samedi 24 novembre 2007

Diplomate au possible !

François-Georges PicotMonsieur Kouchner est l'ami de toute la planète, à se précipiter sans retenue sur ses alter ego pour les serrer dans ses bras, sous le regard des caméras surtout. Ainsi, par cette gesticulation, nous sommes l'ami du monde entier ! Et quelques gesticulateurs précoces de nous imiter et embrasser à tout va. Bizarre, ils sont tous très marqués à gauche. Notre président aime bien les effusions lui aussi. Nous sommes gouvernés par des coeurs chauds. Toujours les Enfants de la Télé. Au conseil des ministres, il leur manque Pierre Tchernia en commandeur muet, amusé mais muet !
...

Le Protocole a-t-il prévenu la délégation que les Chinois détestent les bisous, un geste de folles à cage, c'est épidermique chez eux, la bulle est inviolable, ils vont souffrir de notre chaleur. Mais si nous plaçons un ou deux TGV, une ou deux centrales nucléaires et une ou deux frégates, tout leur sera pardonné. La France y va avec un agenda à géométrie variable, la Chine reçoit sur un agenda carré dont on ignore trois coins sur quatre. Les touristes chez les professionnels ! Les chemises à fleurs chez les cols cassés. Mais qu'importe le voyage aura été un succès, comme tout ce qu'entreprend le shadow cabinet de l'Elysée, tout est question de "com". On leur devra un jour le lever quotidien du soleil !

De "com", pas tout quand même ! Beyrouth est une grosse déception ; et le chef du Quai de clamer partout son innocence. Il les a tous vus, dix fois. Ca n'a servi à rien ! Il n'a servi à rien. La France n'a servi à rien. Comment pourrait-il en être autrement après la diplomatie calamiteuse de l'ère Chirac, fondée sur le copinage, pour ne pas dire plus, il est assez chargé. Nous étions l'ami d'Hariri, de la famille Hariri, des chantiers Hariri, de la banque Hariri. On nous a tué Hariri ! Il est bien normal dès lors ... de coucher chez Hariri, quai Voltaire, en attendant mieux ! Où est passée la politique arabe du Quai d'Orsay entre-temps ? A la mer ! Comment voulez-vous jouer les bons offices en étant si marqué d'un bord, et pire si inefficace dans les moments graves. Ceux que nous avions déclaré ennemis du genre humain se portent comme des charmes, nos "amis" sont à la peine. Il y a de quoi douter de la shcoumoune française.

La France a "perdu" le Liban lors de la guerre Israël-Hezbollah de l'été 2006. Le pays frère - comme le répète encore M. Kouchner - fut durement attaqué au sud et au nord par les armées de Tsahal et, en certains territoires, réduit en cendres. Que le déclenchement des représailles juives ait été dans l'ordre normal des choses après que la guérilla du Hezbollah ait capturé des soldats en patrouille, la réplique attendue ne justifiait pas les dévastations, surtout quand il fut clair que les bombes anti-bunker israéliennes étaient inférieures en pénétration à ce que les ingénieurs avaient revendiqué pour enlever un marché d'armement promis initialement aux Etats-Unis. L'infanterie du Hezbollah s'était vissé les joyeuses au fond de ses tranchées et ne reculait pas malgré l'artillerie et l'aviation, jusqu'à envoyer 6000 roquettes et missiles vers Israël (901 ont percuté sur des villes) ! Et au corps à corps, l'avantage de Tsahal ne pouvait être décisif puisqu'en guérilla il n'y pas de corps-à-corps (élémentaire, mon cher Watson).

Que fit le président Chirac pour que cesse cette foutaise militaire et que le Liban soit préservé de destructions pires que celles qu'il venait d'endurer dans les tout premiers jours de l'attaque :
La France affréta un ferry chypriote pour évacuer ses ressortissants ! En passant, on m'expliquera pourquoi les domestiques de nos ressortissants évacués ne le furent pas, mais tout simplement abandonnés sur place avec une poignée de figues et aucune solution de survie sauf la débrouille ; nous avons nos porcs aussi.
Puis, pour protéger notre ferry des "erreurs" collatérales de nos amis les Hébreux, nous avançâmes l'escadre ! Avec l'ordre impératif aux commandants des navires de ne se mettre jamais dans aucune situation de provocation, réplique ou autorisation. Pendant ce temps le Liban brûlait.

Avions-nous les moyens techniques d'interdire tout ou partie (nord du Litani) de l'espace aérien libanais aux attaques israéliennes. Certainement oui ! Nous disposons des aéronefs et des missiles qui vont avec. Avions-nous la volonté politique de franchir ce seuil ? Impossible à savoir mais j'en doute fort par le principe de précaution ! Avions-nous les autorisations nécessaires ? Sans aucun doute, non ! Les Etats-Unis étaient complètement dans le film "Israël contre le corps expéditionnaire iranien au Liban". L'humiliation gratuite que nous avions fait subir aux Etats-Unis lors de la dispute irakienne à l'ONU n'a pas dû non plus nous aider dans ces circonstances, ni le Liban par ricochet. S'il s'agissait de montrer aux Libanais que l'alliance française ne leur servait à rien, les Américains ont réussi.
Le Liban, par son incapacité chronique à maîtriser ses espaces en frontière, fut dévasté par une guerre qu'il n'a pas voulu sous notre regard impassible et malgré les coups de menton de Pinarque Ier, qui, comble de la honte, se déroba à l'ONU quand il fallut réunir les troupes du tampon sous commandement italien.

Krak des Chevaliers de l'Hôpital
Le Quai d'Orsay est bourré de gens doués, compétents, cultivés et souvent de haute extraction. Le ministère des Affaires Etrangères est staffé par des touristes allemands en shorts.

Observez au même moment le Foreign Office. Sauf en Irak, les trouvez-vous dans ces combats perdus d'avance. Sont-ils au Proche Orient ? Sont-ils en Afrique, dans le Pacifique ? Sont-ils en pointe sur la question iranienne ? Certes ils souffrent en Irak, car à la fin d'une analyse qui s'est avérée fausse, ils ont décidé de ne pas en dire plus et de taper dur, en renfort du gouvernement pétrochimique américaine ! Pourtant ils ne débordent pas du théâtre d'opérations quoique ils opèrent sur leur ancienne zone d'influence. Ils s'en désintéressent, du moins font-ils mine, pour ne pas y être convoqués, et laissent au Marché de se préoccuper des approvisionnements indispensables. BP et Royal Dutch Shell sont faits pour ça ! Finalement tout le nécessaire s'achète avec un téléphone. Pas besoin d'envoyer la Légion ! Il leur en cuit d'autant plus d'avoir dérogé à la règle impériale du "benign neglect" et de s'être ensablés.

Je ne connais pas la grille de lecture diplomatique de nos princes. Sur le Proche-Orient, elle semble ancrée sur le royaume franc de Jérusalem (1099-1291) et son avatar moderne, le mandat de la SDN (1920-1946) qui concrétisait les accords Sykes-Picot au profit des bons pères. Nous sommes en 2007 et la question israélo-arabo-persique est une grosse affaire, puisque M. Kouchner nous a promis la guerre, et zappe Pékin pour rejoindre la dispute à Annapolis lundi prochain. A dire vrai, je ne crois pas que l'histoire puisse contribuer à sa solution, pas même à son apaisement, parce que chacune des parties impliquées privilégie sa lecture de l'histoire, forcément à son avantage. Les Juifs sont des Daces, les Palestiniens des gardiens de chèvres égarés chez les Philistins, les Chrétiens du Liban des blonds de la souche de Japhet, les Chiites des nègres clairs asservis par les Mongols, les Kurdes des bandits corses, pourquoi pas, etc.
Que nous importe au fond, il faut juste déterminer où sont nos intérêts légitimes. En dehors des approvisionnements pétroliers, nous n'avons aucun intérêt critique au Moyen Orient, jusqu'à ce qu'ils révisent la charia et se mettent au cabernet franc. Nous y avons des sympathies. Essentiellement au Liban et en Syrie, à Jérusalem-est, et autrefois chez les Kurdes ; Pierre Rondot (†2000), saint-cyrien et orientaliste érudit fut un kurdisant émérite. Peut-être M. Kouchner pourrait-il s'initier à la connexion franco-kurde entre un cocktail et un bal masqué ? Ça revient à la mode avec la partition de l'Irak.

Michel AounAvec les faibles moyens que nous pouvons mobiliser sur la zone - quand nous y sommes autorisés -, il serait sage, comme le font tous nos voisins, de confier la défense de nos approvisionnements pétroliers à l'Alliance atlantique qui a la taille critique pour policer le Golfe persique, et ramener nos "ingérences" levantines à proportion de notre influence culturelle, qui pourrait d'ailleurs être beaucoup développée dans le domaine scientifique.

Abandonnons la gesticulation politique à Beyrouth à laquelle il me semble que nous ne fûmes jamais invités par les parties prenantes mais auxquelles nous nous sommes imposés, comme médiateur, titulaire de la chaire patriarcale de médiation levantine ! Qui comprendra le général Aoun si ce n'est lui-même ?

Realpolitik ? pragmatisme stratégique ! Essayons de briller par le génie français plus que par des canonnières dispendieuses que nous ne commandons pas. Il semblerait au contraire que nos princes privilégient le "farà da sé" loin de l'Alliance, avec des moyens que sans doute nous ne soupçonnons pas. La bannière de l'Hôpital flottera-t-elle à nouveau sur le Krak des Chevaliers ?
Si les princes le croient, nous sommes mal.

écu à la croix


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