Le vieux chef qui veut encore « faire jeune » va monter en Ecosse recevoir l’estocade du gouvernement britannique qui pour la réunion du G8 et quelques jours à peine après sa prise en charge du Conseil de l’Union européenne, veut le placer devant un choix impossible pour lui :
Forcer le destin de l’Europe vers les nouvelles technologies, le savoir de pointe, l’environnement, en mutualisant sa sécurité dans le cadre d’une Alliance atlantique durcie et modernisée, ou rester au cul des vaches, engraissées à perte de fourrages subventionnés qui par l’exportation de surplus que ces largesses suscitent, coulent les agricultures des pays pauvres ! Il n’y a pas de choix.
Le président de la République française, faute de n’avoir rien compris au monde actuel, sauf à abonder au tonneau des musées en tous genres, rentrera de Gleneagles, politiquement mort ! Alors dès la rentrée sinon avant, s’ouvrira en France l’orgie électoraliste quinquennale qui plongera le pays dans les prébendes clientélistes, tous ministres debout (non sur le pont mais) sur les freins. La situation lamentable de nos finances, les cohortes immenses d’inactifs, rien ne sera fait pour réparer ou réduire ce qui est pure incompétence aux yeux de beaucoup d’observateurs. Les couloirs de l’Exécutif ne bruisseront pendant vingt mois que du placement de chacun dans les allées du nouveau pouvoir annoncé rénové !
C’est sans doute le pire défaut du système républicain que cet abandon périodique du gouvernement politique de la nation dans l’attente fébrile de l’expression d’un choix par le corps électoral. Choix biaisé dans sa présentation à l’avantage du pouvoir sortant, par tout procédé de découpage des circonscriptions de vote, pénalisation des nouveaux prétendants, prime au premier, etc…
La succession héréditaire du chef d’état permet d’éviter cette perte de temps et plus considérablement d’énergie.
Jean-Philippe Chauvin nous l’explique ci-dessous :
Échapper au “choix”
Ce mode de succession apparaît comme la règle la plus simple, filiale et familiale, mais elle est difficile à faire admettre ou, simplement, à faire comprendre aujourd’hui où tout semble devoir être soumis à un “choix” (“pourquoi lui et pas moi ?”, “il faut choisir le meilleur” etc..) Sans doute est-ce une résultante de l’individualisme de masse, distillé et conforté par la démocratie marchande, dont Bernanos disait qu’elle était le meilleur instrument du capitalisme anonyme et anarchique.
N’hésitons pas à aller à contre-courant des idées reçues et des conformismes : l’hérédité est, non seulement le symbole, mais aussi le principe fort et actif de la Monarchie “à la française”. Ainsi, par cette succession institutionnelle du père au fils, la plus simple qui soit, le Roi, et l’État qu’il incarne le temps de son règne, échappent au “choix” : le roi n’a pas choisi de l’être, comme il n’a pas choisi de naître là, à un moment donné, fils de roi, donc appelé, statutairement, mécaniquement et naturellement, à ceindre, un jour, la couronne. Cela ne lui donne pas de droits mais lui fixe des devoirs, dont le premier est d’assumer sa charge monarchique, le jour venu.
Ce mode de succession a donc quelques forts arguments à faire valoir. Roland Mousnier mettait en avant l’argument historique : « L’hérédité n’a jamais produit une succession de rois aussi médiocres que celle des présidents de la IIIe République française (à une ou deux exceptions près), ce qui s’est terminé par l’effondrement de juin 1940, la plus grande catastrophe de l’histoire de France » (Monarchies et royautés de la préhistoire à nos jours. Librairie académique Perrin, Paris, 1989).
La notion de service
Paul Vaute (Voie royale. Éditions Mols (Belgique) 1998), à la suite de Gustave Thibon, avance des arguments plus psychologiques : « Le Roi est, en quelque sorte, consubstantiel à l’État [...] La monarchie gardienne des réalités humaines, repose sur la plus humaine des réalités : “Cette réalité que chacun peut constater, suggère Philippe du Puy de Clinchamps, est qu’il est du propre de l’homme, à de très rares exceptions près, de désirer transmettre à ses fils un héritage non seulement conservé, mais encore enrichi et mieux adapté aux nouvelles conditions posées par le temps qui a coulé [...] De cette évidence très charnelle découlent toutes les lois non écrites du royalisme” (Le Royalisme. Presses universitaires de France (Que Sais-je ?) n° 1259, 1967) ».
Il apparaît donc que la notion de “service” est au cœur même de la Monarchie royale, par le principe même de la succession héréditaire. Jean Jaurès évoquait, en une formule abrupte, mais en définitive réaliste et, tout compte fait, avantageuse, « l’égoïsme » royal qui forçait le roi à agir dans le sens de l’intérêt public et national.
Visage humain
Mais cela veut-il signifier que le monarque est toujours à la hauteur de sa charge ? Cela serait présomptueux et le royalisme n’est pas un charlatanisme électoral ou une “idéologie de la perfection” de l’homme nouveau et parfait, “total”... La monarchie est au contraire la reconnaissance, la prise en compte et parfois la pratique même des insuffisances humaines. L’homme est faillible, et le roi, comme tout homme, l’est, et il sait que les autres le sont : “il fait avec”, comme dit la formule. Il ne cherche pas à forger comme les totalitarismes ou les utopismes, un homme idéal ou, même, un monde idéal, il agit dans le sens de l’intérêt général, au-delà des particularismes et des individualismes et il ne peut que conserver l’humilité devant la nature et les faiblesses des personnes.
Un autre avantage de la succession héréditaire de la Couronne, c’est son caractère d’”anti-compétition”, comme le souligne Paul Vaute : « Une personne – mais aussi un couple, des enfants, une dynastie – dont le pouvoir n’est pas le fruit d’une lutte politique, qui n’a pas été fabriquée par l’état-major d’un parti, qui n’a pas percé à grands coups de marketing, qui ne peut être identifiée à un groupe social, un milieu culturel ou une région, qui défend en tout et toujours le bien commun : tel est le Roi. Il n’est pas nécessairement parfait – nul ne l’est – mais il n’est pas un parvenu. Il offre un visage humain bien nécessaire, indispensable même, à ces monstres froids que sont devenus les États dans le monde contemporain » (Paul Vaute : Voie royale. Éditions Mols (Belgique), 1998).
Détaché, de par son principe même, des contingences électorales, l’État royal préserve sa liberté d’action au sommet des institutions et, donc, peut au mieux assumer son rôle arbitral et s’imposer, pacifiquement, à tous comme garant suprême de la loi et des libertés publiques. Souvenons-nous de ce jour de février 1981 où le roi Juan Carlos, seul face à la caméra, son fils, le prince héritier, non loin de lui, en un discours d’une petite minute, a su désamorcer le coup d’État fomenté par des activistes militaires. S’il avait été l’élu d’un camp contre un autre, sa parole aurait-elle eu le même poids et le même impact ? On peut sérieusement en douter ! D’autres exemples, plus récents, en Thaïlande, au Maroc ou en Jordanie, confirment ce caractère d’”arbitrage suprême” de la monarchie, fût-elle elle-même “constitutionnelle”.
Dans une édition ultérieure nous continuerons à présenter cet excellent résumé de Jean-Philippe Chauvin en deux nouveaux chapitres :
- Un état dégraissé
- Prendre son temps
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