internet.
Mais Internet est un océan de possibilités. Le faisceau de communication sur la Toile doit être choisi après une analyse poussée des voies et moyens offerts par ce véhicule, analyse qui doit être confiée à un groupe de travail de vrais professionnels.
Laissons donc de côté la musculation pour le moment - le pouvoir est en phase d'acquisition de données sur tout ce qui peut se passer dans la rue - et investissons plutôt le champ mental. Dans l'histoire du mouvement il n'y a jamais eu de relais aussi puissant à disposition que celui représenté par Internet aujourd'hui. Mais si l'accès y est donné à tout un chacun, le succès n'y est promis qu'aux initiés et aux persévérants. A suivre ?
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Je pense que vous avez raison. L’action à mener n’est pas dans les baroud d’honneur, mais plutôt, comme vous le dites, à exercer de façon professionnelle sur le plan des idées et avec les moyens d’internet, de façon à atteindre l’objectif primordial (et de guérir ainsi notre talon d’Achille) qui est d’acclimater la monarchie dans l'Opinion que s’en fait tout un chacun.
RépondreSupprimerCe serait une grande bataille gagnée. Car les changements de régime ne peuvent se faire sans soutien, même diffus, dans les esprits.
Et d’abord, comme vous le précisez, se pencher, en faisant appel à des professionnels de la communication, sur une analyse des voies et moyens offerts par le net.
J’ajouterais, mais c’est implicite dans votre billet, en sériant les publics à atteindre
A ce titre, on peut constater que l’on se perd (je me perds moi-même) dans les multiples sites monarchiques rencontrés sur le net.
On ne peut faire, il me semble, abstraction de notre diversité, mais ou moins rendre lisible le projet, ce qui aboutira peut être à fédérer des moyens, afin qu’un ou quelques sites à l’audience avérée puisse émerger dans le grand public, pareil pour les newsletter, alertes, forum etc….
Je ne peux, par ailleurs, que louer le caractère professionnel de votre propre site, même si ce n’est pas un site pour le grand public. Je l’ai apprécié dès que je l’ai découvert, il y a plusieurs mois, et le consulte régulièrement.
Merci cher Ulysse de vos commentaires appuyés.
RépondreSupprimerLe problème - et ce sera l'objet du volet 2 de cette "bataille des idées" sur RA - est que la communication royaliste est trop brouillée pour qu'aucun axe fort et clair émerge. Il n'y a pas non plus de plan général de propag... communication, les quatre chapelles se jalousant comme des chaisières d'église ! Sans parler des cercles pleureurs ...
La solution est là, elle arrive... tout au moins le début d'une partie, et notamment dans cet axe de la communication.
RépondreSupprimerPatienterez-vous quelques jours ?
Ulysse a raison !
La communication royaliste actuelle est tout à fait microcosmique aurait dit Raymon Barre, mais ce n'est pas le même. Celui-ci est microscopulaire !
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