lundi 3 octobre 2005

En attendant Sobieski

Des suites de la bataille de Vienne-Kahlenberg (1683), les historiens Werner & Markov diront :
"La peur des Turcs, qui après la catastrophe de Nicopolis (1396) avait envoûté l'Europe comme un traumatisme, était enfin effacée, le retrait ottoman de l'Europe venait de commencer."

322 ans plus tard, c'est devant les objurgations de Vienne que campent les ambitions européennes de la République (islamique) de Turquie. Si la peur des Turcs est moins forte aujourd'hui qu'au XVè siècle, elle est revenue dans les wagons de l'immigration musulmane, même si les peuples d'ici savent faire la différence entre le monde turc et le monde arabe. Quoique la lutte tchétchène, comme l'irrédentisme albano-kosovar, fassent redouter de terribles fermentations dans les communautés nationales euro-musulmanes ! Comme en 1683, doit-on attendre le renfort polonais pour enterrer toute l'affaire ?

Le premier ministre turc qui n'est pas un modèle de diplomatie, a trouvé le slogan que certains européens cherchent contre lui depuis deux ans déjà : "L'Union Européenne doit maintenant décider si elle veut devenir un acteur global sur la scène internationale ou n'être qu'un club chrétien". Beaucoup applaudissent en cachette au lancement de ce club qu'on leur refuse à tous motifs de libéralisme, laïcisme, cosmopolitisme, capitalisme supérieur. Le dit-club pourrait bien s'agréger aux Etats-Unis comme l'y convie le dernier sommet transatlantique UE-USA, et former un acteur géant global et ... chrétien, du moins tant que les néo-cons dirigeront l'orchestre à Washington.
L'Angleterre voulant que la Turquie puisse adhérer, et manoeuvrant plus finement que les lourdauds français ou allemand, il serait étonnant que Jack Straw et le Foreign Office se fasse manger par Vienne. Mais si d'aventure les relations étaient rompues, à l'initiative de la Porte humiliée comme rarement le fut un gouvernement depuis cinquante ans, que pourrait-on voir ensuite ? Un repliement de la Turquie morfondue sur elle-même ? Jamais de la vie.

La Turquie fut une des premières "sweetshops" de l'Europe occidentale bien avant qu'on ne donne le rôle à la Chine ou l'Inde. Ce qui lui a permis une industrialisation importante tournée vers le marché international. La Turquie ne peut pas s'arrêter sur l'autoroute de la mondialisation, à peine de verser dans le fossé. Donc, le mouchoir dans la poche de sa fierté, elle continuera à pénétrer les marchés européens de ses productions. Par contre elle retrouvera une certaine aisance dans la gestion politique de ses problèmes internes, n'étant plus bridée par les "surveillants" bruxellois. La manifestation de son indépendance retrouvée pourrait être la pendaison théâtralisée du chef-terroriste Oçalan. Et de grandes manoeuvres aux frontières syrienne et irakienne, en plein pays kurde.

Passée la crise d'urticaire national, la Turquie ferait de plus longues visites qu'aujourd'hui dans les pays frères de l'arc turk, de l'Azerbaïdjan au Turkménistan et même jusqu'aux portes du Turkestan chinois. Ces pays s'ils ne sont pas de grands marchés ont d'importantes ressources que guignent les Européens affamés de matières premières et d'énergie. Les prix monteraient sans doute !
Et le rapprochement le plus intéressant pour la Turquie serait avec la Russie qui n'y verra que des avantages. Revenir en Mer Noire, prendre en tenaille l'Ukraine, et menacer la Géorgie pour l'amener à Canossa (enfin ce qui en tient lieu chez les Orthodoxes de la steppe). La Russie marquerait certainement le coup en voyant enfin se figer la progression de la frontière orientale de l'Union européenne, et secondement, la transformation d'un pilier de l'OTAN en point d'interrogation.
Si les choses venaient à se gâter avec l'OTAN (sur décision de l'état-major turc), il est à parier que les troubles facilement suscités au Sud-Kurdistan irakien, permettraient de sauver les meubles de la civilisation par une occupation "temporaire" des sandjaks de Mossoul et Kirkouz. On reviendrait à la paix ottomane. Quelque chose comme la pax romana, mais avec des sabres courbes.
L'Europe occidentale perdra peu à peu le marché turc car les consommateurs se détourneront des "produits traîtres" au profit des purs produits américains. Elle aura moins de difficultés à contenir l'islamisation de ses banlieues et institutions, mais elle ne pourra que la freiner. Et comme elle refusera une fois encore de se déclarer terre chrétienne pour divers motifs ayant trait à ce que Benoît XVI pourrait désigner comme l'outrecuidance suprême - «Là où l'homme se fait l'unique maître du monde et le propriétaire de lui-même, la justice ne peut exister; c'est alors le règne de l'arbitraire du pouvoir et des intérêts» -, ses gouvernements pataugeront dans des politiques divergentes de croissance et de sauvegarde, laissant comme aujourd'hui le sous-continent ouvert à tous les vents qui tournent sans cesse.

Faute d'une identité claire - ce qui ne veut pas dire simpliste - l'Europe se cherche un destin et une légitimité d'action dans le monde, alors que le reste de ce monde a dépassé depuis longtemps ce stade adolescent. Il n'y a aucune introspection en Chine, Inde, Brésil ou Etats-Unis. Ils foncent !

Mais remontons ces 322 ans, et profitons de ce que l'Histoire nous repasse le plat pour évoquer la belle bataille de Vienne qui va se terminer par la libération de la Croatie, comme aujourd'hui son adhésion.
Jean III de Pologne
Les Autrichiens de Léopold Ier, roi de Hongrie-Croatie, alignent cent mille hommes, renforcés de trente mille alliés commandés par le roi de Pologne (en médaillon), Jean III Sobieski et le duc Charles de Lorraine. Les Turcs renouvelant exactement le principe de progression de 1529 avaient réussi à effondrer une partie des murs de la capitale, et s'apprêtant à donner l'assaut général sur les brèches, le commandement ne prit aucune disposition pour faire front à l'attaque des Polonais qu'il jugeait moins imminente. A 4h du matin du 12 septembre, les coqs ayant été égorgés, les fantassins autrichiens sur leur aile droite, allemands au centre et polonais décalés à gauche, avancent sur Mustapha. S'ensuivront douze heures de combats acharnés dénoués par la charge victorieuse des houzards polonais à 15h qui, renforcés d'escadrons austro-allemands, arriveront à percer jusqu’à l'intérieur du camp ottoman qu'ils désorganisent. La garnison viennoise sortira pour accélérer la victoire et trois heures plus tard l'armée du grand vizir se débandera, laissant 15000 morts sous les murs de Vienne.
Léopold Ier exploitera son succès et battra les Ottomans à Zenta et Mohács pour obtenir, à la Paix de Karlowitz en janvier 1699, le retour sous la couronne habsbourgeoise de Hongrie-Croatie, de la Slavonie, Syrmie, Bácska et le Banat, que Soliman le Magnifique avait conquis au XVI° siècle.

Louis XIV, qui avait refusé son concours, en fut fort marri.
Chirac pareil, si l'Autriche impose son "diktat".


FLASH - 04.10.05.- L'UE lance les négociations d'adhésion avec la Turquie et la Croatie
Luxembourg - L'Union européenne a officiellement lancé cette nuit des négociations d'adhésion avec la Turquie et la Croatie, après un véritable marathon diplomatique pour éviter une nouvelle crise. Mais la route s'annonce longue et semée d'embuches.
«C'est véritablement une journée historique pour l'Europe et pour toute la communauté internationale... Nous sommes tous gagnants», a salué le chef de la diplomatie britannique Jack Straw, dont le pays préside l'UE.
«Nous avons franchi un tournant historique», a renchéri son homologue turc Abdullah Gül, arrivé au Luxembourg pour une brève et symbolique cérémonie d'ouverture des pourparlers.
Jack Straw a souligné que la Turquie avait désormais «une longue route devant elle». Les négociations devraient durer au moins dix ans d'ici à une entrée effective dans l'UE qui, selon le cadre fixé pour les négociations, n'est pas garantie.
The End !

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