mercredi 23 août 2006

L'armée du roi (3)

Philippe-Auguste
Troisième volet de notre série Défense et Monarchie.
Qu'apporterait le roi à notre politique de défense et aux moyens nécessaires à sa mise en oeuvre ?

On ne peut répondre à la question avant d'avoir choisi un régime monarchique. Si le roi est l'incarnation constitutionnelle de la Nation il apporte ce faisant un écho charnel à l'affection que doit porter le citoyen en armes à sa patrie. C'est déjà mieux qu'une statue de plâtre serrée au bas du corset qui représente la dernière laitière en vogue du PAF ! Lorsque nos imaginations se seront usées dès demain à la réprésentation de la nation ou de la patrie, il sera venu le temps du prince que les soldats pourront enfin acclamer. Mais il y faudra quelqu'entraînement car nul n'en a conservé la mémoire, aucun président de la république n'ayant jamais été acclamé, de mémoire de trouffion !
Constitutionnel à l'anglaise, le monarque cristallisera l'amour de la patrie, la fidélité et le sens de l'honneur par l'exemple. Du moins devrait-il en être ainsi et c'est ainsi que nous le ... rêvons !

Si le roi entre dans les chaussons du président de la Vème République jusqu'à assumer concrètement la fonction de chef des Armées, ce qui n'est pas vraiment le cas avec le titulaire actuel, il en va tout autrement. Sans que l'on puisse craindre une "dérive de propriétaire" il sera difficile de ne pas voir dans le dispositif de défense nationale, "l'Armée du Roi".

Si le roi est celui de tous les Français, l'armée répond à la même définition. Or il est à craindre qu'il faille un peu plus que quelques cent jours de grâce pour que le peuple français, y compris la fraction engagée dans la chose militaire, devienne royaliste complètement. Le réglage entre l'obligation du serment de fidélité qui dans tous les pays lie le soldat au roi ou à la reine, et la liberté de conscience politique, risque d'être délicat. A défaut de réponse ronéotypée sur les presses de l'ENA il conviendra de se renforcer d'un conseil en casuistique, ce qui par bonheur ne manque jamais en France.

A part ce lien affectif nouveau au chef de l'état permanent, la défense nationale ne semble pas vraiment modifiée par le régime monarchique. Le paramètre de sa permanence a-t'il un impact ? Pas vraiment dès lors que la programmation militaire est affaire au long cours et n'existe que dans une certaine permanence déjà. Le général Gallois a soulevé la question des cycles pertinents des systèmes d'armement sur le site des Manants du Roy ; nous engageons le lecteur à s'y précipiter pour évacuer cette question, en n'oubliant pas que le premier chef des armées est ce que l'on nomme pudiquement le nerf de la guerre ; et qu'il va nous faire terriblement défaut pour finir nos "programmes".

Si troisièmement, nous avions une monarchie du type parfait, absolue, le chaos qui l'aurait précédé serait un désastre si profond qu'il serait oiseux de débattre encore de l'affect réciproque des parties, la nation en miettes et le roi-messie ! Nous serions en opération-survie.

Pour terminer, il faudrait évoquer le roi en guerre par rapport au président dans la même situation. S'il est certain que la question affective très importante dans cet exercice, se trouve considérablement modifiée par la personnification du souverain en chef des armées, on doit aussi se souvenir que les monarques qui s'aventurèrent au front pour s'y faire battre y perdirent leur ... emploi ! Pour embrasser largement l'épopée, citons François Ier et Napoléon III. La personnification du régime ne peut-elle aussi emporter l'un avec l'autre ?
On montera plus vite à l'assaut en criant "vive le roi"; encore faudra-t-il y croire !

Il n'empêche qu'un monarque à cheval passant devant les troupes a bien plus belle allure qu'un locataire à bail précaire vautré dans la soie d'une décapotable qu'il n'a même pas choisie. Car on vous l'avez caché jusque là : il n'est de beau roi de France qu'équitant. Le Frankreich ne fut-il pas un pays de centaures ?

L'Armée du Roi, au moins pour la carte postale.

mercredi 2 août 2006

Défense et moyens (2)

Moyens nécessaires aux missions des armées françaises ? Allons-y !

On ne peut pas mettre de côté plus longtemps la question budgétaire et l'état calamiteux des finances de l'Etat. L'impéritie des gouvernements depuis vingt ans nous prive de nous distraire dans tous les types de missions à la portée d'une puissance moyenne qui se veut encore grande. La tendance serait donc de privilégier une bonne qualité dans tous les compartiments accessibles plutôt que de l'effectif (un fonctionnaire coûte deux millions d'euros de sa titularisation à sa mort), en réservant les techniques de pointe aux domaines d'excellence de notre industrie. Nous en avons trois indiscutablement, l'aéronautique, l'artillerie et les missiles. Nous sommes à niveau dans la construction navale, mais très concurrencés. Nous sommes moyens dans les chars et les véhicules où nous passons des marchés dans un cadre plus large de coopération-corruption.

De ce qui précède on peut tirer que ce sont les armées de l'air et de mer qui en l'état des crédits disponibles, seraient (relativement) privilégiées, et l'armée de terre réduite à proportion. Ce qui amoindrit la capacité de "gendarmerie coloniale" que nous offrons à l'Occident, de même que celle de supplétifs du Pentagone comme nous le reprochait le ministre-déserteur Chevènement. Et tout compte fait, cette révision incontournable permettrait de remettre les pendules africaines à l'heure : faites ce que vous voulez mais ne comptez pas sur le RPIMa pour vous arracher aux sables mouvants vers lesquels vous vous précipiterez.

Notre domaine d'outremer restant conséquent et la sûreté des couloirs d'énergie exigeant d'en assurer physiquement la libre pratique, nous devons maintenir des unités d'intervention adaptées, pugnaces et équipées de moyens permanents. Les régiments parachutistes, la Légion étrangère et un corps de commandos spécialisés répondent à tous les cas de figure. Les économies vont porter sur les unités de mêlée qui pourraient être reformées un jour lointain si une menace continentale se précisait de nouveau. Sont visés, essentiellement l'avant blindé, l'infanterie non spécialisée, les unités de chasseurs mécanisées et des unités de service et d'appui mal adaptées. Révisons en chemin nos structures de commandement qui s'empilent et se contredisent pour n'être à la fin que des niches à officiers généraux. Un état-major par arme et un état-major de campagne éphémère formé à chaque opération, seront bien suffisants et raccourciront le fil hiérarchique.

système Caesar du GIAT
Pour ce qui est de notre contribution continentale à l'Alliance, outre la couverture aérienne que nous évoquons plus loin, nous pourrions y affecter deux corps de chasseurs alpins qui ne dépareraient pas une Armée alpine européenne avec les Italiens et les Autrichiens - il faut penser au futur Camp des Saints (joke!)-, une division complète d'artillerie lourde à base du système Caesar (en photo), et deux divisions blindées de choc qui devraient servir de show-room permanent de notre savoir-faire si nous parvenons un jour à entrer dans les prix du marché. Ce coeur d'alliance français devrait être irréprochable. En attendant, méditons la maxime : "le seul blindage qui soit capable de résister à la matière, c'est la pensée" (Nikos Lygeros), et cessons de croire que trop fort n'a jamais manqué.

N'entrons pas dans le piège du choix unité par unité. Prises ainsi, chacune s'avère toujours indispensable, spécifique, exactement au bon endroit ; à tout le moins pour fournir un espace de carrière aux militaires. Disons que les contraintes budgétaires et la participation du ministère de la Défense à la réduction de la dette publique qui n'est pas supportable bien longtemps, devraient réduire l'Armée de Terre d'un bon quart.
Il nous reste les privilégiés (comme toujours).
Puissance, allonge, compacité (budgétaire) sont les trois paramètres d'évaluation.

Armée de mer
Au delà de son propre domaine maritime, la France n'a plus vocation à régner sur les mers du globe. L'empire c'est fini ! Nous avons besoin d'être en position de supériorité ponctuelle sur deux théâtres d'opérations extérieures à la fois. La dispersion de nos possessions nous offre des points d'appui logistique précieux. Il faut s'en servir. Compte tenu d'un dispositif de "bases", il n'est pas nécessaire de mouvoir une escadre du modèle porte-avions+escorte. On peut poser la question de savoir où et quand le Charles-De-Gaulle a été décisif dans ou en périphérie d'un conflit ; ils sont pourtant nombreux. Par contre on sait ce que coûtent l'amortissement et l'entretien d'une pareille escadre ; sans parler du rapport prix-dommage si on met deux Exocet sur l'épure ! Un bateau d'orgueil construit sur vingt ans et stratégiquement pataud.

la Jean-Bart
L'avenir est aux frégates modernes puissamment armées et aux avisos de stationnement outremer. Deux porte-hélicoptères donneraient la base d'assaut. Il n'est pas interdit de penser à une mutualisation de certains moyens avec l'Amirauté. Après tout nous avons défilé à Portsmouth pour l'anniversaire de Trafalgar ; on avait loupé Aboukir !

Armée de l'air
C'est le domaine français par excellence du combat de l'Alliance. Par sa géographie, l'Europe a besoin de la France pour sa défense aérienne et surveiller ses approches maritimes. L'armée de l'air française étant au coeur du dispositif ouest-européen, elle doit être un modèle efficace et intimidant. On peut se demander s'il est vraiment utile de maintenir pour les quinze ans qui viennent des chasseurs-bombardiers dotés de l'arme atomique tactique. La dissuasion nucléaire se suffit de sous-marins stratégiques, voire de missiles intercontinentaux.

Rafale
Il vaudrait mieux mettre les crédits sur des avions polyvalents de la qualité du Rafale, et revendre nos modèles anciens à la Bolivie ; sans parler de se défaire des modèles d'appui-sol diurne que sont les Jaguar qui impressionnent au Sahel mais nous ont ridiculisés lors de la première guerre du Golfe puisqu'on ne pouvait les enrôler dans l'ordre du jour avant d'avoir la météo.
Reste à assurer la projection de nos unités par des moyens de transport adaptées. Airbus y travaille. La Marine semble dotée.

Pour l'instant la démarche apparente des gouvernements Chirac successifs a été de couvrir tous les domaines théoriquement accessibles par la France (mère des arts, des armes et des lois), pour au final délayer la puissance annoncée à proportion du support budgétaire possible. C'est stupide, on obtient un corps creux que l'on n'ose exposer. Il faut s'en tenir à l'essentiel, accepter notre réduction à proportion de notre part dans le PIB mondial, viser l'excellence et la prouver dans des opérations précises et peu nombreuses où nous nous engagerons, pour l'art militaire, pas pour le maintien de l'ordre. Cessons cela !

En quoi un régime monarchique pourrait-il assainir notre situation militaire et donner des axes d'effort déclarés sur lesquels nos amis et alliés pourraient compter dessus ? C'est ce que nous essaierons d'approcher dans un troisième et dernier volet.

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