La monarchie restaurable est-elle un pouvoir fort ?
La fréquentation des forums royalistes permet de croiser toutes les sensibilités, du survivaliste mérovéen rassuré en secret par le Da Vinci Code jusqu'au royaliste social-démocrate qui veut simplement couronner la Cinquième république. Tous ont leur "chance". Dans l'état d'affaissement de la Nation et de putréfaction de l'Etat qui l'écrase, bien malin qui affirmerait déjà que son pronostic ne soit pas le bon.
Après tout, pérenniser la fonction présidentielle actuelle qui embrasse plus de pouvoirs que jamais aucun chef d'état n'en eut en France avant et après le Premier Empire, en titularisant le chargé d'affaires en viager, est du domaine du possible dès que la dérive démagogique actuelle se sera brisée sur le défaut de patience populaire.
De même, surgirait-il d'un passé très ancien le porte-étendard d'une dynastie réputée hâtivement perdue, qu'il mettrait d'accord les maisons royales pour en finir avec leur guérilla stérile et disparaître à leur tour dans les profondeurs de l'usurpation. Le choc d'une légitimité antique retrouvée paverait la voie d'une restauration des rois primitifs, auréolés de leur fonction sacrificielle et de leur gloire intacte. Notons qu'au deux extrêmes du spectre, on trouve des constitutionnalistes, le roi-président ici, le roi régnant (un peu fainéant) et ne gouvernant pas, là.
Si chacun des royalistes a donc sa "chance", il en est un qui peut-être se fourvoie : c'est le partisan du pouvoir fort. La confusion est assez répandue que la fonction royale d'un souverain permanent incarne un pouvoir fort. Et pourtant l'histoire montre que les "tyrans" de la monarchie furent déposés sans qu'ils aient pu ou su actionner les instruments qui auraient forcés leur maintien. L'émeute populaire déposa Louis XVI monarque absolu ; une seconde déposa facilement Louis XVI monarque constitutionnel ; bien plus tard, une autre émeute déposa en trois jours un Charles X plutôt autoritaire.
"La légitimité du Roi naît du besoin du peuple". C'est l'attelage Roi-Nation qui tient la monarchie. Dès que l'un doute de l'autre, il y a rupture. Et comme dans les affaires de couple, ces ruptures sont irrémédiables et le plus souvent violentes. La Nation se méfiait tant de Louis XVI qu'elle le mit en résidence surveillée aux Tuileries. Varennes déclencha le divorce. Le roi Charles X se méfiait de la Nation qu'il provoqua par des ordonnances peu "politiques". Une simple émeute mal réprimée par omission de d'assurer des comploteurs, le convainquit d'abandonner.
Par contre, la monarchie citoyenne qui lui succéda survécut à des émeutes continuelles, les réprimant avec tact jusqu'à l'erreur finale d'avoir méjugé une émeute ouvrière en émeute populacière. Pourquoi tint-elle 17 ans au milieu de cette effervescence ? Parce que l'attelage Roi-Nation n'était ni revendiqué ni nécessaire. On était entré dans l'époque de l'intérêt général "bien compris", c'est-à-dire celui de la bourgeoisie libérale, celui de la haute banque et des compagnies de chemins de fer. Le roi était devenu secrétaire perpétuel de la classe industrielle et financière, il avait perdu l'aura sacrificielle de droit divin et la Nation était vue par lui et ses conseils comme un réservoir de main d'oeuvre et un marché. Il ne se voulait d'ailleurs que le roi des Français, sachant l'autre étage hors de portée. La Nation de son point de vue, ne l'acceptait que comme l'Adjudant-major de l'administration, chargé de la représenter autour des tables des conseils d'administration. Quand elle ne le jugea plus fiable, elle le démit.
Après la parenthèse populaire de la Seconde République qui donna trois ans de vraie liberté facilement récupérée par les "gens qui comptent", cette organisation oligarchique assez bien ficelée, franchira sans heurts majeurs le Second Empire et permettra - il faut le reconnaître - la révolution industrielle qui remettra la France au tout premier rang des nations européennes.
L'épopée s'achèvera sur le désastre de Sedan, le régime se fracassant sur un dessein hégémonique parfaitement articulé sur la force des armes, dessein qu'il sous-estimait parce qu'il n'était à ses yeux que l'avatar impossible à l'époque moderne d'un saint Empire révolu. La locomotive à vapeur n'avait pas complètement ringardisé les chevaliers teutoniques. L'empereur écrasé par le projet prussien, sachant qu'il n'avait plus depuis longtemps de connexion avec la Nation, jettera l'éponge immédiatement.
Les républiques qui suivront alterneront pouvoir fort et faible, et la tendance sera toujours de rappeler un pouvoir fort quand les choses allaient mal, dans l'espoir diffus de renouveler le pacte "roi-nation" : Pétain, De Gaulle, Chirac et maintenant Villiers (c'est la seconde nécessaire d'humour).
Aux nationalistes qui rejoignent la cause royaliste ne faut-il pas préciser que le roi de France n'est pas un homme fort ?
Le roi participe d'un complexe politique, affectif et sacré qui en font un personnage unique, et certainement pas un tyran de rencontre ou un brigand beslusconien. La définition de ses pouvoirs, même en allant jusqu'à l'absolutisme (étymologique), pourrait bien réunir l'exécutif et le législatif dans son Conseil qu'ils seraient limités dans leur aire d'application. Plus ils seront absolus, régaliens, durcis, moins ils seront larges et moins ils descendront les strates de l'organisation politique du pays. Le paradoxe n'est-il pas que l'autorité forte du monarque concentre ses pouvoirs sur l'essentiel en laissant l'océan du subalterne s'organiser de soi-même. "Le roi en ses conseils, le peuple en ses états".
A noter à ce moment que si les pouvoirs exécutifs et législatifs sont confondus dans la même main, le pouvoir judiciaire s'en échappera sauf à franchir alors le seuil de la dictature au sommet de l'Etat ; mais au sommet seulement. La main de justice que détient le roi, préside et protège l'Institution et garantit son impartialité. C'est tout. C'est le Code qui s'applique universellement.
Ainsi dans l'hypothèse la plus "virile" d'un roi omnipotent - ce qui est pure conjecture -, il est peu de chances de voir réprimer durement les émeutes populaires à Clichy ou Toulouse, déporter les immigrés surnuméraires dans le Var, dépouiller les étrangers des prestations sociales, concentrer les gays en camps ardéchois, abolir l'avortement au Puy-en-Velay, ou envoyer Besancenot aux Kerguelen, toutes mesures criées de première nécessité par les partisans de "l'homme fort".
Le roi et son Conseil n'ont pas à courir les feux automobiles de la Saint-Jean, les marais à moustiques, les chaînes de montage de climatiseurs ou les sucreries betteravières. Le quotidien est remis aux organes régionaux et locaux.
Le roi témoigne du pacte national dans des manifestations traditionnelles ou des occasions graves, et cela suffit déjà. Pour le reste il travaille dans le souci permanent du bien commun sachant que la société ne doit servir qu'à préserver les intérêts particuliers de chacun. Le gouvernement central s'attachera à nommer au niveau de la haute fonction publique des personnes intègres et capables, jouant de l'exemple donné à l'intention des pouvoirs territoriaux qui les regardent.
La dignité retrouvée d'évidence en haut permettrait sans doute aucun de se défaire en bas des tribuns de préaux et forts braillards de tribune dont nous avons fait cent fois le tour, au point de savoir aujourd'hui qu'ils sont creux comme le plâtre des statues à l'érection desquelles ils cotisent de leur vivant.
Finalement pour que le pays retrouve confiance en lui et dignité, il suffit qu'elles descendent d'en haut.
Aux étages de contact Etat-Nation, les choix seront démocratiques et la fonction publique de proximité retrouvera ses marques propres, hors desquelles l'électoralisme démagogique l'a tirée pour sa perte, étant devenue aujourd'hui l'ennemi intérieur. Toute la Nation sera convoquée au patriotisme et les énergies personnelles seront mobilisées pour la guerre économique mondiale, par tous moyens et d'abord celui de la promotion sociale et de la récompense au mérite et au succès.
En contrepartie de quoi sera appliqué le décret proposé par Boiffils de Massanne ...... en 1869 :
"Les dignités, places et emplois publics ont été jusqu'ici la plaie de la France ; leur nombre et leurs avantages doivent être réduits au strict nécessaire tellement qu'ils ne puissent tenter la capacité de personne ; ce sera un travail occupant le moins possible de citoyens avec une rémunération juste mais modique".
Et le déficit public sera déjà réglé. Si l'on interdit en outre aux agents de l'Etat d'être aussi son législateur, on aura produit la vraie séparation des pouvoirs et renouvelé le fonds des initiatives.
Rien de vraiment dictatorial dans tout cela.
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