L'affaire afghane tourne au vinaigre. Après nos deux légionnaires exécutés par un taliban infiltré dans une unité de l'ANA, voici que quatre autres viennent d'être tués dans les mêmes conditions à Gwan (Kapissa-sud). Il y a quinze blessés. Condoléances aux familles des morts et soutien à celles des huit blessés graves. Communiqué du MinDef : Les soldats tués et blessés dans cette attaque appartenaient à une OMLT, une équipe de conseillers insérée au sein d’un bataillon afghan. Trois des militaires tués appartenaient au 93e régiment d’artillerie de montagne de Varces, il s’agissait de deux sous-officiers adjudants-chefs et d’un militaire du rang caporal-chef. Le dernier était un sous-officier, adjudant-chef au 2ème régiment étranger de génie de Saint-Christol. Fin du communiqué.
Alors qu'il s'exprimait lors de ses voeux au corps diplomatique, le président Sarkozy a annoncé qu'il suspendait toutes les opérations de l'armée française en Afghanistan, et se réserve le droit de prévoir un retour anticipé des forces françaises, prévu initialement en 2014. Au bord des larmes dans la solitude propre au chef des armées responsable, nous avons reçu la déclamation mélodramatique comme une réaction de politicien... en campagne électorale. Nous eussions préféré que le temps soit laissé à l'état-major pour une analyse des circonstances et que les bonnes décisions soient prises à son niveau. Elles auraient dû l'être après le 28 décembre, mais on attendait Karzaï à Paris pour rédiger l'ordre du jour en direct de l'Elysée, as usual.
Que Zébulon interrompe sa prestation diplomatique, sur billet d'huissier, pour prendre instantanément la décision qu'il estime lui revenir est pure éjaculation précoce de Monsieur Je-fais-tout. C'est du moins tel qu'il est jugé par les Afghans et nos alliés. Longuet prend l'avion aujourd'hui pour porter la parole du président dans les popotes - souvenirs, souvenirs - et Hamid Karzaï arrive à Paris le 27. Tout est gelé sur un coup de tête.
Le blog du mamouth relève que pour l'armée française, impossible de "sortir" les forces afghanes des FOB où elle-même est installée. Sur certaines d'entre elles, l'ANA est en charge des périmètres extérieurs, et fait donc partie de l'équation capacitaire du site. Des civils afghans font partie intégrante des FOB, réalisant des petits travaux d'infrastructure, voire plus. Jeter ces civils afghans comme des malpropres, c'est les jeter dans les bras des insurgés, qui seront ravis de les compter parmi eux, et de récolter du renseignement sur les forces françaises. Sans OMLT, sans conseillers d'Epidote, sans POMLT (ils sortent chaque jour avec la police afghane), la France perd ainsi le crédit qu'elle avait patiemment gagné dans le pouvoir afghan et une partie de la population. La fraternisation des soldats français et afghans n'a jamais eu lieu sauf pour les caméras de propagande, car la distance culturelle est trop grande d'une part et surtout les capacités professionnelles sont à mille années-lumières. Mais la coopération très lente au début a fonctionné malgré tout. Recrutés par la solde et la faim et un peu par contrainte dans certaines provinces, les soldats de l'ANA sont à quelques exceptions près, des bidasses. Mais des bidasses connaissant la guerre de l'intérieur depuis des lustres. Elle n'a jamais cessé autour d'eux sauf pendant l'éphémère émirat taliban (1996-2001). Ces soldats réguliers, afghans en temps de guerre mais pachtounes, tadjiks, hazaras, ouzbeks, turkmènes, kirghizes, baloutches, aïmaks, en temps de paix, savent les effets des renversements d'alliance, les revanches à en attendre, les vendettas aussi. L'histoire de ce territoire qui ne fut jamais celui d'une nation unique, n'est faite que de campagnes de "warlords". Construire une armée de bric et de broc le plus vite possible fut imposé au gouvernement afghan par la Maison Blanche sur un agenda domestique, démocratique et donc électoral. A faire du chiffre pour suivre le programme imposé, l'embauche de recrues ouvre les portes à n'importe qui.
Les bataillons de tout-venant ne sont pas d'aujourd'hui et on palie la diversité de motivation sinon son déficit par un encadrement sévère et attentif au niveau des cadres de premier niveau, chez nous caporaux-chefs et sergents. Et les armes sont au râtelier. La première question qui vaille est de savoir si les commandants d'unité, appuyés sur leur subordonnés sont capables ou pas de détecter les zombies. Et la seconde est d'avoir d'une façon l'autre, leur pronostic sincère sur la situation prochaine de leur zone d'action. Car ils en connaissent tous les habitants et leurs histoires. Si ces territoires doivent subir la loi des vases communicants et l'avancée des insurgés concomittante au reflux occidental, alors ils doivent négocier pour cesser les morts inutiles de part et d'autre. C'est leur affaire, pas la nôtre. S'ils pensent tenir le poste demain, nous devons les améliorer techniquement, bien équipés et entraînés, en contrepartie d'une surveillance accrue de leurs propres soldats, et finir le job. Finir le job pour les femmes, les gosses et les gentils car ils ne sont pas une sous-espèce qu'on peut laisser comme ça à la merci des hyènes fondamentalistes et des mafias locales. Sinon qu'on se torche avec nos belles constitutions et qu'on arme nos propres gosses chez nous !
Cette attaque est typique de la guerre asymétrique pratiquée en Iraq par exemple, mais rapporté aux effectifs engagés en Afghanistan l'utilisation de ce procédé est infinitésimale.
RépondreSupprimerCa ne rassurera pas les familles des soldats engagés dans cette OPEX douteuse à leurs yeux.
SupprimerLe SG OTAN Rasmussen a souligné que l'ISAF avait là-bas 130.000 hommes entourés de 300.000 soldats afghans et que ce type d'accident était très rare. C'est vrai.
(posté sur Secret Défense)
RépondreSupprimerLe contrat est de passer la responsabilité de la sécurité du pays à l'ANA, pas de lui transmettre un pays sûr. Ce contrat est léonin mais nous le savions dès lors que la famille Karzaï est bien connue des services, comme on dit. Fallait-il achever al-Qaïda avec les Américains et partir sans signer ce contrat ? Sans doute. Mais c'est fait. Honorons, ça nous changera !
Il n'y a que deux raisons à cette guerre selon le vice-président Biden : tuer la pieuvre alqaïdiste et sécuriser les ogives nucléaires pakistanaises. Tout le reste est de la décoration. Malheureusement, un président qui se lève à 1h du matin pour féliciter le FBI d'avoir perquisitionné MegaUpload en Virginie, prend en otage une OPEX très difficile pour faire mousser sa candidature. C'est minable.
Le rapport de McClatchy est particulièrement troublant sur le mode d'accès aux galons dans la nouvelle armée afghane :
RépondreSupprimerMcClatchyDC.com.