samedi 6 mai 2006

La Culture du roi

Affiche Mathieu 2006La nomination d'un "ministre de la Culture" laisse percer l'intention très gaullienne de l'Etat de se mêler de tout. Les étrangers qui nous visitent sont chaque fois un peu surpris d'apprendre que la "culture" française est dirigée par le gouvernement. Et de se demander aussitôt avec quelque effroi, si ce n'est pas la vraie raison de notre formidable acculturation. Nous n'aurions pas la culture infuse, nous serions vaccinés de force.
Les foyers français ont le "gaz à tous les étages", l'eau courante, l'adsl et la culture. C'est un package. Le Français lit aussi beaucoup, du moins à ce qu'en peuvent voir nos visiteurs qui empruntent le métro ou l'autobus parisiens. Et l'étranger reste incapable d'assouvir sa perplexité !

Depuis la nuit de l'histoire antique la culture suit les lois de la gravitation et de la pesanteur. Elle décore la scène parcourue par le prince du moment sur son ordre, et descend jusqu'au niveau d'appréciation du vulgaire comme pluie tiède. Certains peuples ont l'obligation d'apprécier positivement cette livraison d'art, à peine de se voir refuser toute estime et donc toute écoute des étages décideurs. Le peuple français est de ceux-là. Même s'il est admis que le pouvoir le traite de veau.
Quand la culture remonte du peuple, on l'appelle folklore. C'est déjà plus rustique.

Au moment de dégraisser fortement l'Etat afin de le compacter et le durcir sur ses pouvoirs régaliens, se posera cette question de l'inclusion ou pas de la culture au coeur des soucis du prince, dès qu'on aura fixé les limites de la sûreté intérieure et extérieure de la Nation, celles de la justice, celles de l'éducation de base et autres intérêts primordiaux, comme les hôpitaux publics et les asiles d'aliénés.
Et la Culture ?

D'instinct nous allons choisir de ne pas l'inclure dans le faisceau de pouvoirs régaliens. Et essayons de nous justifier

S'il ne s'agissait que de l'administration comptable des services publics culturels, on pourrait décider que les grandes entités soient gérées depuis l'état central dans un souci de cohésion, les étages régionaux et communaux ressortissant quant à eux de l'échelon local. Bibliothèques, théâtres, music halls, quines et courses au sac n'ont rien de régalien. Par contre l'Opéra de Paris ou le Louvre ne peuvent être abandonnés aux édiles municipaux qui mettraient vite en place un système de dépouilles au gré des majorités. Il suffit de connaître les tentations des petits satrapes municipaux pour en être convaincu, même si la démocratie locale prime sur ces tentations faciles à dénoncer. La gestion de ces grands vaisseaux restera dans le giron de l'Etat central.

Mais la Culture n'est pas que gestion. Elle est d'abord création ; et aucun cabinet ad hoc n'a jamais rien sorti vraiment dans le domaine des arts, de la littérature ou de la philosophie. En histoire peut-être, au gré des vents mauvais de la repentance. La création se nourrit de la liberté mais aussi de la contrainte, du génie intérieur de chacun mais aussi de ses insuffisances, de sa propre culture et expérience accumulée, mais aussi de l'instinct. Enfin et surtout, de l'étincelle qui fait des productions humaines, de l'art.
Le milieu est aussi un bouillon d'émotions, d'enthousiasmes, perfidies, complots, mines et pièges, et de grandes joies qui sont difficilement appréhendées par le "technicien".
Tout cela semble un peu compliqué à organiser dans les "règles de l'art", la part d'intuition est trop grande pour confier la Culture à des administrateurs.
Le dernier en vue, Bozonnet de la Comédie Française, s'est vautré récemment dans la bauge de la censure comme un goret, pour une affaire de moeurs politiques qui ne le regardait pas ; d'autant qu'il est apparu à tous qu'il n'y avait rien compris, mais avait obéi par réflexe à la pensée officielle, sans que les instances supérieures ne lui aient rien demandé, en plus !

Comme on le voit, il n'est question au départ que de personnes dans la Culture, pas de règlements ou procédures. Ceux-là arrivent ensuite pour justifier la position juteuse de contrôleurs en tout genre. Mais ils n'y donnent que peu ou pas d'impulsion.

L'histoire des arts de France montre à l'envi que la volonté du prince fut chaque fois déterminante. Les rois Louis 13, 14 et 15 l'ont démontré, comme Napoléon III d'ailleurs qui eut la longueur de règne juste suffisante. Et les présidents éphémères de notre dernière république ont tous abondé au tonneau du mécénat présidentiel : Pompidou et Beaubourg, Giscard et Orsay, Mitterrand et le Louvre, Chirac et ses Arts Premiers. Même quand les affaires du pays ne vont pas fort, la ténacité du prince palie les déficits et réoriente des moyens vers "sa marotte".

Si la Culture est définitivement une question d'hommes et pas de gnomes, il serait avisé d'en affecter sa protection et sa vie (ou son développement) à des hommes plutôt qu'à des bureaux. Ainsi le maire, le président du conseil général, le président de région, chacun à leur niveau de citoyenneté, et in fine le chef de l'Etat, auraient à endosser personnellement les fonctions de "ministre de la Culture" avec pleins pouvoirs attachés à leur aire de responsabilité.

Ainsi pourrait-on dire que la Culture doit appartenir aux pouvoirs régaliens de chaque étage de gouvernement, incarné dans la "meilleure" personne de la sphère considérée. Au final, on ne changerait pas grand chose au niveau suprême du pouvoir sauf à se débarrasser de ces courroies de transmission imbues de leur vanité telles que nous les présente le trombinoscope de la Rue de Valois. On distribuerait par ce choix la personnalisation de la fonction par tous le pays. Avec au niveau supérieur l'avantage indéniable de la durée dans l'hypothèse d'un changement de régime (dans le bon sens).

Postulat à critiquer : la Culture ne participe pas des pouvoirs régaliens. Elle est de la sphère privée du prince, et des élus.

nécessité de l'espérance
Exposition Mathieu ouverte tous les jours, sauf le lundi,
de 12h30 à 18h30 du 5 mai au 2 juillet.
Petite Ecurie du château de Versailles
Entrée libre
01 30 83 78 00

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