Les Epées n°22 ont paru, sous le titre de saison "Les élections contre la démocratie". J'ai remplacé la couverture de Serge Degrim qui n'est pas en ligne par celle ci-contre, tout de mon cru.
C'est le dossier Politique qui sera le plus prisé de cette livraison au moment où les Français retrouvent un certain engouement pour les affaires générales. Vous ne serez pas déçus, on attaque par une enquête sur les contradictions du régime actuel qui part du postulat que le peuple souverain est indivisible.
Comment dès lors une de ses sections pourrait-elle obtenir une part supplémentaire, se demande JB Barthélemy. C'est le fondement de l'escroquerie idéologique dont nous avons parlé maintes fois.
Il démonte facilement le travail de sape constitutionnelle du président Chirac qui se démarquera de la pratique "monarchique" de ses prédécesseurs pour se fourvoyer dans la satrapie. Jamais président français et pas seulement de la Cinquième, n'aura méprisé autant le corps électoral Jamais président n'aura usé avec autant de cynisme des trous de serrure de nos institutions. Le préjudice est considérable puisqu'il a quasiment tué le régime gaullien, à tel point que chaque candidat prévoit d'abandonner le cadavre et renaître sous les oripeaux d'une nouvelle mouture, plus présentable ... aux gogos. Barthélemy désosse complètement la responsabilité politique du chef de l'Etat dans l'autorité de la fonction. Il faut lire Les Epées !
Petit slogan de Serge Degrim sur le mode de campagne de Ségolène Royal : Désirs d'avenir, la plus grosse carotte ayant jamais fait avancer un si grand nombre d'ânes.
L'article d'Hector Nissac sur les Néocons américains qui se termine en amalgamant le président français (qui ne croit ni à Dieu, ni à Diable, mais à Lui-même) ne m'a pas complètement convaincu. Je crois que la mise en oeuvre d'une politique néo-conservatrice par l'administration Bush puise sa source non tant dans les universités de Paul Wolfowitz et de Condoleezza Rice, mais dans le risorgiamento national que permit la grande statue creuse de Ronald Reagan, un sorte de super-Chirac mais qui réussit son coup par délégation : effondrement de l'empire soviétique. L'équipe soudée autour de Rumsfeld et Cheney entendait refaire la même opération avec le fils Bush pour établir définitivement la suprématie américaine sur le globe avant que les empires asiatiques ne prennent leurs marques. Pourquoi, aurait été intéressant à savoir. Que cette tentation impérialiste ait réuni en France feu JF Revel, Glusckman, Bruckner et Kouchner, qui se jettent maintenant aux pieds de Sarkozy, est subalterne. Mais la photo de GW Bush coiffé du Stetson est très parlante.
On arrive maintenant au billet de Marsala, Paradoxe de l'élection, qui fait la couverture du numéro 22.
La dialectique électorale est un duel à trois, l'homme politique, le journaliste, l'opinion publique sondée. Si l'élection est devenu dans la bouche de nos dirigeants le symbole le plus pur de la démocratie, ils n'ont eu de cesse de canaliser cette expression démocratique à leur profit exclusif par tous moyens de confinement. Le marketing qui ravage aujourd'hui la campagne électorale aboutit à un système médiatico-sondagier selon Emmanuel Todd.
Il est loin le temps ou Chirac nouvellement élu élargissait le champ constitutionnel du référendum pour rapprocher "le peuple" des institutions. Hélas, il révisera cette constitution maintes fois par les voies du Congrès de Versailles. La seule fois où il suivit les mauvais conseils de son cabinet (car lui ne pense rien) c'était sur l'Europe qui fut toujours le cadet de ses soucis sauf histoire de vaches, et son référendum lui explosa dans les mains.
Pourtant la démocratie directe garde sa magie au point que la candidate socialiste a inventé les jurys citoyens. Le reste de la classe politique a vu immédiatement le danger de remettre en cause le résultat des élections par les gogos pour lesquels elle se donne tant de mal. Cette liturgie du vote universel sacralise l'élu pour le temps de son mandat et la confiance populaire doit être aveugle puisqu'il incarne la Vérité révélée de la démocratie. Tout le reste est laisser la bride aux humeurs et aux modes.
A la quatrième page Marsala conclut : " L'élection au coeur même du système démocratique moderne, instaure des logiques, des principes, des pratiques, qui n'ont strictement rien à voir avec la démocratie. C'est ainsi qu'elle dévoile la véritable nature de [...] la démocratie : un bluff qui ne peut tromper que ceux qui veulent bien l'être ".
L'autre article du dossier "Elections" est d'Axel Tisserand. Le fil rouge en est Michel Barnier, le fil blanc, Pierre Boutang. Quelques citations pour vous faire regretter d'être trop jeunes pour avoir lu l'hebdomadaire La Nation Française dans les années 50-60 :
" Il n'est pas facile pour un peuple de se donner un chef. Après bien des soubresauts, l'ancienne France avait fini par penser que c'était à la fois dangereux et illusoire".
En septembre 65 il disait : "Le suffrage universel ne peut, finalement, que reconnaître une vocation - héroïque ou historique- à incarner l'unité de la nation et à procurer la continuité de l'Etat". Ce qui balançait une réflexion antérieure de 1964 : " Le pire serait, sous le nom de république [c'est à dire l'absence d'une tête de l'Etat], de risquer l'élection d'un partisan, ou d'un factieux, à la tête de l'Etat d'essence royale, c'est à dire e couronner la guerre civile". On y est en plein !
En janvier 67 il écrivait : "A l'intérieur de la démocratie, en son acceptation générale de la souveraineté du peuple, la France ne s'épargnera pas de choisir finalement, entre le pouvoir "oligarchique", ou principe majoritaire comme masque des partis et des factions, et le pouvoir "personnel", incarnation du bien commun et de l'unité politique en une personne vivante et libre, qui fonde la liberté de l'Etat". Mai 68 allait montrer que ça ne suffisait pas. Les partis reprendront du poil de la Bête jusqu'à aujourd'hui jusqu'à vouloir se sauver sur la peau de la Nation.
Bon, nous n'en sommes qu'à la page 19, il y en a 59 !
Quelques titres d'articles en vrac :
- Plaidoyer pour la représentation proportionnelle du Pr Rouvillois (à archiver, mais on y reviendra sur Royal-Artillerie par un billet entièrement consacré à la Proportionnelle)
- Nicolas Hulot ou l'élimination consensuelle (V.Lefort-Zelminska)
- Par delà toute idéologie (A.Tisserand)
Et une critique littéraire serrée et copieuse : bio de Marcel Aymé, Réussir sa mort de Fabrice Hadjadj, Combats Littéraires d'Octave Mirbeau, portrait de Guy Dupré, Contamination de Sarah Vajda, Voltaire méconnu de Xavier Martin, Mishima de Baatsch, Fortunes et infortunes des Orléans de Dominique Paoli, Japonisme de Lambourne (excellent), La Discorde de Brauman etFinkelkraut, Dictionnaire du snobisme de Philippe Jullian, et l'éreintage de Trémolet de Villers par Ibn Assidim !
A la fin, Entrailles de la Bête de Quentin Dorval, un exercice sur l'univers carcéral, à frissonner !
Il n'est pas besoin d'être royaliste pour lire Les Epées. C'est une revue de haut niveau qui vous en donne beaucoup pour 18 euros par an.
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C'est volontiers que j'aurais participé à votre sondage en ligne (colonne de droite) , mais aucun des choix proposés n'a ma faveur !
RépondreSupprimerQuel serait donc votre voeu ?
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