Malgré l'émoi suscité par le refus des représentants de l'Etat d'apposer sur la Chapelle expiatoire la plaque confédérale commémorant le massacre des gardes suisses du 10 août 1792, la plaque est toujours sur une étagère des Invalides, visible ou non, je ne sais. L'obligation de mémoire reste bafouée, et de manière inélégante, ce qui ne peut surprendre dans notre république déshonorée.
Le site du colonel Driot (cliquez sur le garde) consacré à la médaille de la Fidélité et de l'Honneur donne une estimation des pertes. C'est un complément indispensable à notre précédente note Aux Suisses de la Garde du 10 décembre 2005 :
Le Régiment des Gardes-Suisses comprenait en principe, un effectif de :
- Etat-Major ......................... 70
- Officiers .......................... 77
- Sous-Officiers et Soldats ....... 2.018
En 1787, le régiment avait été réduit en raison des difficultés de recrutement et le 8 août 1792, il comprenait un effectif d'environ 1.500 hommes répartis en un Etat-major, et quatre bataillons (le 1er bataillon rue Grange Batelière; le 2e à Rueil; les 3e et 4e à Courbevoie).
Les victimes de la journée du 10 août 1792 comprirent :
- 1.500 tués et 3.000 blessés parmi les assaillants;
- 2.400 Gardes nationaux, 950 Suisses, de nombreux volontaires royaux (dont 120 Officiers de l'ex-Garde Constitutionnelle et 200 fidèles à la royauté); des gendarmes et du personnel du Château (130 serviteurs), soit 4.500 personnes défendant les Tuileries avec 12 canons. Peu en réchappèrent.
En ce qui concerne les Suisses, 600 hommes et 15 Officiers furent massacrés aux Tuileries et 100 blessés environ furent emprisonnés; dans cette même journée, y compris ceux qui étaient dans les casernes, 150 furent emprisonnés aux Feuillants et 246 à l'Abbaye, au Châtelet et à la Conciergerie. Au total 876 Suisses dont 26 Officiers et 850 sous-Officiers et Soldats furent tués ou massacrés le 10 août et les 2 et 3 septembre.
Le lieutenant de l'ex-Garde Constitutionnelle Nicolas Laurent de Montarby (1769-1818) en prenant le Commandement d'un détachement de 30 Suisses privé de son chef, M. Saint-Venant de Forestier, sut les préserver de la folie sanguinaire de la foule et le lieutenant Coquet, de la Garde Nationale Parisienne qui nourrit 12 Suisses pendant trois semaines chez lui, sauva ces derniers du massacre, au péril de sa vie.
Enfin, 17 Officiers et 200 sous-Officiers et Soldats sortirent de Paris sous des déguisements et le nombre des rescapés du régiment (qui reçurent la Médaille) ne fut que de 389, dont 21 Officiers, sur un effectif d'environ 1.265.
Si la pétition Vallet-Baux réussit à vaincre l'inertie officielle, il est à craindre que le pouvoir ne négocie une lâche "compensation" pour apaiser les effusions conventionnelles qui ne manqueront pas de naître dans les rangs des révolutionnaires de coton qui battent en permanence le pavé médiatique, en évoquant les victimes de l'autre bord, les sans-culottes, sur quelque support répondant à la plaque confédérale. Ainsi les lions seront-ils pesés avec la canaille. C'est impossible. Il suffit pour le comprendre de lire ce que le colonel Pfyffer d'Altishoffen dit dans son récit (cliquez sur le garde) de cette journée funèbre, d'une manière simple et émouvante :
« Le régiment environné des périls et harassé de fatigues, déploya dans toutes ces circonstances, un caractère inaltérable de sang froid, d’ordre, de discipline. Il conserva dans le service la ponctualité des temps calmes. On n'épargna rien pour corrompre les soldats du régiment des gardes Suisses; promesses, menaces, séduction de principes, exemple des autres troupes, tout fut employé, rien ne les ébranla; leur fidélité jeta l'ancre au milieu de la tempête politique qui les investissait de toutes parts. Un décret de l'assemblée constituante avait anéanti la discipline; il n'eut jamais aucune influence sur le régiment; ce furent les soldats eux-mêmes qui réclamèrent le maintien de leurs antiques règlements; le corps entier ne formait qu'une famille, dont le sort et les intérêts occupaient également les chefs et les subalternes. Le major baron de Bachmann était l'âme du régiment. »
On doit honorer la fidélité au serment et l'honneur du soldat, pas la furie de l'émeute.
La mémoire publique de ces hommes simples et exceptionnels à la fois, est aujourd'hui à la merci des humeurs de nains politiques qui se vantent de faire l'histoire dans des compromis de béguinage sur la tendreté des gâteaux mous. Le ministre de la Culture et repris d'amnistie est du même tonneau que le roi de la Fête et marchand de sable qui préside aux séances de l'Hôtel de Ville. L'un comme l'autre sont des bateleurs communautaristes aux ordres de la bienpensance mainstream. Ils croient faire l'opinion alors qu'ils y sont tenus comme chèvres au piquet. L'important est d'en donner le plus possible à leur clientèle ; l'important c'est l'estrade, les flashes, la musique, la cohue, les guirlandes, le défilé du zoo alternatif et puis se voir le soir à la messe du Vingt-Heures.
Les dirigeants trop sérieux de la Confédération helvétique n'ont pas pris leurs conseils au bon endroit. Pour honorer leurs morts, il fallait offrir aux folles de Paris, de la Bastille à la Chapelle, un "big bazar tonitruant" avec majorettes bernoises (ça existe ?), les fanfares de Lucerne, des chars bigarrés avec des lions de ménagerie, puis la musique des gardes pontificaux et deux bataillons d'evzones grecs, le tout clôturé par six rangs de Harley-Davidson en strings de cuir et casquettes "horde sauvage".
...... et la plaque aurait été posée !
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