mardi 15 novembre 2005
La Crise Triple
Le pays se réveille sonné par dix-neuf nuits d'émeutes "nationales". Etat d'urgence soft model pour trois mois, couvre-feux circonscrits, et des dizaines de millions d’euros de destructions. Tout le monde est usé, casseurs, policiers, politiques et blogueurs.
Le discours du président de la République de lundi n'était pas plus attendu qu'il était convenu, se limitant à passer en revue les faits et les causes sur un ton compassé. Cela faisait un peu soirée "Connaissance du Monde" à l'Alcazar de Tulle. La crise est donc triple :
"C'est une crise de sens, une crise de repères, c'est une crise d'identité. Nous y répondrons en étant fermes, en étant justes, en étant fidèles aux valeurs de la République".
Oui, triple, puisque depuis Descartes tout va par trois dès qu'un Français explique quelque chose. Faites un test.
Sens ? moral, civique sans doute. Repères ? familiaux, religieux peut-être (le gros mot est lâché). Identité ? française, évidemment. La conseillère à prompteur Claude Chirac ne s'est pas foulée quand elle a fait sa rédaction de certificat d'études. C'est vrai qu'on ne le passe plus et ça se voit ! Zappons le reste, tout le reste, les douze minutes qui ont suivi le triptyque de présentation. Il est des textes dans lesquels, avec l'habitude, on peut précéder le récitant. Le discours du chef de l'Etat était de ceux-là.
Dans Le Figaro du 14 novembre Guy Sorman publiait son opinion sous un titre accrocheur "C'est l'Etat qui a brûlé". Un passage entre autres retient mon attention : "En somme, l'Etat est nu, mais il ne le sait pas ; la classe politique réfugiée dans ses palais du XVIIIe siècle et, dans deux arrondissements de Paris, assistés d'une haute fonction publique à son image, fort peu représentative, plus que jamais occupée à ses querelles internes, a pour principal objectif sa propre survie. Pendant ce temps, la France – réelle – brûle. Notre police étant efficace, on ne doute pas que le feu sera éteint et que tout reprendra comme avant car l'autisme d'Etat n'est pas plus curable que celui des enfants".
En effet l'Etat ne comprend plus rien à la Nation. Nos princes, sont-ils plus réceptifs ? Car ils commencent à faire nombre ceux qui se sont démontrés à eux-mêmes que la monarchie est le meilleur régime politique par la pérennité de l'axe d'effort au plus haut sommet de l'Etat, par les libertés les plus larges concédées aux étages subalternes, et parce que le roi à lui tout seul est le meilleur bouclier du peuple.
Mais cette lutte politique doit aboutir un jour à faire un roi ! Qui prétend donc à l'écrasante charge de roi ? Et que nous dit-il ou nous disent-ils de cette faillite du régime républicain qui a fait verser la nation au fossé ? Je n'en ai pas la moindre idée.
Crise de sens : le sens moral est une agriculture familiale et scolaire. On ne peut dire que le régime présent veuille le détruire, au contraire il souhaiterait qu'il encadre plus étroitement les velléités contestataires à son endroit. Le sens moral peut être revivifié facilement si les enceintes de son apprentissage sont préservées.
Le sens civique en monarchie n'est que l'amour du roi. Tout le reste en découle naturellement. C'est relativement plus facile qu'aujourd'hui. L'incivisme disparaît; il s'appelle alors délinquance.
Crise de repères : la famille est l'objet de toutes les attentions "novatrices" d'une catégorie sociale auto éclairée qui a décidé du progrès individuel après avoir défendu le sens de l'Histoire, hors de portée désormais. La famille est un corset vieillot et bourgeois qui bride les élans existentiels des individus et leur liberté inaliénable de faire ce que bon leur va. Le seul problème est qu'on n'a pas encore trouvé de cellule de remplacement qui tout à la fois produise de l'être humain, fasse la couveuse, puis la serre de pousse, fournisse de l'acquit et expulse à l'arrivée un produit normalement fini, destiné lui-même à créer ensuite une cellule identique pour recommencer l'histoire de l'homme. La Société, l'Etat, et même la Religion, ont été disqualifiés comme substituts à la famille. Mais on n'a de cesse de la remettre en cause par tous les biais possibles. Le dernier est cette mascarade de l'homosexualité productive.
L'autre repère défunt serait-il la religion ? Qui suis-je, où vais-je ? A vrai dire, c'est la retraite en bon ordre des églises, de toutes les églises qui se sont enfuies vers l'humanitaire de proximité ou lointain, à défaut vers le happening racoleur de cultes débridés qui n'ont plus grand chose à voir avec l'inquiétude de l'âme. Et même si l'islam dont on parle beaucoup, veut faire encore illusion, il est miné aussi par la laïcisation des moeurs et des esprits. Peut-on ressusciter le repère religieux ? Pas sans remettre en place les écoles confessionnelles. Et le piège se referme : qui peut souhaiter islamiser une partie du système éducatif général ? Donc ce repère est à la société ce que le sodium est à l'eau; il y brûle.
Crise d'identité : c'est le gros morceau. Avoir une carte d'identité ouvrant à la totalité des droits de la Nation et exigeant peu de devoirs en retour, et vivre consciemment ou pas, volontairement ou pas, en apartheid. Personne n'a prononcé le nom qui convient à ce que nous avons vu : SOWETO.
Il n'est plus question, de mesures généreuses, de plans Borloo médiatiques, ou même de Tapie Le Retour (ce sont des copains); c'est toute la base sociale et économique de la Nation qui doit bouger. Et on doit s'y mettre tout de suite, car pour paraphraser le premier ministre Erdogan à l'époque où il n'était que chef de parti : les ventres des femmes des Quartiers sont les casernes des soldats de l'émeute. Tout est à remettre à plat, si possible sans casser ce qui tient encore debout - on est assez bas déjà !
Le problème numéro un de la crise d'identité est la discrimination basique ou la prévention de faciès à l'embauche opérée par les PME et l'Artisanat. Or ce sont les réservoirs d'emploi les plus importants et ceux qui recrutent le plus largement dans les compétences offertes par les Quartiers, qui sont justement ségrégationnistes.Les groupes industriels comme les banques d'ailleurs, ne discriminent pas. Certains secteurs de distribution spécialisée comme les composants électroniques ne discriminent pas non plus. Mais quand on aura vaincu les réticences, les refus-réflexes, on aura quand même un trou de trois millions d'emplois dans le paysage. Donner ici, c'est prendre là. C'est une dispute à somme nulle. Plutôt que de gémir comme il le fait sur des crises qu'il n'a pas vu venir ou qu'il n'a pas voulu prévenir par calcul électoral, notre vieux président ferait mieux d'abandonner son modèle social "post-soviétique" sclérosé hérité des années cinquante, qui enferme l'innovation et la créativité dans un carcan qui nous fait moquer par le reste du monde. Brisons les chaînes réglementaires défendues par les prébendiers de la République et l'establishment-nomenklatura reconvertie. Si avant de sortir les pauvres immigrés de l'épure de nos problèmes, on commençait par exemple à exiler les syndicalistes gras aux Kerguelen, on relancerait presque automatiquement la création d'emplois comme on y parvient ailleurs. C'est bien ce qu'a réussi Margaret Thatcher au Royaume-Uni quand elle a dynamité les Unions. Dès l'instant, le pays s'est mis à grimper comme une mongolfière qui aurait rompu ses amarres. Car la vraie réponse à la crise d'identité, c'est bien sûr l'intégration de tous les "nationaux" dans le secteur marchand, c'est la création d'emplois pérennes par des entreprises nouvelles sur des créneaux nouveaux, labourés inlassablement dans une liberté nouvelle d'entreprendre et de gérer. Ce qui est pour la France une Révolution.
C'est pourquoi, on peut attendre des princes qui prétendent à la charge de roi, qu'ils nous rassurent sur les perspectives économiques qu'ils donneraient à la France. Car au delà des témoignages, du patrimoine, des traditions, des lois fondamentales, ou des oeuvres caritatives, ce qui compte dans les soucis du peuple c'est l'économique.
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