jeudi 18 juin 2009

L'Allemagne seule ?

FisherProject Syndicate¹ publie ces jours-ci une analyse sur «l'Allemagne et l'Europe» de l'ancien ministre des affaires étrangères du chancelier Shröder, Joschka Fisher. On peut la lire en français en cliquant ici, ce n'est pas très long, et sa concision ne diminue en rien sa pertinence. L'approche du ministre vert est parallèle à celle de certains royalistes qui doutent de l'Europe mais qui ne veulent pas détruire l'outil car il n'y a pas d'alternative dans notre Village Global pour les pays trop "moyens".
Les partenaires économiques et stratégiques de l'Allemagne s'inquiètent du peu de réactions solidaires de Berlin dans aucun des compartiments où la convoque la Crise. Or, l'Allemagne ne répond pas à ces inquiétudes mais s'en désintéresse, même si la pièce franco-allemande poursuit ses représentations où chaque acteur surjoue son rôle, pour "continuer encore un peu l'histoire". A dire vrai, la Deutschland AG a fait sécession. Non pas dans les formes tonitruantes que choisit souvent la France de peur qu'on l'oublie, mais dans les faits...

excavatrice géanteToujours très remontés contre l'onéreuse technocratie bruxelloise, les Allemands ont été déçus de son impuissance, voire de son imbécillité quand la bise fut venue. La Commission ne servait à rien sous l'orage, sauf à contraindre et produire des projets de plus en plus lourds et opaques, comme si de rien n'était. Politiquement, au sens noble, elle ne savait rien faire, et ses figures de proue reflétaient dans l'océan du Monde l'image de volubiles rastaquouères plutôt que celle du Rhénan appliqué. Il faut dire qu'avec Barroso et Solana, qui dans leur jeunesse auraient très bien pu embarquer dans les délires de la RAF², nous sommes particulièrement gâtés.

Fisher prétend que l'avortement d'institutions efficaces (constitution Giscard) couplé à l'élargissement inconsidéré de l'Union aux pays pouilleux, ont délayé l'enthousiasme européen outre-rhin et laissé passer l'idée que l'Allemagne réunifiée s'en sortirait plus vite et mieux si elle n'avait pas à traîner en remorque tout le réseau buraucratique européen. Le projet historique pour la République fédérale que constituait la Réconciliation, se liquéfie lentement en zone de libre-échange à l'anglaise, espace assez bien adapté, ma foi, aux compétences et secteurs économiques de la première puissance de l'Union.

éoliennesOccupée d'abord à gérer son Etat, ses Etats, l'Allemagne a déjà réformé ses systèmes sociaux et fiscaux en profondeur pour survivre au choc économique des empires émergents. Pour agréger à ses débouchés naturels les immenses plaines orientales jusqu'à l'Oural, elle négocie en direct sans attendre quiconque. Au-delà, elle a l'oreille de la Chine. Finalement l'Allemagne qui a, selon les experts payés au mois, le plus mauvais pronostic démographique, regarde arriver son futur avec résolution parce qu'elle le bâtit, quand la France, dans une configuration socio-politique obsolète, regarde arriver le sien avec résignation parce qu'elle le subit.

Où je ne suis pas d'accord avec Fisher, c'est dans son exaltation de l'intégration européenne pour résoudre les problèmes allemands. Ouverture à l'Est ? Pourquoi faudrait-il la faire par l'élargissement ? De plus cette sorte d'Europe en crue vers l'Est indispose la Fédération de Russie, partenaire incontournable de l'Allemagne par ses ressources minières. Est-elle obligée à l'euro ? Non ! C'est le seul et unique pays de l'Euroland qui peut en sortir sans casse puisque tout le monde sait sur la planète que l'euro est le nom moderne du deutschemark jadis vénéré. Nous sommes en zone DM, qu'on se le dise. Et quand Fisher avoue que le peuple allemand ne viendrait jamais dans cette affaire de monnaie unique si c'était à refaire aujourd'hui, il en oublie le motif, qui est tout simplement que la dépréciation de l'image de "sa" devise par la gestion de gitans des économies latines l'insupporte.

TGV SiemensQuant à une politique indépendante au Moyen Orient ou en Afrique, elle n'en a pas plus besoin que cela ; elle en est un des fournisseurs principaux et ça lui suffit. Pas d'agenda colonial, pas d'obsèques grandioses, ni fleurs, ni couronnes, des mercedes !
Reste la construction d'un nouvel ordre financier lancée par Barack Obama. Personne ne fera rien sans Francfort, que la République fédérale soit dans la salle en titre ou masquée derrière le rideau communautaire, mais à tout prendre si on l'y pousse, elle préfèrera la posture du Japon qui ne laisse parler personne à sa place dès lors qu'il paie ! Et Sarkozy se dégonflera comme un ballon baudruche de la Fête à Neu-Neu car il parle avec l'argent des autres.

L'évolution allemande est-elle transposable en France ? Non ! Nous sommes tout son contraire.


Note (1): Project Syndicate est une association internationale de 425 journaux de 150 pays qui diffuse les analyses et commentaires les plus pertinents (de son point de vue) aux particuliers et corporations. Son site : www.project-syndicate.org
Note (2): RAF ou Fraction Armée Rouge. Si Barroso était maoïste, Solana était pacifiste militant.




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